Lettres choisies du révérend père De Smet/ 9

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Victor Devaux et Cie ; H. Repos et Cie (p. 86-100).
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IX


Université de Saint-Louis, 20 janvier 1852.

Toute la matinée du 31 juillet, jour où l’Église célèbre la fête de saint Ignace, fondateur de la Compagnie de Jésus, fut employée à faire les dispositions nécessaires pour notre excursion dans l’intérieur du pays. M. Culbertson, surintendant des forts situés sur les rives des rivières Missouri et la Roche-Jaune, est un homme distingué, d’un caractère doux, bienveillant et charitable ; il est, au besoin, courageux et intrépide. Toujours il m’a prodigué des témoignages de bonté et d’amitié, mais surtout pendant cette dernière expédition. Placé à la tête de notre petite compagnie, il me fut très-utile dans l’exécution de mon projet.

Nous étions trente-deux personnes  ; la plupart étaient des sauvages assiniboins, minatarees et corbeaux qui devaient se rendre au grand conseil indien dans le voisinage du fort Laramie, par la même direction que nous avions choisie, et qui n’avait guère moins de huit cents milles de longueur. Deux chars et deux charrettes pour transporter nos provisions et notre bagage formaient tout notre convoi. Ces quatre véhicules furent probablement les premiers qui traversèrent jamais cette partie du désert. On ne voit pas le moindre vestige de route tracée entre le fort Union et les Buttes-Rouges, qui se trouvent sur la voie de l’Orégon, et sont à la distance de cent soixante et un milles à l’ouest du fort Laramie.

Après avoir dîné, nous traversâmes le fleuve avec notre bagage. Suivant le cours d’un des petits tributaires de la rivière Roche-Jaune, nous fîmes six milles environ. Nous avions avec nous un habile chasseur métis de la nation des Pieds-Noirs. Il débuta heureusement en nous apportant deux gros chevreuils qu’il avait tués. Les maringouins nous attaquèrent de toutes parts et ne nous laissèrent point de repos. Il fallut les combattre sans relâche, avec des branches, des mouchoirs et de la fumée. Cette dernière arme est la plus efficace pour dissiper ces insectes odieux  ; mais cette fumée est en même temps pour les voyageurs une rude épreuve à supporter. La nuit qui survint nous amena une tempête. Le tonnerre grondait au-dessus de nos têtes et les nues déchargeaient des torrents d’eau.

Le 1er août, à six heures du matin, nous nous remîmes en route. Nous prîmes toutes les précautions possibles pour éviter la rencontre de quelque bande hostile. Les sauvages qui nous accompagnaient tinrent constamment les yeux fixés sur le sol pour voir s’ils ne découvriraient pas des traces récentes de quelques ennemis. Une longue expérience leur donne un tact admirable pour trouver des indices qui sont imperceptibles pour d’autres. Les adversaires que nos compagnons avaient le plus à craindre dans le pays que nous devions traverser étaient les Pieds-Noirs et les Sioux. Après avoir déjeuné aux environs de la source de la rivière du Renard, nous traversâmes, jusqu’au soir, des plaines élevées et verdoyantes, bornées par une chaîne de coteaux qui s’étend de la rivière Roche-Jaune au fleuve du Missouri. De temps en temps, on voit dans le lointain des espèces de buttes qui servent de guides au voyageur. Au déclin du jour, nous fixâmes notre camp près de la base des Tétons de la Roche-Jaune. Ces Tétons ont pris leur nom d’un groupe de hautes collines, situées dans un des vallons délicieux qui sont en grand nombre dans ces parages et qui, entourées d’arbres et d’arbustes de différentes sortes, forment un contraste agréable avec les plaines dégarnies de bois que nous venions de traverser. On y trouve une grande abondance de fruits sauvages, tels que prunes, cerises, groseilles, sorbes, baies de buffle ou Shepherdia canadensis. Parmi les végétaux et les racines, nous remarquâmes la Psoralea esculenta ou racine à pain ; la pomme blanche, avec sa fleur d’une blancheur ravissante et de forme ovale, qui a près de trois pouces de circonférence, se trouve partout dans le désert et mériterait une place dans un jardin de plantes choisies ; les Indiens en font grand cas. L’oignon sauvage et l’oignon doux portent de belles fleurs ; ces plantes s’amélioreraient sans doute par la culture ; les racines de la flèche d’eau, du genre Sagittaria, et celles du lis de la vallée, du genre Convallaria, sont également très-recherchées par les Peaux-Rouges, qui leur donnent le nom de patate de cygne. Le pois et la fève de terre sont des produits délicieux et très-nourrissants ; ils se trouvent ordinairement dans les terres basses et alluviales. Ces plantes forment une portion considérable de la nourriture des sauvages pendant l’hiver ; ils les vont chercher dans les endroits où les souris et d’autres petits animaux, surtout les écureuils, les ont entassées.

Les maringouins nous tourmentèrent beaucoup durant le jour. Ils inquiétèrent surtout nos chevaux et nos mules qui en étaient couverts. Pour nous, nous avions pris nos mesures contre leurs attaques, en portant de gros gants, malgré la forte chaleur, et en couvrant nos têtes d’une enveloppe de gaze grossière en forme de sac.

La distance entre les Tétons et le fort Union est d’environ trente milles. Nous vîmes très-peu de bêtes fauves ; de temps en temps, une gazelle ou un chevreuil était réveillé dans sa retraite et prenait la fuite à notre approche. La trace de toutes les espèces d’ours, surtout de l’ours gris, y est très-commune ; on le rencontre principalement dans les endroits boisés et le long des rivières et des ruisseaux. Nous réussîmes à en tuer trois, non sans beaucoup de danger et d’efforts. Notre chasseur nous apporta deux gazelles bien grasses, qui furent bientôt apprêtées et servies à notre souper. Un des sauvages tua un chat puant (mephitis americana). La puanteur de cet animal est insupportable aux blancs ; les sauvages, au contraire, paraissent l’aimer ; la chair en est pour eux une nourriture exquise. Qu’il est vrai le proverbe : De gustibus non est disputandum ! À chacun ses goûts et ses caprices.

Le 2 août, nous partîmes de grand matin et nous trouvâmes la brise très-agréable. Le pays que nous traversâmes était plein d’intérêt. Les vallées étaient couvertes d’une riche verdure et d’une profusion de fleurs de différentes couleurs. Des bosquets de cotonniers, d’ormes, de frênes, ainsi que des groupes de sorbiers et de cerisiers, s’offraient à la vue le long des rivières et des ruisseaux qui étaient à sec. Nous montâmes pas à pas les côtes qui séparent les eaux du Missouri de celles de la Roche-Jaune, et sont comme autant de barrières insurmontables sillonnées par des ravins profonds. Nous triomphâmes de ces obstacles avec beaucoup de difficulté et nous atteignîmes enfin le sommet de ces hauteurs. Là s’offrit à nos yeux le spectacle le plus magnifique. La nature y a accumulé une grande variété de ses faveurs les plus bizarres. D’un côté, on voit une succession de belles prairies entrecoupées, çà et là, de touffes d’arbres rabougris et de buissons, et se terminant en collines verdoyantes parsemées de groupes de cèdres et de pins  ; de l’autre, on aperçoit des tas informes d’argile rouge et blanche et des monceaux de pierres, qui de loin, par leur couleur, ressemblent à des briqueteries  ; quoique en apparence jetées sans ordre les unes à côté des autres, ces pierres ajoutent beaucoup d’intérêt aux objets curieux qui se présentent à la vue.

La région que nous parcourûmes pendant plusieurs jours nous fournit des preuves évidentes qu’elle avait été très-volcanique, même jusqu’à une époque bien récente, car la surface en était encore couverte de lave et de scories. J’ai compté jusqu’à soixante et dix collines en forme de cônes de vingt à cent cinquante pieds de haut, groupées dans une seule plaine et dans un espace de quatre à cinq milles  ; elles avaient évidemment passé par l’épreuve du feu. Quelques-unes de ces collines étaient formées par de grands amas de fraisil que la terre, dans ses convulsions brûlantes, semblait avoir vomis de ses entrailles. Plusieurs fois, après avoir fait quelques milles sur les hauteurs, nous nous trouvâmes soudain en face d’une pente presque perpendiculaire de roche et d’argile blanche, où nous eûmes à descendre nos voitures à force de bras. Nous entrâmes ensuite dans une chaîne de vallons et de prairies fertiles arrosées par des fontaines et des ruisseaux, embellies par le cotonnier, l’orme, le frêne, le cèdre et le pin. Dans d’autres endroits, la crête des côtes est remarquable par la beauté et par la richesse des sites où abonde la verdure.

Le quatrième jour de notre voyage, nous aperçûmes des milliers de buffles. Tout l’espace entre les rives du Missouri et celles de la Roche-Jaune en était couvert à perte de vue. Jusqu’alors les maringouins nous avaient beaucoup tourmentés, tandis que là ils avaient entièrement disparu. Nous cherchâmes la cause de ce phénomène ; les sauvages nous dirent que l’absence de nos ennemis ailés avait pour cause la présence du nombre prodigieux de buffles qui paissaient dans les plaines d’alentour et qui attiraient ces insectes. Nous vîmes en effet ces nobles animaux se débattre’en se jetant, avec leurs cornes et leurs pieds, de la terre sur le corps, ou en se roulant dans le sable et la poussière qui montait dans l’air comme un nuage. Le sort de ces animaux paraît bien pénible. Ils sont torturés jour et nuit. Pendant toute une semaine, nous entendîmes leurs mugissements, semblables au bruit du tonnerre qui gronde dans le lointain, ou aux vagues de la mer qui se brisent contre la falaise. On peut dire que c’est le pays où les buffles et les bêtes fauves se trouvent en plus grande abondance. Un bon chasseur y pourrait tuer facilement, dans une journée, plusieurs vaches, plusieurs cerfs, une grosse corne, ou mouton de montagne, un chevreuil à queue rouge ou un autre à queue noire, une gazelle, des lièvres et des lapins ; il pourrait tirer sur un ours gris et rencontrer un renard croisé ou argenté. À cette liste d’animaux ajoutez le castor, la loutre, le blaireau, le chien de prairie, et plusieurs espèces de volatiles, principalement les faisans et les coqs de bruyère. Nos chasseurs, on le conçoit aisément, faisaient leur choix. En effet, on se régala de ce qu’il y avait de plus délicat, et nous laissâmes une grande quantité de viande dans les plaines pour servir de nourriture aux vautours et aux loups, dont les hurlements retentissaient déjà de toutes parts.

Un sauvage assiniboin nous donna une preuve remarquable de sa dextérité, à la chasse ; je ne puis omettre d’en faire mention. Seul et à pied, il s’approcha, sous le vent, d’un grand troupeau de femelles de buffles. Dès qu’il fut assez près d’elles pour leur faire entendre le son de sa voix, il commença à imiter le cri d’un jeune veau. Aussitôt les vaches accoururent vers l’endroit où se cachait le chasseur industrieux, et il en tua une. Le troupeau alarmé se retira en toute hâte et en grand désordre. Le chasseur rechargea sa carabine et renouvela le même cri. Une seconde fois, les vaches s’arrêtèrent et revinrent comme par enchantement  ; il en tua une autre. Ce sauvage nous assura qu’il aurait pu en abattre davantage en se servant de la même ruse. Il crut que nous avions assez de deux vaches et laissa partir le reste.

Les voyageurs jouissent d’un excellent appétit dans ces hautes régions. J’ai été étonné plus d’une fois de l’énorme quantité de chair qu’un homme est capable d’y consommer sans nuire à sa santé ; on le croirait à peine en Europe. Une et même deux langues de buffle, une côte avec quelques autres bagatelles ne sont pas considérées comme une portion considérable pour un seul repas.

Le 7 août, nous traversâmes des terres entrecoupées de beaucoup de ravins et de ruisseaux dont le lit était à sec.

Le sol, plus léger que celui que nous venions de fouler, était couvert de différentes espèces d’Artemisia ou absinthe, signe infaillible d’un terrain stérile. L’aspect de tous les ravins, de tous les lits des rivières et des ruisseaux, et de tous les coteaux, prouve qu’il y a dans cette région de nombreuses mines de charbon de terre. Les observations que j’ai faites sur la nature du sol me font augurer que ces dépôts de houille s’étendent jusqu’aux gisements nombreux qui se trouvent dans les terres arrosées par les rivières Saskatchewan et Athabasca. J’en ai déjà parlé dans mes lettres écrites en 1845 et 1846.

Le voyageur reconnaît à des signes évidents que les plaines immenses qu’il traverse, et où il ne voit pas un seul arbuste, n’ont pas toujours été dénuées de bois. Des troncs d’arbres et des arbres entiers pétrifiés s’offrent souvent à sa vue. Il s’étonne, il admire ; il fait des conjectures sur le changement qui s’y est opéré. Mais quelle réponse peut-il donner à la question : Pourquoi ces terres-là ne sont-elles pas boisées, comme elles le furent dans les temps antérieurs ? Les steppes de l’Asie, les pampas de l’Amérique méridionale et les prairies occidentales de cet hémisphère semblent revêtir un caractère commun et uniforme ; généralement parlant, on n’y trouve ni arbres ni arbrisseaux. Quelques observateurs l’attribuent à l’action du feu qui a souvent passé par ces endroits ; d’autres, au changement que le climat y a subi, ou à la stérilité naturelle du sol ; il en est enfin qui prétendent que quelque grand bouleversement de la nature a détruit les forêts qui y existaient autrefois et réduit ces régions à la condition où nous les voyons aujourd’hui. J’ai examiné différents endroits ; les grands tas de coquilles de l’espèce testacée et du genre musculus que j’ai trouvés à quelques pieds du sommet des côtes les plus élevées, et qui étaient incrustés dans des terres alluviales et mêlés de sable et de cailloux rongés par l’eau, prouvent les changements étonnants que cette région élevée a subis.

Le même jour, nous traversâmes une vaste côte qui s’étend jusqu’aux Buttes de la Tête de Hibou. Ces buttes, dans cet océan de prairies, servent à diriger le guerrier, le voyageur et le chasseur  ; on les aperçoit à une distance de trente milles. Du sommet de cette côte, nous avons contemplé avec plaisir ce qu’on appelle le pays des terres blanches, ou plaines argileuses de la Roche-Jaune.[1] Du sud au nord, elles mesurent un espace de trente à quarante milles. Je suppose que ce sol ressemble à celui qui avoisine le Missouri et qui contient à peu près les mêmes fossiles.

De pareils terrains volcaniques se trouvent aux environs des sources supérieures des rivières de l’Arkansas, de la Platte et de la Grosse-Corne, tributaire de la Roche-Jaune. Près de la source de la Rivière-Puante, l’un des tributaires de la Grosse-Corne et dont les eaux imprégnées de soufre ont les mêmes qualités thérapeutiques que les fontaines célèbres nommées Blue Lick Springs, au Kentucky, se trouve l’endroit appelé l’Enfer de Colter, du nom d’un fameux chasseur de castors. Ce sol est souvent agité par des convulsions formidables. Les gaz sulfureux qui s’en échappent en grande abondance infectent l’atmosphère à plusieurs milles de distance et rendent la terre si stérile, que l’absinthe même n’y peut croître. On m’a assuré que les bruits ou explosions souterraines que l’on y entend parfois sont épouvantables. Je pense néanmoins que l’endroit le plus remarquable de ce continent, et peut-être le plus merveilleux de l’hémisphère septentrional, se trouve au centre même des montagnes Rocheuses, entre le 43e et le 45e degré de latitude et le 109e et le 111e degré de longitude, c’est-à-dire entre les sources de la rivière Maddison et de la Roche-Jaune. Il s’étend à une distance de près de cent milles. Les fontaines bitumineuses, sulfureuses et thermales y sont en très-grand nombre. Les sources chaudes contiennent une grande quantité de matières calcaires, et s’échappent des coteaux plus ou moins élevés qui ressemblent par leur nature, sinon par leur étendue, aux fameuses fontaines de Pambouk-Calessi,[2]dans l’Asie Mineure, et qui ont été si bien décrites par Chandler.[3] La terre est soulevée à une grande hauteur, et l’action des éléments lui fait prendre les formes les plus variées et les plus fantastiques. Des gaz, des exhalaisons, de la fumée sortent sans cesse par des milliers d’ouvertures, depuis la base jusqu’au sommet de la côte volcanique  ; le bruit ressemble à celui de la vapeur qui s’élance avec force des tuyaux d’une machine. Comme à l’Enfer de Colter, on y entend des détonations souterraines très-fortes. Les chasseurs et les Indiens en parlent avec une crainte superstitieuse  ; ils regardent ce lieu comme la demeure des mauvais esprits. Les sauvages s’en approchent rarement sans offrir quelque sacrifice, ou du moins, sans présenter le calumet de paix aux esprits turbulents pour se les rendre propices. Ce bruit mystérieux provient, disent-ils, de ce qu’on y forge des instruments de guerre  ; chaque éruption de la terre est à leurs yeux le résultat d’un combat livré entre les esprits et devient l’origine d’une nouvelle victoire ou calamité… Près de la rivière de Gardiner, qui est un tributaire de la Roche-Jaune, on trouve tout un gisement de soufre. Je tiens ce rapport du capitaine Bridger, qui a parcouru ces montagnes dans tous les sens, et y a passé plus de trente années de sa vie.

Depuis les Buttes du Hibou, où nous campâmes le 7 août, jusqu’aux sources de la rivière d’Immel qui en est éloignée de trente-six milles environ, nous voyageâmes sur les hauteurs. La surface était raboteuse, coupée par des ravins profonds et très-difficiles à passer avec nos véhicules. À chaque pas nous rencontrions des débris volcaniques  ; pendant deux jours, la route nous offrit à droite et à gauche des coteaux brûlés, dont quelques-uns, couverts de lave et de scories, étaient évidemment des cratères d’où les matières volcaniques avaient été lancées dans les plaines voisines.

Au déclin du jour, nous fûmes témoins d’un beau phénomène. La lune était entourée de quatre cercles : le premier d’un bel azur, le second de pourpre, le troisième blanc, et le quatrième était obscur ou noir. Au milieu de ces cercles, la lune brillait de tout son éclat. Les sauvages augurèrent de ces signes qu’une bande ennemie se. trouvait dans notre voisinage, et ils passèrent la nuit à veiller, les armes à la main…

Le 10, nous quittâmes les hautes côtes et nous fîmes à peu près vingt milles à travers un pays stérile, très-rugueux et raviné par les pluies. Une espèce de salamandre, que l’on nomme communément grenouille à corne, les lézards et les serpents à sonnettes y abondent. Voici ce que j’ai pu apprendre des sauvages sur les moyens dont on se sert pour guérir la morsure de ce dernier reptile. La racine noire est regardée parmi eux comme un antidote souverain, et la Providence l’a rendue très-abondante, précisément dans les lieux où ces reptiles se trouvent. C’est bien le cas de dire que le remède est à côté du mal. Il suffit de bien mâcher la plante et de l’appliquer sur la blessure pour que l’enflure s’arrête et disparaisse bientôt. Lorsqu’un sauvage, son cheval ou son chien ont été mordus par un de ces serpents, on poursuit à toute outrance le reptile, qui meurt assez tôt après avoir distillé son venin. On lui ouvre l’estomac, on en extrait le contenu, et on l’applique sur la blessure ; l’inflammation cesse et les effets dangereux du poison sont détruits. Quand l’empoisonnement est très-considérable, les sauvages se servent des os aigus et des dents du serpent pour piquer et ouvrir la peau tuméfiée ; par ce moyen ils dissipent l’intoxication. Le serpent connu sous le nom de tête de cuivre a un poison si subtil, que son souffle seul cause la mort à celui qui l’aspire. Sa langue n’est pas fourchue comme celle des autres serpents ; elle est de forme triangulaire. Lorsqu’on effarouche le reptile, sa tête s’aplatit, il rejette avec force par la bouche une grande quantité de venin jaune jusqu’à ce qu’il expire.

Le 11, nous arrivâmes de bonne heure à la partie supérieure d’une belle plaine en pente douce. L’ayant traversée, nous nous trouvâmes au Fort Alexandre, situé sur la rive de la Roche-Jaune, et à une faible distance de l’embouchure de la petite rivière Bouton de Rose. Il y a environ deux cents milles du Fort Union au Fort Alexandre. L’hiver est très-rigoureux dans ces parages ; il commence en novembre pour ne finir qu’en avril. Agréez, etc.

P. J. De Smet, S. J.
  1. En 1856, le docteur Heyden y a fait des fouilles par ordre du gouvernement américain.
  2. Village de la Turquie d’Asie, dans l’Anatolie, sandjak de Kermeïan  ; à 3 1. 1/2 N. de Degnizli, à 3 1. de la gauche du Buïuk-Meïnder (Note de la présente édition.)
  3. Voir, sur ce savant helléniste et archéologue anglais, la note, pag. 115 «  Voyages dans l’Amérique septentrionale. Orégon  » — par le R. Père P. J. De Smet, S. J. — Bruxelles, M. Closson et Cie, 26, rue Saint Jean. 1874. (Note de la présente édition.)