L’Encyclopédie/1re édition/CHAISE

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* CHAISE, s. f. (Art méch.) espece de meuble sur lequel on s’assied. Les parties sont le siége, le dossier, les bras lorsque la chaise s’appelle fauteuil, & les piés. Les chaises qui étoient toutes de bois, telles que celles dont on se servoit autrefois dans les maisons bourgeoises, & qu’on a, pour ainsi dire, reléguées dans les jardins, n’étoient qu’un assemblage de menuiserie. Dans cet assemblage, le dossier étoit la partie sur laquelle la personne assise pouvoit se renverser en arriere ; le siége, celle sur laquelle on s’asseyoit ; les piés, des piliers au nombre de quatre, sur lesquels le siége étoit soûtenu ; le siége, un assemblage de planches, ou une seule planche emmortoisée par-derriere avec les montans ou côtés du dossier, & par-devant avec les deux piés de devant. Des quatre piés, deux soûtenoient en devant la partie antérieure du siége, comme nous venons de dire, & sa partie postérieure étoit soûtenue par les deux piés de derriere, qui n’étoient qu’un prolongement des montans ou côtés du dossier. Ces quatre piés étoient encore tenus dans leur situation perpendiculaire, par des traverses emmortoisées en sautoir avec eux par en-bas ; & par en-haut, par des morceaux de planches emmortoisés de champ, l’un avec les deux piés de devant & placé immédiatement sous l’assemblage du siége ; les deux autres placés de côté & emmortoisés chacun avec un des montans du dossier & avec un des piés, & tous trois formant avec une pareille traverse emmortoisée à la même hauteur avec les deux montans, comme une espece de boîte sans fond, dont l’assemblage du siége auroit formé le dessus. Le bâti en bois des plus belles chaises d’aujourd’hui differe peu de celui de ces chaises en bois. Le luxe a varié ces meubles à l’infini. La charpente en est maintenant cintrée au dossier, bombée par devant, sculptée, peinte, vernie, dorée ; à moulures, dorure, cannelures, filets ; les piés tournés en piés de biche ; les dossiers & siéges, rembourrés de crin & couverts de velours, de damas, & autres étoffes précieuses, brodées, brochées, ou en tapisseries les plus riches en dessein : les bras assemblés d’un bout avec les montans de derriere ou côtés du dossier, & soûtenus de l’autre bout sur des pieces qui vont s’emmortoiser avec les parties de l’assemblage, qui forme le quarré du siége, sont aussi en partie rembourrés de crin & couverts. L’étoffe est attachée sur le bois avec des clous dorés. Il y a des chaises plus simples, dont le dossier & le siége sont remplis de canne nattée à jour, & retenue dans des trous pratiqués sur les contours du siége & du dossier. Il y en a de paille : de la paille nattée forme le siége ; le dossier est composé de deux montans & de voliches cintrées & assemblées de champ, par intervalles, entre ces deux montans. Il y a des chaises couvertes de maroquin, à l’usage des personnes de cabinet. Les Tourneurs font les bois des chaises de paille, autrement appellées à la capucine ; & les Menuisiers, ceux des chaises plus précieuses ; & ce sont les Tapissiers qui rembourrent & couvrent ces dernieres.

La dénomination du mot chaise s’est transportée à un grand nombre d’autres ouvrages, par analogie avec l’usage de la chaise des appartemens. Ainsi, en Méchanique, on dit la chaise d’une machine, de l’assemblage sur lequel elle est portée ou assise ; la chaise d’une roue de Coutelier ou de Taillandier, du bâti de bois qui porte cette roue ; la chaise d’un moulin-à-vent, des quatre pieces de bois qui soûtiennent la cage d’un moulin, d’un clocher, & sur lesquelles elle se meut. Voyez Roue ; voyez Moulin.

Chaise, (la) cathedra, des Romains, étoit un siége sur lequel les femmes s’asseyoient & se faisoient porter : il étoit rembourré & mou comme les nôtres. Les valets destinés à porter ces chaises s’appelloient cathedrarii : on donnoit encore à Rome le nom de cathedra, chaise, aux siéges qui servoient aux maîtres d’école. C’est de là qu’a passé dans l’Eglise le mot cathedra qui se dit du siége de l’Evêque, & le mot cathédrale qui désigne une puissance ou jurisdiction. Voyez Cathedrale.

Chaise percée. (Architecture.) Voyez Aisance.

Chaise percée, (Hist. mod.) chaise sur laquelle on éleve le pape nouvellement élu. Les Protestans ont fait sur cette cérémonie beaucoup de froides railleries & de satyres pitoyables, toutes fondées sur l’histoire prétendue de la papesse Jeanne. Mais depuis que David Blondel, un de leurs plus fameux écrivains, Bayle, & même Jurieu, ont fait voir eux-mêmes à leurs confreres la vanité & l’inutilité de cette historiette, qui n’avoit pris naissance que dans des tems d’ignorance, où l’on n’examinoit pas les faits avec la scrupuleuse exactitude que l’on a employée depuis près de deux siecles dans la discussion le l’histoire, ils sont plus reservés sur la chaise percée dont il s’agit. Le P. Mabillon a donné de cette cérémonie une raison mystérieuse, & qui n’est pas dénuée de vraissemblance. On place, dit-il, le nouveau pape sur ce siége, pour le faire souvenir du néant des grandeurs, en lui appliquant ces paroles du ps. cxij. Suscitans à terrà inopem, & de stercore erigens pauperem ; ut collocet eum cum principibus, cum principibus populi sui. Ce qui est fort différent de l’origine burlesque & indécente que lui donnoient les Protestans. (G) (a)

* Chaise, terme de Jurisprudence féodale, se dit dans le partage d’un fief noble, de quatre arpens environnant un château pris hors les fossés, & appartenant à l’aîné par préciput ; espace qu’on appelle dans la coûtume de Paris, le vol du chapon. Voyez Vol du chapon.

* Chaise de Sanctorius, (Med. Statiq.) machine inventée par Sanctorius pour connoître la quantité d’alimens qu’on a pris dans un repas, & indiquer le moment où il convient de mettre des bornes à son appétit.

Cet auteur ayant observé avec plusieurs autres Medecins, qu’une grande partie de nos maladies venoit plûtôt de la quantité des choses que l’on mange, que de leurs qualités, & s’étant persuadé qu’il étoit important pour la santé de prendre régulierement la même quantité de nourriture, construisit une machine ou chaise attachée au bras d’une balance, dont l’effet étoit tel qu’aussi-tôt que la personne qui y étoit placée avoit mangé la quantité prescrite, la chaise rompoit l’équilibre, & en descendant, ne permettoit plus d’atteindre à ce qui étoit sur la table. Voyez Transpiration.

S’il m’est permis de dire ce qui me semble de cette invention de Sanctorius, j’oserai assûrer que celui qui s’en tenoit à sa décision, plûtôt qu’à son besoin & à son appétit, sur la quantité d’alimens qu’il devoit prendre, étoit très-souvent exposé à manger trop ou trop peu ; la température de l’air, les exercices, la disposition de l’animal, & une infinité d’autres causes étant autant de quantités variables dont il n’est guere possible d’apprétier le rapport avec la quantité nécessaire des alimens, autrement que par l’instigation de la nature, qui nous trompe à la vérité quelquefois, mais qui est encore plus sûre qu’un instrument de Méchanique.

Chaise, (Chirurgie) pour l’opération de la taille. Voyez la fig. 1. Pl. XII. Il y a au-derriere deux tringles de fer en forme d’arc-boutans. Elles sont crochues pour entrer dans les anneaux de la chaise, & pointues par les autres bouts pour tenir plus ferme contre le plancher. On doit situer la chaise un peu obliquement au jour, afin qu’il frappe sur la main droite du Chirurgien, & qu’il en soit bien éclairé lorsqu’il opere.

Au lieu de chaise, on peut se servir d’une table sur laquelle on attache le dossier. Fig. 2.

Dans l’un & l’autre cas il faut assujettir le malade avec des liens. Voyez Liens. (Y)

* Chaise de poste, (Sellier) c’est une voiture commode, legere, & difficile à renverser, dans laquelle on peut faire en diligence de très-grands voyages. On l’appelle chaise, parce que le voyageur y est assis, & que d’ailleurs elle n’a guere plus de largeur qu’un fauteuil ordinaire. Elle est montée sur deux roues seulement, & n’est communément tirée que par deux chevaux qu’un postillon gouverne. La chaise de poste considérée comme une machine, est certainement une des plus utiles & des plus composées que nous ayons. Le tems & l’industrie des ouvriers l’ont portée à un degré de perfection auquel il n’est presque plus possible d’ajoûter.

Les premieres chaises de poste parurent en 1664 ; c’étoit un fauteuil soûtenu sur le milieu d’un chassis, porté par-derriere sur deux roues, & appuyé par-devant sur le cheval. On en attribue l’invention à un nommé de la Grugere. Le privilege exclusif en fut accordé au marquis de Crenan, ce qui les fit appeller chaises de Crenan. Les Chaises de Crenan ne furent pas long-tems en usage ; on les trouva trop pesantes ; & on leur préféra une autre espece de voiture roulante qu’on fit sur le modele de celles dont on se servoit en Allemagne long-tems auparavant, & qui subsistent encore aujourd’hui parmi nous sous le nom de soufflets. Voy. Soufflets. Ce fut, selon toute apparence, l’invention des soufflets qui conduisit à celle des chaises de poste. Celles-ci furent d’abord faites pour une personne seule ; on pensa dans la suite à ajoûter à la commodité, en construisant des chaises à deux ; mais ces voitures occasionnant la destruction des chevaux & la ruine des postes, on les supprima en 1680. L’arrêt qui les supprime fixe en même tems à cent livres le poids des hardes dont il sera permis de charger une chaise, & défend de placer des malles ou valises sur le devant. Mais la défense de courir en chaises à deux fut revoquée en 1726, à condition que les voyageurs payeroient les postes sur le pied de trois chevaux. Voyez Postes. Les chaises de poste sont maintenant une partie considérable, non-seulement de la commodité, comme nous l’avons dit plus haut, mais encore du luxe, comme on va le voir par la description suivante.

Quoique la chaise de poste soit, ainsi que le carrosse, la berline & les autres voitures d’appareil, l’ouvrage du Sellier ; plusieurs autres artistes concourent cependant à sa construction : il faut distinguer dans la chaise de poste deux parties principales ; le train ou brancard qui est l’ouvrage du Charron, & le corps, le coffre ou la caisse dans laquelle le voyageur se place. Ces deux parties sont elles-mêmes composées d’un grand nombre d’autres dont nous allons parler. Voy. la planche II. fig. 4. AABB est le train, CCDD est la caisse.

Du brancard. Le brancard est, comme on voit, un chassis de bois dans le vuide duquel le corps ou la caisse est suspendue, comme il sera expliqué plus bas. Il est composé de deux longues barres de bois de frêne AB, AB, de dix-huit à vingt piés de longueur, assujetties parallélement l’une à l’autre par quatre traverses, ensorte que la distance d’entre les bras du brancard est d’environ trois piés & demi. Ces traverses & ces bras de brancard AB, AB, forment un chassis soutenu par deux roues E, E, faites comme celles des carrosses ; mais les roues de la chaise & du carrosse sont dans la proportion de la grandeur & de la pesanteur de ces voitures. L’aissieu qui les joint traverse le brancard en-dessous, comme on voit même fig.en 1,1,& y est assujetti par deux pieces de bois entaillées pour le recevoir. Ces pieces de bois s’appellent échantignoles. La piece 2 est une échantignole. Les échantignoles sont attachées aux barres du brancard par plusieurs chevilles de fer garnies de leurs écrous. L’aissieu est immobile entre les échantignoles. Ce sont les roues seules qui tournent sur les extrémités de l’aissieu. L’aissieu est élevé à environ deux piés sept à huit pouces de terre, & les roues ont environ cinq piés trois pouces de diametre.

La premiere traverse du côté du cheval est une barre de bois plate, 3, 3, qui sert de soûtien au cerceau 4, qui est quarré du côté du palonnier en x, & arrondi de l’autre en y. Le cerceau 4 est encore soutenu par une piece qu’on appelle le tasseau, 5, & est garni d’une aîleron de cuir 6 du côté du palonnier, pour empêcher que le cheval ne jette de la terre ou des boues sur le devant de la chaise. Le cerceau 4 & son fond qui est de cuir tendu sur des courroies depuis la traverse du cerceau jusqu’à celle des soupentes, sert au même usage pour le cheval de brancard, & c’est aussi là qu’on dépose une partie des équipages que l’on emporte en voyage. Les courroies 37, 37, qui vont, après avoir passé dans des anneaux fixés sur les brancards, se rendre au haut du cerceau, s’appellent courroies de cerceau, & sont destinées à le contenir. On voit encore en z, un grand cuir de vache attaché à la traverse de la soupente ; il s’appelle tablier, gardecrote, nom qui désigne assez son usage : & en l sur le cerceau un autre cuir de vache qui couvre les équipages.

La seconde traverse est celle des soupentes 7, 7, de devant. Elle doit être bien affermie sur les brancards par des boulons ou chevilles de fer terminées en vis, pour recevoir un écrou, après avoir traversé l’épaisseur de la traverse & du brancard. La partie supérieure de ces boulons au-dessus de la tête est prolongée d’environ un pié, & terminée par une boucle qui reçoit une courroie, attachée par l’autre extrémité à la pareille piece qui est sur l’autre brancard ; c’est sur cette courroie 8, 8, qu’on appelle courroie de porte, que vient tomber la porte de la chaise. Depuis la traverse de soupente jusqu’à l’aissieu, on ne trouve sur le brancard que deux anneaux de fer qui reçoivent des courroies dont l’usage est d’empêcher le corps de la chaise de renverser. Voyez en 9 un de ces anneaux.

Au-de-là de l’aissieu est placée, comme une traverse, la planche des malles 10. Cette planche est ainsi nommée, parce que c’est là qu’on pose les malles ou coffres du voyageur. Cette planche est portée sur deux tasseaux 12, 12, qui s’élevent au-dessus des brancards d’environ quatre à cinq pouces. Elle y est affermie par des boulons à vis qui traversent & la planche, & les tasseaux, & les barres de brancard, & les échantignoles.

Au-de-là de cette planche sont les consoles 13, 13, 13, 13, au nombre de deux sur chaque brancard ; ce sont des barres de fer qui se réunissent par le haut 13, 13, pour former une espece de tête dans laquelle est un rouleau sur lequel passe la courroie de guindage 14, 14, ainsi qu’il sera expliqué : ces deux consoles sur chaque barre de brancard le traversent à environ un pié de distance l’une de l’autre, & y sont assujetties par des écrous qui prennent la partie taraudée de ces consoles qui déborde la face inférieure du brancard. On noye quelquefois ces écrous dans le bois & on les y affleure. Les consoles sont assujetties par le haut à une distance l’une de l’autre toûjours moindre que la largeur du brancard, & même que celle de la chaise, par une piece de bois qu’on appelle entretoise, dont le milieu est garni d’un coussin 15 de cuir rembourré de crin pour servir de siége au domestique, quand on en fait monter un derriere la chaise, ce qui ne se pratique pas ordinairement. Cette entretoise 13, 15, 31, est fourchue par ses extrémités où passent les consoles réunies qui forment en cet endroit une espece de collier qui est reçu par la fourchette de l’entretoise.

Entre les piés des consoles passe une forte traverse 13, 16, que l’on appelle la planche des ressorts. Le milieu en est plus large que les extrémités, & forme un disque ou rond d’environ un pié de diametre. C’est sur cette partie de la planche que sont fixés les ressorts par des pivots qui en traversent toute l’épaisseur. Ces ressorts, au nombre de deux, forment chacun à-peu-près avec la boîte qui les contient un V consonne ; & ils sont disposés de maniere que les sommets des angles qu’ils forment sont opposés l’un à l’autre. Chaque ressort est composé de deux parties, & chaque partie est composée de plusieurs autres. La partie AE (voy. même Pl. la figure de ces ressorts) est un assemblage de dix-huit à vingt ressorts faits d’acier de Hongrie ; la partie inférieure BE a le même nombre de feuilles. Toutes ces feuilles, appliquées les unes sur les autres selon leur longueur, sont renfermées dans des boîtes F, & traversées par des chevilles ou boulons terminés en vis & retenus par des écrous qui assujettissent toutes les feuilles dans chaque boîte ; car chaque ressort a la sienne. AE, BE assemblage de feuillets plats. F boîte. G cordon de la boëte. HH, crochets pour les soupentes. I pivots à crosse. Chaque boîte est assujettie sur le disque de la planche des ressorts PPPP par deux pivots que l’on nomme pivots à crosse. Ces pivots tiennent à la boîte par des boulons qui la traversent horisontalement, & qui passent aussi par les anneaux des crosses des pivots. Ces derniers sont assujettis sur la planche par des écrous, après qu’ils l’ont entierement traversée. Les feuilles qui composent un ressort ne sont pas toutes de même longueur ; les extérieures sont les plus longues ; les autres vont en diminuant jusqu’à la derniere. Elles sont toutes un peu repliées sur les côtés à leurs extrémités, afin qu’en s’embrassant elles ne puissent s’écarter les unes de dessus les autres, mais glisser toujours parallélement & se restituer de même. Il est évident que si elles avoient été toutes de même longueur, elles n’auroient presque pas pû plier. Chaque ressort doit être considéré comme divisé en deux 12, 12, dans toute sa largeur. Chacune de ces parties est parfaitement semblable à l’autre, lui est appliquée côte à côte, est renfermée dans la même boîte, est composée de même nombre de feuillets, & chaque feuillet soit dans la partie supérieure, soit dans la partie inférieure, est précisément semblable dans une des moitiés qu’on appelle coins, a sa correspondante dans l’autre coin. Les deux coins séparés sont comme deux ressorts distincts ; mais appliqués dans la chaise de poste, ou plûtôt dans les boîtes à côté l’un de l’autre ; ils ne font qu’un ressort, ensorte qu’il faut quatre coins pour une chaise de poste, deux dans chaque boîte, quoiqu’il n’y ait que deux ressorts. Aux extrémités supérieures sont des doubles crochets HH, qui reçoivent les anneaux dont sont garnis les soupentes de derriere. Les extrémîtés inférieures des ressorts entrent dans des boîtes dormantes, qui sont fixées sur les extrémités de la planche des ressorts, & dans lesquelles ils peuvent se mouvoir pour se prêter à l’action du poids de la chaise qui les fait fléchir. Leur élasticité naturelle les rétablit aussitôt. Cette derniere boîte, ainsi que toutes les parties où il y a frottement, doivent être enduites de vieux-oing.

Il est à propos de remarquer que le plan de la planche des ressorts PPPP n’est point parallele à celui du brancard ; mais qu’il est au contraire panché en-arriere, afin que les ressorts ayent la même inclinaison que les soupentes de derriere, & qu’ainsi elles ne puissent frapper contre la planche des ressorts, quand la roue de la chaise venant à rencontrer quelques pierres, elle est contrainte de balancer. C’est par la même raison que la planche est plus étroite par ses extrémités que dans le milieu où les ressorts sont attachés, & que ces ressorts portent en haut un double crochet HH long d’un pié, qui tient les courroies de la soupente écartées l’une de l’autre de la même distance.

Pour empêcher toute cette ferrure de se rouiller à la pluie & autres rigueurs du tems, on la couvre de sacs de cuir. Ceux des ressorts s’appellent étuis ; ceux des crochets & des extrémités supérieures des soupentes s’appellent calottes. Voyez (même Pl. en 17, 17) les calottes, & les étuis des courroies de guindage & de ceinture, appellés fourreaux.

Au-de-là de la traverse des ressorts & vers l’extrémité du brancard, est la derniere traverse qu’on appelle traverse de ferriere. La ferriere 18 est une espece de malle dans laquelle le postillon met les divers instrumens propres à réparer les accidens legers qui peuvent arriver à la voiture pendant la route. Ainsi il doit y avoir du vieux-oing, un marteau à ferrer, une clef à cric, &c. La traverse de ferriere est affermie sous le brancard par des boulons qui la traversent & le brancard. L’extrémité supérieure de ces boulons est terminée par un cric 19, dont la fonction est de bander à discrétion la courroie de guindage, ainsi qu’il sera dit ailleurs. Les crics sont entierement semblables à ceux qui servent pour les soupentes des carrosses. Voyez l’art. Voiture.

Le derriere du brancard est terminé par un cerceau de fer dont l’usage est de garantir les ressorts du choc des murs, dans les reculs qu’on fait faire à la voiture, & ce cerceau s’appelle cerceau de reculement.

Toutes les parties dont nous venons de parler sont enrichies d’ornemens de sculpture, qui donnent à la chaise entiere un air d’élégance & de magnificence, qui dépend beaucoup du goût du Sculpteur & de l’opulence de celui qui met les ouvriers en œuvre. Voyez une pareille voiture dans la planche que nous avons citée.

Tout ce que nous avons dit de la chaise de poste jusqu’à présent, est à proprement parler l’ouvrage du Charron ; passons maintenant à celui du Sellier, quoiqu’il soit aidé par différens autres artisans, comme Menuisiers, Serruriers, Peintres, Doreurs, Vernisseurs.

Du corps de la chaise. Le corps de la chaise est suspendu dans le vuide des barres du brancard. Il est composé d’un fond qui consiste en un chassis 20 de bois d’orme, qu’on appelle brancard de chaise. Aux angles de ce chassis sont élevés des montans de même bois d’environ quatre piés & demi de haut. L’impériale 21 est posée sur ces montans. L’impériale est une espece de toit ou carcasse de menuiserie couverte de cuir, & ornée de clous & de pomettes dorées, selon le goût de l’ouvrier. Elle est un peu convexe pour rejetter les eaux de la pluie. Elle est composée d’un chassis qui assemble tous les montans, & de plusieurs barreaux courbes de bois de hêtre, qui se réunissent à son centre, où ils sont assemblés sur un disque de bois qui en occupe le milieu & qu’on appelle l’ovale. Ces barreaux sont recouverts de voliches fort menues & bien collées de colle-forte ; ensorte que le tout ne forme, pour ainsi dire, qu’une seule piece. C’est sur cet appareil que le cuir est tendu.

La hauteur de ce coffre est comme divisée en deux par des traverses 22, 22, 22, qui en font tout le tour, excepté par-devant. On appelle ces traverses, ceintures. Elles sont assemblées avec les montans à tenons & à mortoises, & sont ornées de diverses moulures. La partie inférieure de la chaise est fermée par des panneaux 23, 23, enrichis de peintures ou chargés des armes du propriétaire. Ces panneaux sont de bois de noyer, & ont deux lignes d’épaisseur au plus. Il faut qu’ils soient d’une seule piece pour être solides. On les garnit intérieurement de nerfs ou ligamens de bœufs, battus, peignés, & appliqués avec de la bonne colle-forte, de maniere que les filets de ligamens traversent le fil du bois. On unit cet apprêt par le moyen d’une lissette. Voyez l’art. Lissette. On se sert de la lissette pendant que la colle est encore chaude ; le tout est ensuite couvert avec de bonne toile forte, neuve, & pareillement lissée & collée. Les bandes de toile qu’on employe à cet usage, ont quatre à cinq pouces de large ; on les trempe dans la colle chaude, & on les applique sur les panneaux, de maniere que les fils de la chaîne soient perpendiculaires aux fils du bois. Ces bandes sont écartées les unes des autres de deux pouces ou environ. Mais les panneaux ne sont pas les seules parties qu’on fortifie de cette maniere. On couvre de pareilles bandes tous les assemblages en général, & on en étend dans tous les endroits qui doivent être garnis de clous. Cette opération faite, & la colle sechée, on fait imprimer la caisse de la chaise d’une couleur à l’huile ; ensuite on la fait ferrer ; c’est-à-dire garnir de plaques de taule, fortes & capables d’affermir les assemblages. On y place encore différentes pieces de fer dont nous parlerons dans la suite.

Le dessus des panneaux de côtés est quelquefois tout d’une piece, & d’autres fois il est divisé en deux parties par un montant qui s’assemble dans la ceinture & dans le chassis de l’impériale : si le côté n’est pas divisé en deux panneaux, la chaise en sera plus solide. La partie du côté de devant qu’on appelle fenêtre 24, est occupée par une glace qui se leve & se baisse dans des coulisses pratiquées aux montans ; ensorte que quand la glace est baissée, elle est entierement renfermée dans un espace pratiqué derriere le panneau qu’on appelle la coulisse. Il y a à ces glaces, ainsi qu’à celle de devant, en-dedans de la chaise, un store de taffetas, & en-dehors un store de toile cirée 25, 25 placés sous la gouttiere de la corniche de l’impériale. Le store du dedans garantit du soleil ; celui de dehors, de la pluie, de la grêle, & autres injures du tems. La partie 26 de la chaise au-dessus de la ceinture & à côté de la fenêtre s’appelle custode. Elle est fermée à demeure, ainsi que le dossier, & couverte de cuir tendu sur les montans & entouré de clous de cuivre doré ; il n’y a point là de panneaux. Le cuir bien tendu est seulement matelassé de crin, & les matelas soutenus par des sangles qui empêchent que le cuir ne soit enfoncé. Les sangles sont placées en travers & fixées sur les montans.

Le siege est appuyé au dossier, un peu au-dessous de la ceinture. C’est un véritable coffret dont le couvercle se leve à charniere, & est recouvert d’un coussin, sur lequel on s’assied. Tout l’intérieur de la chaise est matelassé de crin, & tendu de quelque étoffe précieuse, mais de résistance, comme velours, damas, &c.

La porte 27 est sur le devant. Cette porte qu’on appelle porte à la Toulouse, a ses couplets à charniere dans une ligne horisontale, & s’ouvre par le haut en se renversant du côté du cheval de brancard sur la courroie qu’on appelle support de porte, & qui est tendue au-travers du brancard, à un pié environ au-dessus de la traverse des soupentes. Cette porte differe principalement des portes ordinaires, en ce que celles-ci ont leurs gonds & sont mobiles dans une ligne verticale.

Les panneaux 28 du côté de cette porte sont des especes de triangles séparés en deux parties par un joint. La partie inférieure qui est adhérente au brancard de chaise s’appelle gousset. C’est vis-à-vis un de ces goussets que le brancard dérobe dans notre figure, que doit être le marche-pié 29. Ce marchepié est de cuir ; il est fixé sur le brancard qu’il entoure. C’est là, ainsi que le mot l’indique assez, que le propriétaire met le pié pour entrer dans sa chaise.

La porte à la Toulouse ne monte guere plus haut que la ceinture de la chaise. Elle s’applique contre les montans de devant. Ces montans sont renforcés au-dessus de la porte, d’une piece de bois où l’on a pratiqué une rainure appellée apsiché, dans laquelle la glace du devant peut glisser : lorsque cette glace est baissée, elle est entierement renfermée dans la porte. La porte est composée extérieurement d’un panneau semblable à ceux de côté & de derriere, & intérieurement d’une planche matelassée de crin & recouverte de la même étoffe que le reste du dedans de la chaise. On voit évidemment qu’il n’est pas possible d’entrer dans la chaise, sans avoir abaissé la glace dans la portiere. Il y a encore à la portiere sur le milieu, une serrure à deux pêles, avec un bouton à olive ; ces deux pêles vont se cacher dans un des montans. On peut aussi remarquer au-dessus de la ceinture, dans le montant de devant, contre lequel la porte s’applique en se fermant, une poignée M, que celui qui veut entrer dans la chaise saisit, & qui l’aide à s’élever sur le brancard.

Le dessus de l’impériale, outre les clous dorés dont il est enrichi, & qui attachent sur la carcasse de menuiserie dont nous avons parlé, le cuir qui la couvre, est encore orné de quatre ou six pommettes 30, 30, 30, de cuivre ciselées & dorées. Ces pommettes sont fixées à plomb au-dessus des montans des angles, quand il n’y en a que quatre. Quand il y en a six, les deux autres sont au-dessus des montans qui séparent les glaces des côtés, des custodes : mais dans ce cas la corniche de l’impériale est cintrée au-dessus des glaces.

Le fond ou le dessous de la chaise est occupé par un coffre qu’on appelle cave. Ce coffre 31 a environ six pouces de profondeur ; il est fortement uni au chassis de la chaise par plusieurs bandes de fer ; il est revêtu extérieurement de cuir cloué avec des clous dorés, & intérieurement d’une peau blanche ; il s’ouvre en-dedans de la chaise ; & c’est sur son couvercle pareillement revêtu de cuir que sont posés les pieds du voyageur.

Il ne nous reste plus maintenant qu’à expliquer comment la chaise est suspendue dans le brancard du train, & comment elle y est tenue dans une liberté telle qu’elle ne se ressent presque pas des chocs ou cahos que les roues peuvent éprouver dans les chemins pierreux.

On commence par placer deux ressorts sous le devant de la chaise ; ils y sont fixés par des boulons qui traversent le brancard de chaise ; ces ressorts ont aussi 12, 13, 14 feuilles ; ils s’appellent ressorts de devant ; ils ont leurs boîtes. Nous pouvons remarquer ici, à propos de ces ressorts & des ressorts de derriere, qu’il y a d’autant plus de feuilles, que chaque feuille a été forgée mince, & qu’ils sont d’autant meilleurs & plus doux, tout étant égal d’ailleurs, qu’il y a plus de feuilles.

Ces boulons dont la queue est applatie sont arrêtés par plusieurs clous-à-vis sur la face extérieure des montans de devant, ensorte qu’ils soient bien affermis de ce côté ; l’autre extrémité en est terminée par une fourchette appellée menotte, qui contient un rouleau. Les courroies sans fin appellées soupentes, passent sur ce rouleau & sur la traverse de soupente.

A l’arriere de la chaise, depuis les extrémités des ressorts dont nous venons de parler, jusqu’à environ trois pieds au-delà de la chaise, sont des pieces de bois fortement arrêtées au-dessous du brancard de chaise par plusieurs boulons-à-vis & écrous. Ces pieces de bois qu’on nomme apremonts, sont aussi terminées par des menottes qui contiennent un rouleau un peu conique. C’est sous ces rouleaux que passent les courroies ou soupentes de derriere, qui vont s’accrocher aux extrémités supérieures des ressorts de derriere, que nous avons décrits ci-dessus ; elles s’y accrochent tout simplement par un trou qu’on a pratiqué sur la largeur de la soupente ; le crochet du ressort est reçû dans ce trou.

Il est à propos de remarquer que les soupentes sont de deux pieces réunies par une forte boucle vis-à-vis du panneau de derriere de la chaise, & qu’elles embrassent la planche des ressorts, afin que l’effort qu’ils font soit perpendiculaire à leur point d’appui ; c’est aussi par la même raison que la planche des ressorts est inclinée, ensorte que son plan soit perpendiculaire aux courroies.

Il est évident par cette disposition que la chaise est suspendue par les quatre coins : mais comme les points de suspension, loin d’être solides & immobiles, sont au contraire souples, lians, élastiques, & rendent la chaise capable d’un mouvement d’oscillation fort doux dans la direction de l’inflexion des ressorts, c’est-à-dire de haut en-bas & de bas en-haut, & en même tems d’un autre mouvement d’oscillation non moins doux, selon la longueur de la voiture, dans la direction des brancards, ou de l’avant à l’arriere & de l’arriere à l’avant, les chocs que les roües éprouvent sur les chemins sont amortis par défaut de résistance, & ne se font presque point sentir à celui qui est dans la chaise.

Mais comme le centre de gravité de toutes les parties de la chaise est au-dessus des bandes ou liens qui l’embrassent par-dessous, & qui la tiennent suspendue, il pourroit arriver par l’inégalité perpétuelle des cahos qui se font tant à droite qu’à gauche, qu’elle fût renversée de l’un ou de l’autre côté. C’est pour remédier à cet inconvénient, qu’on a placé de part & d’autre les deux courroies de guindage, 9, 14, fixées d’un bout sur les brancards vers le marche-pié, passant dans les cramailleres de la chaise, ou guides de fer placés sur les faces latérales des montans de derriere, à la hauteur de la ceinture, & se rendant de l’autre bout sur les rouleaux de la tête des consoles, d’où elles vont s’envelopper sur les axes ou rouleaux des crics 19, qu’on voit aux extrémités, en-dessus de la traverse de ferriere 18, & qui servent à bander ou à relâcher à discrétion ces courroies.

La chaise ainsi assûrée contre les renversemens, soit en-devant, soit en-arriere, soit à droite, soit à gauche, n’étoit pas encore à couvert d’un certain balotage, dans lequel les faces extérieures des brancards du train auroient été frappées par les côtés du brancard de la chaise. On a remédié à cet inconvénient par le moyen d’une courroie de cuir attachée aux faces latérales intérieures des brancards de train 32, 32, & au milieu de la planche de malle, à laquelle on a mis pour cet effet deux rouleaux sur lesquels cette courroie va passer : cette corroie 32, 32, s’appelle courroie de ceinture.

La chaise ainsi construite, il ne reste plus pour en faire usage, que d’y atteler un ou plusieurs chevaux. Le cheval de brancard se place devant la chaise entre les brancards, comme le limonier entre les limons d’une charrette. Voyez Charrette. Les extrémités des brancards ou limons sont pour cet effet garnis de ferrures où l’on assujettit les harnois du cheval, 32, 32 : comme par exemple, d’un anneau de reculement, 34, 34 ; d’un crampon pour passer le dossier, 35, 35 ; d’un crochet, 37, 37, pour un troisieme cheval qu’on est quelquefois forcé de mettre à la chaise, soit pour la tirer des mauvais pas, soit pour l’empêcher d’y rester arrêtée. Mais il y a cette différence entre les traits du cheval de poste & du cheval de charrette, que pour les premiers, les traits de tirage r, s, t, q, sont attachés à un anneau pratiqué à un des boulons qui assujettissent l’échantignole au brancard le long de la face inférieure duquel les traits s’étendent, & vont saisir par une forte boucle r, le harnois du cheval vers le milieu, à-peu-près où correspond la cuisse ; au lieu que pour l’ordinaire les traits des limonniers sont attachés aux limons mêmes, & sont par conséquent beaucoup plus courts que ceux des chevaux de poste. Les traits de tirage r, s, t, q, sont tenus appliqués à la face inférieure du bras de brancard par des morceaux de cuir q, au nombre de deux ou trois, appellés de leurs fonctions trousse-traits.

Au côté gauche du cheval de brancard, on en attelle un autre qu’on nomme palonnier, parce qu’il est attelé à un palonnier 34, semblable à ceux des carrosses, avec cette différence qu’il est de deux pouces plus long du côté de la courroie qui l’embrasse, que de l’autre côté ; le côté long du palonnier, est en-dehors du brancard. Cet excès est occasionné par la facilité qu’il donne au cheval pour tirer. Le palonnier est, comme on voit dans la figure, fixé au brancard du côté du montoir par une courroie qui prend le palonnier à-peu-près dans le milieu, & passe dans une menotte 35 fixée à la face inférieure du brancard ; ou bien il y a deux courroies qui vont se rendre aux échantignoles de chaque côté de la voiture, où elles sont arrêtées de la même maniere que les traits du cheval de brancard. On doit préférer cette derniere construction, parce que le palonnier tire également sur les deux brancards.

Au derriere de la chaise, à la derniere des quatre traverses qu’on appelle la gueule de loup, il y a un marche-pié de cuir placé sur le côté de cette traverse ; il sert au domestique à monter derriere la chaise ; & les extrémités antérieures des bras des brancards sont garnis de côté d’un morceau de cuir rembourré de crin, & attachés avec des clous dorés. Cette espece de petit matelas s’appelle feuture de brancard, & sert à garantir la jambe du postillon d’un choc contre le bras du brancard dont il seroit blessé, si l’endroit de ce bras où il choqueroit étoit nud.

Cette chaise de poste, que nous venons de décrire, s’appelle chaise à ressorts en écrevisse, pour la distinguer d’une autre espece de chaise de poste appellée chaise à la Dalaine ; la chaise de poste à ressorts en écrevisse est la plus ordinaire : les ressorts appellés à la Dalaine, apparement du nom de leur inventeur, s’appliquent plus souvent aux carrosses qu’aux chaises de poste.

Quoique nous ayons dit que la chaise de poste étoit une voiture legere, c’est relativement aux autres voitures ; car, en elle-même, elle ne peut être que très-pesante, sur-tout si on la compare avec la vîtesse qu’on se propose, quand on voyage en poste. Ce qui la rend sur-tout pesante, ce sont ces énormes ressorts appliqués tant au-derriere de la chaise qu’au-devant. Cette ferrure est très-lourde. Pour avoir de l’élasticité, & par conséquent de la commodité dans la voiture, qu’on est parvenu à rendre très-douce, malgré les cahos & la célérité de la marche, il a fallu multiplier les feuillets aux ressorts : mais on n’a pû multiplier ces parties en fer, sans augmenter le poids ; ensorte qu’on a nécessairement perdu du côté de la legereté, ce qu’on s’est procuré du côté de la commodité.

Il s’est apparemment trouvé un ouvrier qui a senti cette espece de compensation ; & qui, songeant à conserver un des avantages sans renoncer à l’autre, a imaginé les ressorts appellés à la Dalaine. Que les ressorts à la Dalaine soient plus légers que les ressorts en écrevisse, c’est, je crois, un point qu’on ne peut guere contester, n’étant à-peu-près que la moitié des autres ; quant à leur élasticité, il n’est pas de la même évidence qu’ils en ayent autant que les ressorts en écrevisse, & que par conséquent ils soient aussi doux. Ces ressorts sont à-peu-près en S renversée, comme on voit, Planche du Sellier : ils ont aussi 17, 18 feuilles, dont les antérieures sont plus courtes que les autres. Ils se placent droits au-derriere de la chaise ; il y en a deux AB ; ils sont chacun fixés sur une traverse DD, qui s’emmortoise avec les deux brancards de train : cette traverse s’appelle une lisoire ; sur la lisoire s’élevent deux montans CC sculptés, au-travers desquels passent les ressorts ; ces montans s’appellent moutons. Les moutons sont soûtenus chacun par des arc-boutans de fer EE. Ces arc-boutans sont fixés sur les brancards. Il y a à chaque ressort vers le milieu un collier FF, qui embrasse le ressort, & qui l’empêche de vaciller. Ce collier est de fer & doublé de cuir. Les soupentes se rendent en A, & s’y fixent. Il n’y a, comme on voit, qu’un principe d’élasticité dans les ressorts à la Dalaine qui sont en S ; au lieu qu’il y en a deux dans les ressorts en écrevisse, qui sont en V couché ; car la partie inférieure représentée par une des jambes de l’V, est composée de ressorts précisément comme la partie supérieure, & elles réagissent également toutes deux.

Il y a quelque différence dans la construction des chaises à la Dalaine, introduite par l’application différente des ressorts : la partie inférieure du derriere de la chaise s’arrondit, afin que les soupentes qui pattent de-là, ne portent pas sur l’essieu, avant que de se rendre à l’extrémité des ressorts. Il y a à-peu-près à la hauteur de l’essieu, au-derriere arrondi de la chaise à la Dalaine deux menottes, une de chaque côté de la chaise, dans lesquelles passent les soupentes qui vont se rendre à l’extrémité supérieure des ressorts. Ces chaises sont arrondies, disent les ouvriers, en cul de singe. Les ressorts de devant de la chaise à la Dalaine ne different pas des ressorts de devant de la chaise ordinaire.

D’où il s’ensuit, qu’en supposant que la chaise à la Dalaine soit moins pesante que la chaise en écrevisse, & même qu’elle soit aussi douce ; peut-être pourroit-on encore ajoûter à la perfection de cette voiture, en en bannissant tout ressort, & en substituant les cordes des anciens faites avec des ligamens d’animaux vigoureux, à toute cette ferrure. On a fait tout récemment des essais de ces cordes que les anciens employoient à leur catapulte, à leurs balistes, & qui y produisoient par leur grand ressort & par leur force des effets si surprenans. C’est à M. le Comte d’Erouville qu’on en doit la recherche & la découverte ; nous en parlerons à l’article Corde. Voyez cet article.

* Chaise, c’est ainsi que les Charpentiers, & autres ouvriers qui se servent de la grue & des autres machines destinées à élever des fardeaux pesans, appellent l’élévation ou bâti en bois, qu’ils construisent sous ces machines, & sur lequel ils les exhaussent, lorsqu’elles ne sont pas assez hautes par elles-mêmes pour porter les poutres, les pierres & autres fardeaux, aux endroits qui leur sont marqués.