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Lettres persanes/Lettre 147

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Texte établi par André LefèvreA. Lemerre (p. 143).

LETTRE CXLVII.

LE GRAND EUNUQUE À USBEK.
À Paris.


Les choses sont venues à un état qui ne se peut plus soutenir : tes femmes se sont imaginé que ton départ leur laissoit une impunité entière ; il se passe ici des choses horribles : je tremble moi-même au cruel récit que je vais te faire.

Zélis, allant il y a quelques jours à la mosquée, laissa tomber son voile, et parut presque à visage découvert devant tout le peuple.

J’ai trouvé Zachi couchée avec une de ses esclaves ; chose si défendue par les lois du sérail.

J’ai surpris, par le plus grand hasard du monde, une lettre que je t’envoie : je n’ai jamais pu découvrir à qui elle étoit adressée.

Hier au soir, un jeune garçon fut trouvé dans le jardin du sérail, et il se sauva par-dessus les murailles.

Ajoute à cela ce qui n’est pas parvenu à ma connoissance ; car sûrement tu es trahi. J’attends tes ordres, et jusqu’à l’heureux moment que je les recevrai, je vais être dans une situation mortelle. Mais, si tu ne mets toutes ces femmes à ma discrétion, je ne te réponds d’aucune d’elles, et j’aurai tous les jours des nouvelles aussi tristes à te mander.

Du sérail d’Ispahan, le premier de la lune de Rhégeb 1717.