L’Encyclopédie/1re édition/UTERUS

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UTERUS, en Anatomie, ou matrice, est l’organe de la génération dans la femme ; c’est-là que se passe l’œuvre de la conception, & où le fetus ou l’embryon se loge, se nourrit, & croît pendant la grossesse & jusqu’à la délivrance. Voyez sa description sous l’article Matrice, la fonction sous les articles Génération, Conception, Grossesse, Fetus, &c.

Uterus, maladies de l’, (Médec.) Il faut d’abord se rappeller la structure de cette partie organique, qui ne se trouve que dans le sexe féminin ; elle est attachée aux os du bassin, placée entre la vessie & l’intestin rectum ; son épaisseur approche d’un pouce & demi ; sa longueur depuis l’orifice jusqu’au fond, est d’environ trois pouces ; & sa cavité mitoyenne contiendroit à peine le fruit d’une amande. Il est difficile d’introduire un stilet dans son orifice, qui se dilate si fort pour l’accouchement.

Chez-les femmes enceintes, non-seulement la grandeur de l’uterus augmente, pour qu’elle puisse contenir le fœtus & l’arriere-faix, mais ses côtés mêmes deviennent plus épais ; les vaisseaux sanguins de ce viscere s’alongent & se grossissent. Sa substance spongieuse se gorge de sang ; dans la partie où est attaché le placenta, on découvre des orifices très-amples ; & les vaisseaux auparavant transparens se trouvent alors rouges ; son ouverture se maintient naturellement fermée pendant tout le tems de la grossesse ; mais quand le moment d’accoucher ou d’avorter approche, elle devient plus molle & plus large ; ensuite dans l’espace de seize jours depuis l’accouchement, elle reprend sa grandeur naturelle.

Les maladies de l’uterus se rapportent 1° aux parties voisines, telles que le vagin, les trompes, les ovaires, mais spécialement à celles de l’uterus dont il s’agit ici : 2°. elles ont rapport aux maladies de fonction, de menstruation, de conception, de grossesse, d’avortement, d’accouchement & de vuidanges, qu’on a coutume de mettre sous des titres particuliers.

Quant aux maladies propres à l’uterus, elles font relatives 1°. à ce qui est contenu dans sa cavité 12°. à son orifice : 3°. à sa position : 4°. à sa figure : 5°. aux affections qui viennent de cause externe : 6°. à celles de toute sa substance : 7°. à l’augmentation de sa masse : 8°. à sa diminution : 9°. à son action : 10°. enfin à ses évacuations.

I. Dans la cavité de l’uterus 1°. sont contenues ses diverses humeurs : 2°. le sang menstruel ou celui des vuidanges, qui s’y arrête par la clôture de l’orifice, par le ralentissement du mouvement, & la qualité du sang augmentée par la stagnation dégénere en pourriture, ou par sa mauvaise qualité, cause un grand nombre de symptomes, auxquels on ne peut remédier qu’en ouvrant l’orifice de l’uterus, qui se trouve resserré, & en modifiant sa partie interne ; 3°. les corps étrangers introduits dans la matrice se couvrent d’une croûte calculeuse ; 4°. les choses qui s’y sont formées comme un grumeau, doivent en être ôtées par la dilatation de l’orifice & par l’usage des emménagogues ; mais 5°. le sarcôme qui occupe la cavité de l’uterus, ne peut être tiré dehors par l’orifice ; & comme il n’est pas non plus possible de le ronger, il faut tâcher d’empêcher son accroissement par un bandage extérieur, & par l’application des antiseptiques.

II. L’orifice de l’uterus, qui dans le tems des regles, de l’accouchement, & de l’évacuation des vuidanges, se trouve fermé ou resserré par quelque inflammation, par une tumeur ou par une espece de convulsion de son col, s’oppose à la sortie des humeurs ; on tâchera d’en procurer l’écoulement par le moyen des topiques & des médicamens internes ; mais s’il y a une coalescence, & que l’orifice de l’uterus soit fermé par une membrane, il en résulte une stérilité incurable & la suppression des regles ; si au contraire l’uterus est continuellement ouvert (ce qu’on reconnoît par l’intromission du doigt), il an arrive un écoulement de fleurs blanches, un flux immodéré des regles, un avortement fréquent : cet accident demande les fumigations résineuses, l’application des balsamiques & des lotions astringentes.

III. L’uterus ne s’éleve jamais dans les femmes qui ne lont pas enceintes ; mais dans les femmes grosses, la matrice étant gonflée, elle éloigne le mésentere & les intestins ; elle monte directement en-haut, elle se porte davantage d’un côté ou d’autre, ou quelquefois se panche trop sur l’os pubis ; ce changement de situation produit un travail difficile, à moins qu’on ne le prévienne par une position favorable du corps, par la prudente intromission de la main de l’accoucheur & par quelque soutien. Quand l’uterus vient à descendre, la compression qu’il fait sur les nerfs, les arteres ou les veines iliaques, cause ordinairement l’engourdissement, des varices ou l’enflure des piés. La compression que fait cette partie sur l’intestin rectum ou sur la vessie, est suivie de difficulté d’aller à la selle & d’uriner ; mais ces maladies se dissipent par le changement de situation & après l’accouchement. On garantit les piés d’enflure & de varices par le secours d’un soutien artificiel.

Si l’orifice de la matrice, à l’approche des couches, descend trop, il cause un accouchement laborieux, auquel on ne peut remédier qu’en le repoussant adroitement avec la main, & en procurant à la femme qui est en travail, une situation plus déclive.

Quelquefois dans les femmes qui ne sont point grosses, l’uterus tombe à la suite des fleurs blanches, du flux immodéré des regles, d’accouchement, d’avortemens fréquens ; l’uterus tombe quelquefois après un saut considérable, après une toux très-violente, après le vomissement, le ténesme, lorsqu’on a élevé un poids avec force ; car on découvre dans ces cas l’orifice de l’uterus au milieu d’une grosse tumeur ; il faut sur le champ le remettre dans sa place. Mais si la chûte de la matrice est ancienne, il convient, avant toutes choses, d’y faire des fomentations & des ablutions ; & après l’avoir remise dans sa situation naturelle, il l’y faut maintenir par un soutien convenable, en faisant coucher la malade. La partie intérieure de cet organe a ensuite besoin d’être mondifiée & resserrée par les consolidans. Quelquefois la matrice se renverse dans un accouchement laborieux, en procurant imprudemment la sortle du placenta ; si la tumeur se trouve environnée d’une dureté en forme d’anneau, il faut s’appliquer à la fondre sans délai. Quand elle est ancienne, elle demande le même traitement que la chûte de l’uterus, de crainte qu’il ne tombe dans le sphacele, & que la malade ne meure.

IV. Quelquefois la figure de la matrice se trouve déformée par une hernie dans un de ses côtés, ou par une cause externe comprimante, ou par une cicatrice qui y est restée. Ces maladies doivent être traitées par la soustraction de la cause comprimante, & par le moyen d’un soutien convenable.

V. La blessure de l’uterus dans les femmes qui sont enceintes, menace d’avortement & de mort. La contusion de cet organe n’a guere lieu que dans les femmes grosses. Dans celles qui sont fort grasses, la compression de ce viscere cause la stérilite ; mais il arrive quelquefois qu’une tumeur externe donne à la matrice une situation oblique ou une figure difforme. Le moyen d’y remédier consiste à dissiper les causes de la compression.

Il n’y a point d’exemples de rupture de matrice dans les femmes qui ne sont pas enceintes ; mais dans celles qui le sont, si le fœtus par un mouvement violent vient à rompre la matrice, & qu’il tombe dans la cavité du bas-ventre, la seule section de cette partie peut conserver la vie de la mere & de l’enfant. On prévient cet accident par un soutien artificiel. Le déchirement trop fréquent de ce viscere doit être attribué à la maniere imprudente dont la sage-femme touche la matrice, ou en arrache le placenta. On en tentera la guérison par des injections d’un émollient balsamique, & en appliquant en même tems un cataplasme sur le ventre, accompagné d’un soutien.

VI. Le trop grand relâchement de l’uterus, suite ordinaire d’un accouchement ou d’un avortement trop fréquent, d’une extension occasionnée par des humeurs morbifiques contenues dans sa cavité, d’un flux immodéré des regles, des vuidanges & des fleurs blanches, produit la stérilité. Si ce relâchement arrive à l’orifice de ce viscere & dans l’accouchement, il cause l’inversion de l’uterus.

De ce dernier accident s’ensuit un travail laborieux, la retenue du placenta, un sentiment de pesanteur & de fréquentes hémorrhagies de matrice. Pour prévenir ces maladies & les guérir, il convient d’appliquer des corroborans sur le ventre, & un léger soutien. La roideur de l’orifice de l’uterus dans les femmes qui accouchent pour la premiere fois, & dans les vieilles femmes, annonce un accouchement difficile, qu’on tâche de faciliter par des onctions & des fomentations faites avec un liniment émollient. Quand cette rigidité vient de convulsion, c’est alors le cas de recourir aux antispasmodiques. Mais la trop grande dureté de l’orifice, & sa callosité qu’on recouvre par le toucher, élude tous les remedes. Si la contraction ou l’inflammation sont cause de cet état, on le traitera comme la roideur. Une matrice trop humide, molle, & plus froide qu’à l’ordinaire, répand une grande quantité d’humeurs & des regles blanches, d’où resulte souvent la stérilité. La cure demande des corroborans chauds appliqués sur le ventre avec un léger soutien. Je ne conseille point les remedes âcres, parce qu’ils sont trop dangereux.

La trop grande & constante sécheresse de l’utérus, dont l’origine est une inflammation ou un érésipelle, demande le même traitement que ces maladies. Quand la matrice parvenue à ce degré de sécheresse, est tombée, il est à propos, avant que de la rétablir dans la situation naturelle, d’employer pour l’humecter les fomentations émollientes, humides, & tant soit peu onctueuses. La trop grande chaleur de cette partie, qui est le résultat des maladies inflammatoires ou des érésipelles, ou de quelque humeur âcre, bilieuse, n’exige point un traitement particulier ; mais cette légere affection requiert l’usage des raffraichissemens tant internes qu’externes. Sa trop grande froideur occasionnée par le rallentissement de son mouvement vital & particulier, est cause que les regles coulent moins abondamment, & moins colorées. Souvent même les femmes deviennent sujettes aux fleurs blanches & à l’avortement. Pour la cure de cet état, il faut recourir aux échaussans & aux corroborans. L’affoiblissement de l’action de la matrice, qui vient du mouvement vital, particulier ou général, demande la méthode curative ordinaire, avec l’usage des utérins.

La douleur qu’on ressent dans la matrice, quelle que soit la cause qui la produit, est suivie d’anxiétés, & souvent par sympathie, la vessie & le bas-ventre se trouvent affectés. Dans le traitement on doit avoir égard à la connoissance de la cause ; s’il n’est pas possible de la dissiper, il est à propos d’employer les anodins utérins. La pesanteur de la matrice produite par la rétention d’humeurs, & accompagnée d’une tumeur autour de ce viscere, exige l’évacuation des matieres qui la gonflent ; mais si cette douleur n’est point accompagnée de tumeur, & qu’elle soit accompagnée par le rallentissement de l’action de la matrice, il convient de la traiter comme on traite la foiblesse de cette partie.

VII. L’utérus qui doit son enflure à la grossesse, est un état naturel. Mais la grosseur occasionnée par un air, qui se forme de la corruption des matieres contenues dans cette partie, demande qu’on dilate son orifice pour en faire sortir l’air, & qu’on tâche de prévenir par les antiseptiques, une nouvelle génération du mal. La lymphe amassée dans la cavité de l’utérus, s’évacue de la même maniere, en appliquant en même tems un soutien au bas-ventre ; l’enflure causée par le sang contenu dans les vaisseaux, après la suppression des regles ou des vuidanges, est plus difficile à traiter ; si la fievre putride survient, il faut la guérir en employant les fomentations, & soutenir le ventre. L’enflure qui est une suite de l’hydropisie ou de l’œdème, outre le soutien & l’application des discussifs, exige les diurétiques internes, & les utérins.

Si l’inflammation cause l’enflure, la malade se plaint d’ardeur & de sécheresse, de douleur & d’anxiété dans le bas-ventre, & au périnée. Quelquefois la malade éprouve des stranguries, des douleurs dans les hanches, dans les aînes, le vomissement, la suffocation, la colique & autres maux sympathiques ; la cure de cet état n’est pas différente de celle des autres inflammations. L’érésipelle de matrice se distingue avec peine de son inflammation ; il arrive seulement que la chaleur de la partie est plus considérable, l’urine enflammée, le pouls plus prompt. Quand ces maladies viennent à dégénérer en abscès ou en suppuration ; il faut tirer le pus en dilatant l’orifice de l’utérus, & traiter l’ulcere comme un sinus purulent.

Le sphacele de la matrice se conjecture par une cessation de douleur, dont on ne voit point la raison, par un pouls foible & vacillant, une sueur froide, un visage cadavéreux, un écoulement d’humeur fétide & ichoreuse ; c’est un mal sans remede. Le skirrhe & le cancer de l’utérus croissent lentement, sur tout dans les vieilles femmes ; ils produisent un poids dans le bas ventre, qui semble rouler d’un lieu à un autre par l’inversion du corps ; souvent les mamelles sont flasques & skirrheuses ; enfin par leur masse, ils causent sympathiquement dans les parties voisines grand nombre de symptomes irréguliers ; si l’on conjecture d’abord ce cruel état de la matrice, il faut recourir promptement aux résineux, aux résolutifs, & aux utérins pour l’adoucir : les tubercules, les sarcômes, les verrues, les condylomes adhérens à l’orifice de l’utérus, se connoissent & se traitent comme les mêmes maladies du vagin.

VIII. La matrice consumée par la maladie, & enlevée par la section, ou l’absence naturelle de cette partie, causent nécessairement la stérilité. La diminution de ce viscere dans les vieilles femmes, & avant l’âge de puberté, est dans l’ordre de la nature ; l’ulcération de l’utérus, quelle qu’en soit la cause, se sent par le toucher qui y produit de la douleur ; elle est accompagnée d’une fievre putride, d’un écoulement de pus, de matiere ichoreuse, sanguine, d’une urine épaisse & fétide. La méthode curative est la même que celle d’une fistule ou d’un sinus purulent.

La corruption de l’utérus produit de cruelles morsures dans les parties de la pudeur, des douleurs dans les aînes, dans les hanches, au sommet de la tête, l’assoupissement, le froid des extrémités, la langueur, les inquiétudes, le vomissement, la sueur froide, la mort ; la cure palliative requiert des applications, des injections fréquentes d’antriputrides, & intérieurement tous les remedes qui peuvent retarder le progrès de la pourriture. Il reste toujours de l’ulcération de l’utérus, une cicatrice de cette partie qui est incurable, & qui l’empêche de s’aggrandir, & de se préter suffisamment dans la grossesse. Il en résulte la stérilité ou l’avortement.

L’action trop foible de l’utérus accumule ordinairement dans ses vaisseaux le sang des menstrues & des vuidanges ; ce manque de force l’empêche de pouvoir expulser suffisamment le fœtus dans une fausse ou véritable couche ; on peut suppléer à cette foiblesse par des remedes utérins qui aiguillonnent ce viscere organique. Si les orifices des vaisseaux de l’utérus manquent de ressort, ils produisent un cours immodéré des regles, des vuidanges, ou bien des fleurs blanches ; cet état requiert des utérins corroborans, réunis à des bandages convenables.

Le spasme, la convulsion de l’utérus, soit dans son fonds ou dans son col, supprime le cours des mois, des vuidanges, cause ou l’avortement, ou la difficulté de l’accouchement, maladies opposées qui néanmoins demandent également des remedes utérins, antispasmodiques & anodins.

En général, tout état morbifique de l’utérus exerce par sympathie son empire sur la machine entiere ; de là vient, en conséquence de la position de ce viscere, de sa connéxion aux autres parties, de l’origine commune de ses nerfs, veines & arteres, tous les phénomenes qui suivent l’hystérisme, la constipation, le ténesme, la difficulté d’uriner, l’ischurie, la faim dépravée, le dégoût, la nausée, le vomissement, la pesanteur dans les reins, la respiration lésée, la suffocation, les maux de tête, la douleur du sein, son enflure, son désenflement, & autres maux symptomatiques qui s’évanouissent par la guérison de la maladie, ou qu’on assoupit pendant quelque tems, par les anodins, les utérins, les nervins.

Pour ce qui regarde le flux immodéré des vuidanges, des regles ou leur suppression. Voyez Regles & Vuidanges. Les pertes de sang dans les femmes grosses, présagent d’ordinaire une fausse-couche, qu’on ne peut prévenir que par le plus grand repos, les raffraichissans & des bandages qui resserrent modérément les vaisseaux qui sont si prêts à s’ouvrir. (Le chevalier de Jaucourt.)