L’Encyclopédie/1re édition/REGLE

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REGLE, RÉGLEMENT, (Gram. synon.) la regle regarde proprement les choses qu’on doit faire ; & le réglement, la maniere dont on les doit faire. Il entre dans l’idée de l’une quelque chose qui tient plus du droit naturel ; & dans l’idée de l’autre, quelque chose qui tient plus du droit positif.

L’équité & la charité doivent être le principe & la regle de la conduite des hommes ; elles sont même en droit de déroger à tous les réglemens particuliers.

On se soumet à la regle, on se conforme au réglement. Quoique celle-là soit plus indispensable, elle est néanmoins plus transgressée ; parce qu’on est plus frappé du détail du réglement, que de l’avantage de la regle. Synonymes de l’abbé Girard (D. J.)

Regle, modele, (Synon.) il y a des endroits où l’on peut employer également ces deux mots ; par exemple, on peut dire, la vie de Notre-Seigneur est la regle ou le modele des Chrétiens : mais il y a aussi d’autres endroits où un de ces deux mots ne viendroit pas bien ; par exemple, les conseils des sages nous servent de regle pour notre conduite : on ne diroit pas, nous servent de modele ; car il n’y a proprement que les actions, ou la personne, qui servent de modele. Ainsi on ne peut pas dire après un bon écrivain ; il se proposoit pour modele cette excellente parole de S. Bernard ; il falloit dire, il se proposoit pour regle. (D. J.)

Regle, s. f. (Géom.) un instrument fort simple, ordinairement fait de bois fort dur, & qui est mince, étroit, & droit ; on s’en sert pour tirer des lignes droites. Voyez Ligne.

La regle est l’instrument le plus en usage dans tous les Arts méchaniques ; pour s’assurer si elle est juste ou non, on tire d’abord, par le moyen de la regle, une ligne droite sur le papier ; ensuite, on renverse la regle de maniere que le bout qui étoit à droite, tombe à gauche, & réciproquement, & on tire de nouveau une ligne droite le long de la regle ; si cette nouvelle ligne droite se confond exactement avec la premiere, la regle est bonne.

La régle des Tailleurs de pierre est ordinairement longue de 4 piés, & divisée en piés & en pouces.

La regle des mâçons est longue de 12 ou 15 piés ; on l’applique au-dessous du niveau, pour dresser ou pour bien aligner les rangs de pierres, dont on se sert dans la construction des bâtimens, pour rendre les piés droits égaux, &c.

Maniere de vérifier les regles ; pour vérifier une régle il faut construire la machine représentée dans nos Pl. qui est composée d’une croix AB, EF, de fer ou de cuivre : à l’extremité A de cette croix, on ajustera deux oreilles de même matiere, percées chacune d’un trou rond pour recevoir les tourillons tu de la boîte du télescope, lesquels doivent entrer juste dans ces trous ; à l’autre extremité B sont deux pareilles oreilles, mais qui ne sont point percées ; ces deux oreilles sont jointes ensemble par le haut par une traverse dans laquelle entre une vis C ; aux deux extremités de la traverse EF, sont des charnieres ou des anneaux auxquels sont acrochés les targettes E D, FD. Au point où ces deux barres se réunissent est attachée une lentille ou sphere pesante, qui sert à tenir toute la machine en équilibre, sur les couteaux parfaitement polis ae qui sont attachés avec des vis au-dessous de la longue barre AB ; il y a encore un ressort m fixé en m, par une vis dont la pointe entre dans le chassis CB, & répond directement au-dessous de la vis. Cette partie de la machine ainsi construite, on ajuste dessus le télescope KL, en faisant entrer les tourillons dans les trous des oreilles qui leur sont destinés ; l’autre boîte H du même télescope & qui contient un réticule, comme la fig. 10. représente, doit entrer dans le chassis CD dont on ôte pour cette raison la traverse que l’on remet ensuite ; ensorte que la boîte H appuie par sa face inférieure sur le ressort m, & du côté supérieur contre la vis C avec laquelle on la peut baisser ou élever à son gré.

Pour se servir de cette machine, il faut établir solidement la régle que l’on veut vérifier sur deux trétaux de bois ou de fer, ou encore mieux sur deux blocs de pierre de taille, & le tout sur une terrasse solide ; comme, par exemple, le terre-plein d’un rampart ou une terrasse de jardin, & diriger la regle posée de champ vers un objet apparent & éloigné de plusieurs lieues, comme par le sommet d’un clocher ; quand la régle sera en place, ou montera dessus la machine garnie de son télescope, & regardant dedans, on fera tomber la croisée des files du reticule, au moyen de la vis C, qui sert à hausser ou baisser cette extremité de la lunette sur un point notable de l’objet ; comme, par exemple, la tête du coq qui est au sommet d’un clocher & qui paroît renversée dans la figure X ; ensorte que le fil horisontal rase exactement le haut de la tête ou tel autre point de l’objet qu’on voudra choisir, auquel il est bon que le ciel serve de fond ; la machine en cet état, on attachera une ficelle dans un trou qui est à l’extremité A de la longue barre du bastis AB, EF ; cette ficelle passera sur la poulie r du chevalet Q, scellé dans la même direction ; la ficelle après avoir passé sur la poulie s’enroulera sur l’arbre d’une roue dentée, qui est menée par un pignon, dont l’axe est armé d’une manivelle qu’une personne doit tourner.

Présentement, si la machine est tellement placée sur la regle, que le couteau non-tranchant, mais très poli e soit près de l’extremité B de la regle, au point reconnoissable d’un objet éloigné sous le fil horisontal de la lunette ; si alors quelqu’un tourne la manivelle p, il tirera par le moyen de la ficelle tout le train de la machine le long de la regle ; pendant ce tems, l’observateur qui s’approche à mesure que la lunette s’éloigne de lui, doit observer si le fil horisontal couvre toujours le même point de l’objet ; si cela arrive, on est assuré d’avoir une regle parfaite.

Si au contraire, l’objet paroît monter dans la lunette, on est sûr que le couteau a est tombé dans quelque creux y, au lieu de suivre la direction zu parallele à la ligne dx, qui va du centre du réticule à l’objet. Si l’objet paroît baisser, on est sûr que le couteau a est monté sur une bosse ; connoissant ainsi les points hauts & bas de la regle, il est facile d’y apporter remede, en réduisant tous les points de la regle au niveau des plus bas observés.

Par cette méthode ingénieuse, & qui demande une certaine sagacité pour être appliquée comme il faut, la plus petite différence devient sensible ; car sans parler de l’amplification que les verres du télescope peuvent apporter, les variations observées seront toujours multiples de celles du couteau a, comme la ligne dx l’est de ea, à cause des triangles semblables. (D)

Regle, signifie aussi une méthode ou un précepte, qu’on doit observer dans un art ou dans une science. Voyez Méthode, &c. ainsi on dit les regles de la Grammaire, de la Logique, &c. Voyez Grammaire, Logique, &c.

Les philosophes de l’école distinguent deux sortes de regles, savoir 1°. des regles de théorie qui se rapportent à l’entendement, & dont on fait usage dans la recherche de la vérité. Voyez Entendement. 2°. Des regles de pratique, ou regles pour agir, qui se rapportent à la volonté, & servent à la diriger vers ce qui est bon & juste. Voyez Bien.

Il y a deux sortes d’arts dans lesquels on enseigne ces deux sortes de regles, & la maniere de les appliquer ; savoir la Logique & la Morale. Voyez Logique, Morale.

Les auteurs sont fort divisés sur les égards que l’on doit avoir pour les regles de Poésie que nous ont laissées les anciens, comme Aristote, Horace, Longin, & qui ont été admises par quelques critiques modernes, entre autres par le P. Bossu. Les uns soutiennent que ces regles doivent être inviolablement observées ; d’autres prétendent qu’il est permis quelquefois de s’en écarter, les regles, disent ces derniers, sont des entraves qui ne servent souvent qu’à embarrasser les génies, & qui ne doivent être religieusement observées que par ceux qui n’ont rien de mieux à faire que de les suivre. Voyez Poésie.

Les pieces de théâtre ont leurs regles particulieres, comme la regle de 24 heures, la regle des trois unités, de tems, d’action & de lieu. Voyez Tragédie, Comédie, Dramatique, &c.

Si c’étoit vrai, dit Moliere, que les ouvrages de théâtre composés suivant les regles, ne plussent point, & qu’au contraire, ceux qui seroient contraires aux regles plussent, il faudroit entierement abandonner les regles. Pour moi, ajoute-t-il, quand un ouvrage me plait & me divertit, je ne m’avise point d’examiner si j’ai eu tort d’avoir du plaisir, ni si les regles d’Aristote me défendent de rire. Voyez Loi.

Regle, signifie dans l’Arithmétique, une opération que l’on fait sur des nombres donnés pour trouver des sommes ou des nombres inconnus ; & par le moyen de laquelle on a abregé les calculs dans le Commerce, dans l’Astronomie, &c.

Chaque regle d’Arithmétique a son nom particulier, qui répond à l’usage auquel la regle est destinée. Les quatre premieres regles qui servent de fondement à toutes les autres, sont nommées addition, soustraction, multiplication & division. Voyez chacune de ces regles à son article, Addition, Soustraction, &c.

De ces quatre regles naissent plusieurs autres ; savoir la regle de trois ou de proportion, qu’on appelle aussi regle d’or, & qu’on distingue en directe & inverse, en simple & en composée ; la regle de cinq ; la regle de compagnie, simple & composée ; la regle d’alliage de quelque espece que ce soit ; la regle de change ; la regle de fausse position, simple & double. Il faut ajouter à ces regles, l’approximation, les combinaisons, l’extraction des racines, la regle d’escomte, la réduction, &c. Voyez ces mots, &c.

La regle de trois, ou proportion, communément appellée regle d’or, est une regle par laquelle on cherche un nombre qui soit en proportion avec trois nombres donnés. Voyez Proportion.

On demande, par exemple, si trois degrés de l’équateur sont 70 lieues, combien de lieues feront 360 degrés ? c’est-à-dire combien la circonférence de la terre aura-t-elle de lieues ?

Voici la regle : multipliez le second terme 70 par le troisieme 360, & divisez le produit 25200 par le premier terme 3, le quotient 8400 est le quatrieme terme qu’on cherche.

Cette regle est d’un usage fort étendu tant dans la vie civile que dans les sciences ; mais elle n’a lieu que quand on reconnoît la proportion des nombres donnés. Supposons par exemple, qu’un grand vaisseau plein d’eau se vuide par une petite ouverture, de maniere qu’il s’en écoule trois piés cubes d’eau en deux minutes, & qu’on demande en combien de tems il s’en écouleroit cent piés cubes ; il y a à la vérité dans cette question, trois termes donnés, & un quatrieme qu’on cherche ; mais l’expérience fait voir évidemment que l’eau s’écoule plus vîte au commencement qu’elle ne fait par la suite ; d’où il résulte que la quantité d’eau qui s’écoule, n’est pas proportionnelle au tems, & que par conséquent la question présente ne sauroit être résolue par une simple regle de trois.

Toutes les choses qui sont l’objet du commerce sont proportionnelles à leur prix ; le double de marchandises contre le double d’argent : ainsi le prix d’une certaine quantité de marchandises étant donné, on trouvera par une regle de trois, le prix d’une autre quantité donnée de marchandises de la même espece. Par exemple, si 3 livres pesant coutent 17 s. combien couteront 30 livres ? Dites : 3 liv. est à 30 liv. comme 17 s. prix du premier terme, est au prix cherché du second : écrivez donc ainsi les trois termes,

3 liv. — 30 liv. 17 s.
17 3
510 177s. = 8 ℔ 17 s.

On peut faire aussi la question suivante : si 3 liv. pesant sont achetées 17 s. combien aura-t-on de livres pesant pour 170 s. Dites, 17 s. est à 170 s. comme 3 liv. pesant est au nombre qu’on cherche :

3 liv. — 170 liv. 3 s.
3 17
510 30
00

Si les termes donnés sont hétérogenes, c’est-à-dire s’il s’y rencontre des fractions, il faut réduire alors ces nombres à l’homogénéité, ou à la même dénomination ; savoir les livres en sols, les sols en deniers, &c. les heures en minutes, &c. Voyez Réduction.

Exemple : si 3 livres 4 onces coutent 2 s. 4 d. que doivent couter 4 livres ? Voici l’opération :

16 16 12
3 2 2
48 32 onc. 24
4 4
52 onc. 28 c
d’où l’on tire 52onc.. 32onc. :: 28. x ainsi l’on a
32
256
64 52
896 17d + ou ou
52
376
364
12

C’est-à-dire qu’il faut réduire les livres en onces, & les sols en deniers, & résoudre ensuite la question proposée par la regle de trois commune.

Dans plusieurs des questions de commerce qui peuvent se résoudre par la regle de trois, il y a souvent des méthodes abregées par lesquelles on en vient à bout plus facilement que par la regle même. Ces méthodes ou regles particulieres sont appellées pratiques, parce qu’au moyen de ces regles, on expédie plus promptement l’opération qu’on se propose.

La regle de trois inverse est celle où l’ordre naturel des termes est renversé. Par exemple, si 100 hommes bâtissent une maison en deux ans ; on demande en combien de tems 200 hommes bâtiront la même maison ; la regle consiste à multiplier le premier terme 100 par le second 2, & diviser le produit par le troisieme terme 200, le quotient 1 est le nombre d’années qu’on cherche.

200 hom. — 100 hom. — 2 ans
2 200
200 1 an.

La regle de cinq, ou regle de trois composée, est celle où il faut faire deux regles de trois pour parvenir à la solution. Par exemple, si 300 ℔ en deux ans produisent 3 ℔ d’intérêt, combien 1000 ℔ en produiront-ils en douze ans.

Il faut d’abord trouver par une regle de trois quel intérêt 1000 ℔ produiront en deux ans, ensuite trouver par une seconde regle quel intérêt la même somme produira en douze ans.

Cette regle est regardée par les auteurs d’Arithmétique, comme une regle particuliere, mais sans nécessité ; car la meilleure maniere de la résoudre, est d’employer une double regle de trois, comme nous venons de dire, & comme on le voit dans l’exemple suivant. Exemple, , faisant donc  ; il est clair que 600 ℔ est l’intérêt cherché ; où vous voyez que pour résoudre ces sortes de questions, on peut ne faire qu’une seule regle de trois ; car 300 ℔ produisent le même intérêt en deux ans, que deux fois 300 s. en un an ; & douze fois 1000 l. produisent le même intérêt en un an, que 1000 ℔ en douze ans. Par conséquent mettant à part la circonstance du tems, dites si deux fois 300, c’est-à-dire 600, donnent 36 ℔ d’intérêt en un an, combien produiront d’intérêt en un an, douze fois 1000, c’est-à-dire 12000.

600 — 12000 36.
36
72000
36000 6|00
4320|00 710 ℔ int. Chambers (E)

Regle centrale, voyez Centrale.

Regle, pris dans le sens que les moines lui donnent, signifie un recueil de lois & de constitutions, suivant lesquelles les religieux d’une maison sont obligés de se conduire, & qu’ils font vœu d’observer en entrant dans l’ordre. Voyez Religieux, Monastere, Vœu, &c.

Toutes les regles monastiques ont besoin d’être approuvées par le pape pour être valides. La regle de S. Benoit est appellée par quelques auteurs, la sainte regle. Voyez Bénédictin.

Les regles de S. Bruno & de S. François sont les plus austeres de toutes. Voyez Chartreux. Quand un religieux ne peut soutenir l’austérité de la regle, il demande à ses supérieurs de l’en dispenser. Chambers.

Regle de l’octave, en Musique ; est une formule harmonique publiée la premiere fois par M. de Laire, en l’année 1700, laquelle détermine l’accord convenable à chaque degré du ton sur la succession de la basse, tant en mode majeur qu’en mode mineur, & tant en montant qu’en descendant, sur-tout par marche diatonique.

On trouvera dans nos Pl. de Musique cette formule chiffrée sur l’octave du mode majeur, & sur celle du mode mineur.

Pourvû que le ton soit bien déterminé, on ne se trompera pas en accompagnant selon cette regle, tant que l’auteur sera resté dans l’harmonie simple & naturelle que comporte le mode. S’il sort de cette simplicité par des accords, par supposition ou d’autres licences, c’est à lui d’en avertir par des chiffres convenables ; ce qu’il doit faire aussi à chaque changement de ton ; mais tout ce qui n’est point chiffré doit s’accompagner selon la regle de l’octave, cette regle doit s’étudier sur la basse fondamentale, pour en bien comprendre le sens.

J’ai cependant peine à pardonner qu’une formule destinée à la pratique des regles élémentaires de l’harmonie contienne une faute contre ces mêmes regles ; c’est apprendre de bonne heure aux commençans à enfreindre les lois qu’on leur prescrit Cette faute est dans l’accompagnement de la sixieme note en montant, dont l’accord, ainsi qu’il est chiffré, peche contre les regles ; car il ne s’y trouve aucune liaison, & la basse fondamentale descend d’un accord parfait diatoniquement sur un autre accord parfait ; licence trop grande pour faire regle.

On pourroit faire qu’il y eût liaison en ajoutant une septieme à l’accord parfait de la dominante qui précede ; mais alors cette septieme ne seroit point sauvée ; & la basse fondamentale descendant diatoniquement sur un accord parfait après cet accord de septieme, feroit une marche entierement intolérable.

On pourroit encore donner à cette sixieme note, l’accord de petite sixte, dont la quarte feroit liaison ; mais ce seroit fondamentalement un accord de septieme avec tierce mineure, où la dissonance ne seroit pas préparée ; ce qui est encore contre toutes les regles.

Enfin on pourroit chiffrer sixte quarte sur cette sixieme note ; ce seroit alors l’accord parfait de la seconde ; mais je doute que les musiciens approuvassent un renversement aussi mal entendu que celui-là, si peu autorisé par l’oreille, & sur un accord qui éloigne trop l’idée de la modulation principale.

Je tiens donc pour une chose certaine, que l’accord de sixte, dont on accompagne la sixieme note du ton en montant, est une faute qu’on doit corriger, & que pour accompagner régulierement cette note, comme il convient dans une formule, il n’y a qu’un seul accord à lui donner, qui est celui de septieme ; non une septieme fondamentale, qui ne pouvant se sauver que d’une autre septieme, seroit une faute dans cet endroit ; mais une septieme renversée d’un accord de sixte ajouté sur la tonique. Je souhaite que les gens de l’art trouvent cette correction juste ; je suis sûr du-moins qu’ils n’y trouveront pas de faute ; mais que fait cela aux importans du siecle, qui se disent au-dessus des regles ? (S)

Regle, (Jurisprudence.) signifie en général ce que l’on doit observer, soit dans ses mœurs & dans sa conduite, soit dans ses dispositions & dans la forme des actes que l’on passe.

Il y a plusieurs sortes de regles, ainsi qu’on va l’expliquer dans les articles suivans. (A)

Regles de chancellerie, ou de la chancellerie romaine, sont les réglemens, style & ordre que les papes ont établis pour être observés en la disposition des bénéfices ecclésiastiques, & l’expédition des provisions, & au jugement des procès en matiere bénéficiale.

Jean XXII. est à ce que l’on prétend, le premier qui ait fait de ces réglemens.

Ses successeurs en ont ajouté de nouveaux.

Chaque pape après son couronnement, renouvelle celles de ces regles qu’il juge à propos de conserver, ou les étend & restraint suivant les circonstances & les inconvéniens que l’on a reconnus dans celles de ses prédécesseurs.

En général elles ne durent que pendant le pontificat du pape qui en est l’auteur, à l’exception de celles qui sont reçues dans le royaume, lesquelles subsistent toujours, étant devenues par leur vérification, une loi perpétuelle du royaume.

Comme ces regles sont établies pour l’ordre d’une chancellerie, dont la France ne reconnoît point l’autorité, si ce n’est pour y obtenir certaines provisions bénéficiales, dispenses, & dans quelques autres matieres semblables, lesquelles sont ensuite traitées devant les juges du royaume ; elles n’y ont point lieu, à moins qu’elles n’aient été vérifiées au parlement, lequel ne les reçoit qu’autant qu’elles se trouvent conformes aux libertés de l’église gallicane, & comme dit Dumolin, elles ne sont reçues en France que comme un remede politique contre les fraudes, de sorte qu’il n’y en a qu’un très-petit nombre qui y soient reçues.

Il n’y en a que trois qui soient expressément reçues : savoir, la regle de infirmis resignantibus, ou de viginti diebus ; celle de publicandis resignationibus, & celle de verisimili notitiâ.

Il y a encore plusieurs autres de ces regles qui sont suivies dans le royaume, non pas comme regles de chancellerie, mais comme des regles d’équité établies par nos ordonnances, ou par la jurisprudence des arrêts, telles sont les regles, de non tollendo alteri jus quoesitum, de annali possessore, de non impetrando beneficia viventium, de idiomate.

Il y a encore les regles de mensibus & alternativâ, celle de triennali possessore, ou de pacificis possessoribus, & celle de vero valore exprimendo, qui sont observées à certains égards en France.

On expliquera ci-après ce qui concerne chacune de ces regles en leur rang.

Voyez la pratique bénéficiaire de Rebuffe, qui a fait un traité de toutes ces regles ; Dumolin, Louet & Vaillant, qui ont fait de savantes notes sur ces regles ; le traité de l’usage & pratique de cour de Rome de Castel. (A)

Regle catoniere, est une regle de droit ainsi appellée du nom de Marc Caton, fils aîné de Caton le censeur, que l’on tient être l’auteur de cette regle. Elle porte que ce qui est nul dans son principe, ne peut pas devenir valable par le laps du tems. Cette décision a été adoptée dans la regle 29, au digeste de regulis juris. Les jurisconsultes se sont beaucoup exercés sur cette regle ; Celsus en fait la critique au digeste de regulâ catonianâ ; on tient communément qu’elle ne reçoit d’application que dans les dispositions pures & simples, & non dans les dispositions conditionnelles. Voyez Forster, hist. jur. les regles de droit de d’Antoine, & la jurisprud. rom. de M. Terrasson.

Regle de commissionibus, est une regle de chancellerie romaine, qui veut que les commissions pour le jugement des procès soient données sous certaines formes. Elle n’est point suivie en France. Voyez l’usage & pratique de cour de Rome, de Castel.

Regle de droit, est une maxime qui explique en peu de mots la jurisprudence qu’il faut suivre dans quelqu’affaire, ce n’est pas de la regle que vient le droit, mais au contraire du droit que vient la regle.

Il y a un très-grand nombre de regles de droit, dont les principales, au nombre de 221, ont été recueillies dans le L. liv. du digeste, tit. 17. de regulis juris.

Il y a aussi un titre des regles du droit canon dans les décrétales & dans le sexte.

Un grand nombre de jurisconsultes & de canonistes ont fait des commentaires sur les regles de droit. (A)

Regle ecclésiastique ou monastique, est une maniere de vivre prescrite par un supérieur ecclésiastique à ceux qui l’ont embrassée, telles que la regle de saint Benoît, celle de saint François, & autres. Voyez Chanoines réguliers, Noviciat, Chanoinesses, Moines, Profession, Religieux, Religieuses.

Regle de idiomate, est une regle de chancellerie romaine, qui déclare nulle toutes provisions données pour une église paroissiale, à moins que le pourvu n’entende la langue du lieu où est située l’église.

Regle de infirmis resignantibus, ou de viginti diebus, en françois la regle des 20 jours, est une des regles observées en la chancellerie romaine, qui porte si un ecclésiastique résigne son bénéfice étant malade, il faut pour que la résignation soit valable, que le résignant survive 20 jours après qu’elle aura été admise en cour de Rome ; autrement, & s’il meurt dans les 20 jours, la résignation est nulle, & le bénéfice dont il s’est démis, est censé vaquer par mort, & non par résignation.

Anciennement l’on n’observoit d’autre regle que celle des 20 jours, laquelle ne distinguoit point si le résignant étoit malade ou non, il falloit indistinctement que le résignant survéquît 20 jours : ce fut Boniface VIII. lequel en 1298 fit la regle de infirmis resignantibus, &c.

Cette regle a succédé à celle des vingt jours ; on l’appelle aussi indifféremment regle des vingt jours, quoique ces deux regles ne fussent pas entierement semblables.

Ces deux regles ont été établies successivement pour empêcher l’abus qui se pratiquoit dans les résignations. Ceux qui vouloient assurer leur bénéfice à un parent ou à un ami, sans néanmoins s’en dépouiller dès-lors, résignoient secretement en sa faveur, & gardoient les provisions, afin que, si le résignataire mouroit avant le résignant, celui-ci n’étant pas encore dépouillé de son bénéfice, le pût donner à un autre parent ; & que si le résignant mouroit le premier, le résignataire fût assuré du bénéfice, & en pût prendre possession aussitôt après le décès du résignant.

Trois conditions sont requises pour que la regle de infirmis resignantibus ait lieu, 1°. que le résignant soit malade, 2°. qu’il décede de cette maladie, 3°. qu’il décede dans les vingt jours.

Elle n’a pas lieu lorsque les médecins & chirurgiens attestent que la maladie dont le résignant étoit atteint lors de la résignation, n’étoit pas mortelle, & qu’il est mort de quelque accident provenu d’ailleurs que de cette maladie : au reste, quand le titulaire résigne étant malade, & qu’il décede dans les vingt jours, on présume qu’il est mort de cette maladie ; c’est au résignataire à prouver le contraire s’il y a lieu.

Les 20 jours se comptent du jour du consens, qui est une petite note que l’on fait à la chancellerie romaine, portant qu’un tel procureur constitué par la procuration à l’effet de résigner, a consenti à la résignation & à l’expédition de la signature de cour de Rome, & que l’original de la procuration est demeuré à la chancellerie ou à la chambre apostolique. Ce consens est daté du jour même de la provision ; mais comme à Rome on donne aux François la date du jour de l’arrivée du courier, on compte aussi les 20 jours depuis cette arrivée.

Il faut que ces 20 jours soient francs, c’est-à-dire, que l’on ne compte ni le jour de l’admission de la résignation, ni celui du décès du résignant.

La regle de infirmis resignantibus n’a pas lieu à l’égard des provisions des collateurs ordinaires, elle a seulement lieu pour celles du pape ; mais il y déroge si facilement, que cela est devenu comme de style dans les résignations en faveur & permutations, & que pour obtenir cette dérogation, on ne va plus à la componende.

Le pape ne peut cependant y déroger au préjudice des cardinaux, mais il y peut déroger au préjudice des indults extraordinaires accordés à des particuliers, quand il y auroit la clause liberè & licitè. Voyez sur cette regle Gomes, Dumoulin, les mém. du clergé, tom. X. (A)

Regle de mensibus & alternativis, est une regle de chancellerie romaine, suivant laquelle les papes se sont réservé la collation des bénéfices qui vaquent pendant 8 mois de l’année ; savoir, en Janvier, Février, Avril, Mai, Juillet, Août, Octobre & Novembre, ne laissant aux collateurs ordinaires que les mois de Mars, Juin, Septembre & Décembre. La regle de l’alternative est une exception à celle des mois en faveur des évêques résidens en leur diocèse, auxquels les papes ont permis en faveur de la résidence de conférer alternativement & également avec le saint siége, à commencer par le mois de Janvier pour le pape, Février pour les évêques résidens, & ainsi consécutivement : on tient que cette regle fut projettée par quelques cardinaux après le concile de Constance, pour conserver la liberté des collateurs ordinaires, au-moins pendant quelques mois de l’année. Martin V. en fit une loi de chancellerie, & ses successeurs l’adopterent ; ce fut Innocent VIII. qui, en 1484, établit l’alternative pour les évêques en faveur de la résidence.

Cette regle n’a point été reçue en France, si ce n’est dans les provinces de Bretagne, Provence & Roussillon, qui, dans le tems, n’étoient pas réunies à la couronne. Voyez les lois ecclésiastiques de M. de Hericourt, part. I. ch. xiij. & le mot Reserve.

Regle de non impetrando beneficia viventium, est une des regles observées dans la chancellerie romaine, suivant laquelle celui qui obtient du pape des provisions d’un bénéfice du vivant du titulaire, encoure l’indignité & l’inhabilité pour le bénéfice dont il a obtenu les provisions, de quelque maniere que le bénéfice vienne à vaquer dans la suite.

On excepte néanmoins le cas où l’ordinaire confere le bénéfice d’un titulaire décédé malade, & que ses parens ou domestiques ont celé pendant sa derniere maladie : car, si l’ordinaire a fait une sommation de le représenter, & qu’il y ait un procès-verbal de refus, le bénéfice est censé vacant de ce jour-là. Voyez la déclaration du 9 Février 1657, dans Pinson, p. 210.

Cette regle differe de celle de verisimili notitiâ, en ce que celle-ci ne rend pas l’impétrant incapable de jamais posséder le bénéfice ; il n’en est exclu que pour cette fois, au lieu que l’inhabilité prononcée par la regle de non impetrando, est aussi pour les autres vacances qui pourroient arriver dans la suite au même bénéfice.

Pour encourir cette indignité, il suffit d’avoir couru le bénéfice du vivant du titulaire, quand même on ne l’auroit pas obtenu de son vivant.

Pour juger s’il y a eu une course ambitieuse, ce n’est pas l’arrivée du courier à Rome que l’on considere, mais son départ. Voyez le ch. qui in vivorum, extra de concessione præb. & la glose ; Dumolin. (A)

Regle de non tollendo alteri jus quoesitum, est une regle de chancellerie romaine, suivant laquelle on ne peut point enlever à quelqu’un le droit qui lui est déja acquis sur un bénéfice ; mais cette regle n’est point particuliere à la chancellerie romaine, c’est une regle générale, & une maxime tirée du droit naturel & commun, reçue également partout ; c’est pourquoi elle est suivie en France. Voyez Papon & les remarques de Noyer sur l’usage & pratique de cour de Rome de Castel.

Regle de pacificis possessoribus, seu de triennali possessore, est une des regles que l’on suit dans la chancellerie romaine, attribuée par quelques-uns à Innocent VIII. mais qui est en effet de Calixte III. elle est tirée presque mot pour mot du decret de pacificis possessoribus du concile de Basle, & a été reçue parmi nous par la pragmatique sanction, & même par le concordat, & autorisée & suivie dans toutes les cours souveraines du royaume.

L’effet de cette regle est que celui qui a joui paisiblement d’un bénéfice pendant trois ans avec un titre juste ou coloré, ne peut plus être valablement troublé, soit au possessoire ou au pétitoire. Voyez Rebuffe, qui en a fait un ample traité, la glose de la pragmatique, tit. de pacif. possessionibus, les définitions du droit canon de Castel, au mot possession. (A)

Regle paterna paternis, materna maternis, est une regle que l’on suit en pays coutumier pour l’ordre des successions collatérales qui défere les biens paternels aux parens du côté paternel, & les biens maternels aux parens du côté maternel.

Cette regle a été de tout tems observée dans le royaume ; quelques-uns prétendent même qu’elle est plus ancienne que la monarchie.

Dumoulin sur l’art. 24. de la coutume de Sées, & en son conseil 7. n. 48. dit que c’est une coutume qui est venue des Francs & des Bourguignons, & que par une constitution de l’empereur Charlemagne, elle fut étendue aux Saxons.

Comme elle n’est point conforme aux lois romaines, qui déferent tous les biens du défunt à son plus proche parent, sans distinction de côté & ligne, elle n’a pas été reçue dans les pays de droit écrit.

Mais quoiqu’elle ait été admise dans la plûpart de nos coutumes, elle y a été reçue différemment, & l’on distingue à cet égard trois sortes de coutumes.

La premiere est de celles qu’on appelle coutumes de simple côté, & dans lesquelles l’on suit simplement la regle paterna paternis, materna maternis, c’est-à-dire, que l’on se contente de distinguer le côté paternel du côté maternel, telles que les coutumes de Chartres & de Normandie.

La seconde est celles qu’on appelle soucheres, dans lesquelles le propre appartient au parent le plus proche descendu de l’acquéreur, comme dans la coutume de Mantes.

La troisieme est de celles qu’on appelle coutumes du côté & ligne, dans lesquelles il suffit d’être le plus proche parent du défunt du côté & ligne par lequel le propre lui est échu sans qu’il soit nécessaire d’être descendu de l’acquéreur, telles sont la coutume de Paris, & la plûpart des autres coutumes. Voyez Bacquet, Brodeau, Renusson, le Prestre, &c. & les mots Coutumes, Propre, Succession. (A)

Regle de publicandis, on sous-entend resignantibus, est une des regles de la chancellerie romaine, laquelle veut que le résignataire pourvu en cour de Rome publie sa résignation dans six mois, & prenne possession du bénéfice dans le même tems, & que si ce tems passé, le résignant meurt en possession du bénéfice, les provisions du résignataire soient nulles.

Cette même regle veut aussi, que si la résignation est admise par l’ordinaire ou par le légat, la publication se fasse dans un mois, & que dans ce même mois le résignataire prenne possession, à peine de nullité de provisions ; en cas que le résignant meure en possession après le mois ; ce qui a été ainsi établi à l’égard des résignations pures & simples, afin que l’on connoisse quel est le véritable possesseur du bénéfice, & pour empêcher le légat & les ordinaires de suivre l’intention du résignant, qui est souvent de perpétuer le bénéfice dans sa famille.

La regle de publicandis fut enregistrée au parlement en 1493 ; il y a eu depuis cinq additions à cette regle, mais elles n’ont pas été reçues en France ; cependant, celle de Pie V. qui explique que le mot obitus doit s’entendre de la mort civile, aussi-bien que de la mort naturelle, est suivie en France en certains cas, comme dans le cas du mariage, de la profession religieuse & autres, où il y a vacance de droit & de fait.

On ne publie plus les résignations dans les marchés & places publiques, comme le prescrivoit l’édit de 1550 ; il suffit pour les cures, prieurés, chapelles, &c. de prendre possession publiquement un jour de fête ou de dimanche, à l’issue de la messe paroissiale, ou de vêpres, en présence du peuple ; & que le notaire fasse signer l’acte par quelques-uns des principaux habitans.

Le tems accordé pour faire cette publication court du jour de l’admission de la résignation, à moins qu’il n’y ait quelque empêchement légitime.

Les bénéfices consistoriaux ne sont pas sujets à cette regle, attendu qu’elle n’en fait pas mention. Voyez Rebuffe, ad reg. de public. (A)

Regle de subrogandis collitigantibus, est une regle de chancellerie romaine, qui défend de conférer un bénéfice litigieux, & de subroger pendant le procès. Cette regle n’est point reçue en France, notre usage étant de recevoir la subrogation au lieu & place du défunt, & aux collitigans, durant le procès. Voyez les remarques de Noyer, sur l’usage & pratique de cour de Rome, de Castel. (A)

Regle de triennali possessore, voyez ci-devant Regle de pacificis possessoribus.

Regle de verisimili notitiâ obitûs, est encore une regle de chancellerie romaine, qui veut qu’entre le décès du défunt bénéficier & les provisions qui ont été obtenues de son bénéfice, il y ait un tems suffisant pour que cette mort soit venue à la connoissance de l’impétrant, & qu’on ait eu le tems d’aller ou d’envoyer vers les collateurs ; autrement l’impétrant est présumé avoir couru le bénéfice du vivant du dernier titulaire, & cette présomption est si forte qu’elle rend les provisions nulles.

Quoique le decret de Jean XXIII. duquel est tirée cette regle, ne fasse mention que des provisions du saint-siege, cette regle a paru si favorable qu’on l’a étendue aux provisions des ordinaires.

Le tems se compte du jour de la mort, & non pas seulement du jour du bruit public de la mort.

Il n’est pas absolument nécessaire que le genre de vacance, en vertu duquel on a obtenu la provision, soit venu à la connoissance du collateur, il suffit que cela ait pu y venir.

Le pape peut déroger à la regle de verisimili notitiâ, en mettant la clause disjonctive, aut alias quovis modo, etiam per obitum, que l’on insere dans les provisions de cour de Rome sur les résignations. Cette clause est même toujours sous-entendue dans les provisions qui sont pour des François.

La dérogation à cette regle, par le moyen de la clause, sive per obitum, ne se met point dans les provisions expédiées sur résignation en faveur, pour la Bretagne, à cause du partage des mois entre le pape & les ordinaires de cette province ; & aussi parce que cette clause pourroit opérer une prévention contre l’ordinaire, laquelle n’a pas lieu en Bretagne.

Cette regle n’a pas lieu pour les provisions données par le roi, soit en régale, ou autrement. Voyez Gomés, Rebuffe, Dumolin, Selva, Probus, & les mots Bénéfice, Provision, Signature. (A)

Regle de vero valore exprimendo, est une regle de chancellerie romaine, qui ordonne d’exprimer dans les provisions la véritable valeur des bénéfices, à peine de nullité. On n’exprime en France la véritable valeur que des bénéfices taxés dans les livres de la chambre apostolique ; pour ce qui est des autres, leurs fruits sont également exprimés de la valeur de 24 ducats. (A)

Regle de viginti diebus, ou des 20 jours. Voyez ci-devant Regle de infirmis resignantibus.

Règle, la, (Sculp. antiq.) c’est ainsi qu’on nomme une fameuse statue antique de Policlete, l’un des plus grands sculpteurs de la Grèce. Les regles de l’art étoient si bien observées dans cette statue, qu’on l’appella par excellence la Regle.

Policlete se servit pour cela de plusieurs modeles naturels, & après avoir fini son ouvrage dans la derniere perfection, il fut examiné par les habiles gens avec tant d’exactitude, & admiré avec tant d’éloges, que cette statue fut d’un commun consentement appellée la Regle. Elle servit en effet de regle à tous les Sculpteurs qui suivirent Policlete. (D. J.)

Regle, outil d’Arquebusier, c’est une regle de bois, plate, épaisse de deux lignes, large de deux pouces, & longue de deux piés. Les Arquebusiers s’en servent à différens usages.

Regle, terme & outil des Ceinturiers, dont ils se servent pour régler, marquer & conduire leurs ouvrages quand ils les taillent.

Cette regle n’est qu’un morceau de bois plat, uni, long de deux piés, épais d’environ deux ou trois lignes.

Regles de Charpentier, (Charpent.) elles sont de bois. Ils en ont deux ; l’une qu’ils appellent la grande regle, pour tracer les pieces en longueur ; l’autre qu’ils nomment la petite regle plate, pour les tracer en largeur. Les mortaises, les tenons, &c. se tracent avec les diverses équerres, dont l’une des jambes sert de regle. (D. J.)

Regle, à tirer des paralleles, (Graveur en Taille douce.) cet instrument est composé de deux regles de bois, AB, CD, voyez les Pl. de la Gravure, & les fig. unies ensemble par des traverses de cuivre, AC, BD, attachées avec des chevilles par leurs extrémités, aux extrémités des regles. L’usage de cet instrument est de tracer facilement plusieurs lignes paralleles : ce qu’on a occasion de faire souvent dans l’Architecture, & plusieurs parties des paysages. Pour s’en servir, on affermit la regle CD, en sorte qu’elle soit mobile, & l’on pousse l’autre regle AB, vers une de ses extrémités ; ce qui ne sauroit se faire sans que les traverses AC, BD, deviennent plus inclinées, & par conséquent sans que la regle AB, ne soit approchée de la regle CD.

Mais comme les traverses AC, BD. sont égales, & que les parties AB, CD, interceptées sont aussi égales, il suit que la regle A B, a toujours conservé le parallélisme.

Regle à mouchette, terme de Maçon, c’est une longue regle de bois, le long de l’un des côtés de laquelle est poussée avec le rabot, une espece de moulure. Elle sert aux maçons à faire des mouchettes, c’est-à-dire, cette espece de quart de rond enfoncé, qui est au-dessous d’une plinthe. Outre cette regle, ces ouvriers en ont plusieurs autres de diverses longueurs & épaisseurs. Celles qui servent à faire les feuillures des portes, des croisées, ont un pouce & demi d’équarrissage ; celles qu’ils emploient à prendre leur niveau, sont les plus longues de toutes. Ils ont aussi ce qu’ils appellent un plomb à regle, qui est une ficelle chargée d’un petit plomb par un des bouts, & attachée par l’autre au haut d’une regle, sur laquelle est tracée une ligne perpendiculaire. Savary. (D. J.)

Regle de Menuisier, (Menuiserie.) cette regle s’appelle plus communément un réglet qu’une regle, par ceux qui savent les termes du métier.

Regle de Serrurier, (Serrurerie.) ces sortes de regles sont de fer. Les Serruriers s’en servent pour dresser leurs pieces, soit à chaud, soit à froid.

Regle de Vitrier, (Vitrerie.) outre la regle commune de bois dont les Vitriers se servent pour tracer leurs panneaux, ils en ont encore une petite aussi de bois, qu’ils nomment regle à main, le long de laquelle ils coupent le verre au diamant. Cette regle a deux petits mantonnets, ou seulement une petite piece de bois, de 5 ou 6 pouces de longueur, attachée par-dessus, avec laquelle ils l’appuient d’une main sur la piece de verre, tandis que de l’autre ils conduisent le diamant le long d’un de ses côtés. (D. J.)

Regles, s. f. (Anat.) dans l’économie animale, la purgation ordinaire & naturelle des femmes. Voyez Menstrues.

Les Groenlandoises n’ont point de regles. Dans le nord on est rarement réglé, parce que le froid resserre les solides. Les femmes du Brésil, dont j’ai parlé, que leurs meres sacrifient, cessent d’être localement pléthoriques aux premiers efforts que le sang menstruel fait pour couler ; de sorte qu’avant qu’une nouvelle pléthore soit régénérée, les vaisseaux de l’utérus consolidés, peuvent lutter contre l’action du sang. Simson dit fort bien que les regles ne sont pas nécessaires, quand leurs filtres sont plus petits qu’il ne faut.

Les regles en Grèce sont de 20 onces, de 14 à 16 en Espagne, de 8 à 10 en Occitanie, d’environ 6 en Hollande, d’une once en Allemagne, chez les paysanes ; il y a aussi quelque variété pour le tems, comme pour la quantité. Le période du flux menstruel finit en Grèce dans deux ou trois jours, ou quatre tout au plus ; en Occitanie, les mois coulent cinq ou six jours ; en Angleterre, trois jours ; en Hollande, trois ou quatre jours ; la même chose en France ; une semaine entiere, en Allemagne ; mais ce tems varie beaucoup ; & dans la santé le terme des regles est souvent plus court.

Rien de plus précoce pour la fécondité & les regles, que les femmes des pays chauds ; car rarement connoît-on avant que d’être réglé. Il y a des pays où l’on fait des enfans à 10 ans, & même à 8. Mandelshof a vu une fille aux Indes, qui avoit des tetons à deux ans, fut réglée à trois, & accoucha à cinq. En Occitanie le flux menstruel se montre un an plutôt qu’à Paris : en Hollande, il paroît entre 14 & 16 ans ; sur les hautes montagnes les femmes ont leurs regles plutard, & elles se suppriment très-facilement ; il y a pourtant de très-précoces fécondités en Europe, comme à 9 ans. L’histoire de l’académie des Sciences de 1708, parle d’une grande fille qui avoit des tetons, & n’avoit que 9 ans. Les filles qui sont réglées à 10 ans, sont très-fortes.

Les femmes pléthoriques sont réglées deux fois par mois, elles perdent une quantité de sang, qui est triple de la mesure d’Allemagne. En Perse, les femmes luxurieuses & sédentaires, ont ce flux deux & trois fois par mois. Les femmes oisives sont réglées sept & huit jours ; c’est pour la même raison que les hommes qui ne font aucun exercice, sont fort sujets aux hémorrhoïdes. Les visceres chylopoïétiques robustes font beaucoup de sang, dans le repos, ils ne se dissipent point assez, & les vaisseaux foibles & lâches s’ouvrent à la moindre pléthore.

Regles Maladies des, (Médec.) les principales maladies que souffrent les femmes dans leurs regles, sont d’un côté, le cours immodéré, & de l’autre, la suppression de cette purgation périodique.

Une femme qui n’est pas encore bien formée, évacue moins de sang menstruel, que quand son corps a pris tout son accroissement. La quantité de sang qu’elle perd, augmente ensuite à proportion qu’elle vit d’une maniere plus splendide & plus oisive ; car toute femme qui mene une vie sobre & laborieuse, n’a pas de regles abondantes. En effet, tandis qu’on voit des femmes du monde qui perdent quelquefois dix, douze, quinze onces de sang, & qui n’en sont que plus alertes après cette évacuation proportionnée à leur pléthore, il y a des paysanes qui ne rendent pas deux onces de sang menstruel, & qui connoissent à peine le besoin de cette évacuation.

Les signes de pléthore menstruelle, sont la langueur, la lassitude, les palpitations, la pesanteur, le sentiment alternatif de froid & de chaud, la difficulté de respirer à la suite du moindre mouvement ; 2o . la douleur causée par l’amas du sang qui se fait sentir autour de la matrice, la grande ardeur dans le voisinage de la région lombaire & vers les hanches, l’enflure du ventre ; 3o . des mouvemens excités dans l’uterus, une fréquente envie de pisser, le ténesme, une agitation dans le bas-ventre ; 4o . un gonflement plus considérable des mamelles par la sympathie de ces parties avec la matrice, & par la même correspondance avec l’estomac, la nausée, le dégoût, l’affection hystérique, les suffocations, les syncopes, les vertiges, le mal de tête, le tintement d’oreille surviennent, un grand nombre de ces symptomes dans une femme d’un âge mur qui n’est point enceinte, sont les avantcoureurs de l’éruption menstruelle, ou même l’accompagnent ; mais assez souvent dans les femmes grosses ils annoncent l’avortement.

Maintenant quiconque examinera 1o . que les corps des femmes sont plus délicats, plus flexibles, plus lâches, plus remplis de suc, que ceux des hommes ; que leurs regles commencent, lorsqu’elles cessent de prendre de l’accroissement, que cet écoulement périodique s’arrête en avançant en âge ; qu’il diminue après des évacuations trop abondantes ; qu’il augmente dans les femmes qui se nourrissent luxurieusement ; qu’il cesse dans celles qui sont enceintes, & dans les nourrices ; 2o . que le bassin osseux qui contient la matrice, est fort ample ; que ce viscere est adhérent à la partie inférieure du corps ; que sa structure est caverneuse ; que les veines n’ont point de valvules ; que ses vaisseaux sont tortueux, découverts ; qu’ils forment grand nombre d’anastomoses ; qu’ils vont se terminer à des voutes susceptibles d’une grande dilatation : quiconque, dis-je, considérera mûrement toutes ces choses, concluera que les corps des femmes sont plus disposés à la pléthore que ceux des hommes, & qu’ils ont besoin de s’en délivrer par un écoulement périodique. Cette abondance de sang qui s’est amassé dans les vaisseaux de la matrice, excite donc l’action particuliere de cette partie à s’en décharger. Mais si le cours de ces regles est immodéré, ou qu’il s’en fasse une suppression, il en résulte deux genres de maladies qui méritent un examen particulier. Parlons d’abord du flux immodéré des regles.

I. Une trop grande quantité de sang menstruel, qu’une femme d’un âge mûr, & qui n’est point enceinte, vient à répandre, soit par la longue durée, soit par la fréquence de la menstruation, s’appelle flux morbifique des regles : mais dans les femmes enceintes, ou dans celles qui ont reçu quelques blessures à l’uterus, cette perte de sang se rapporte à l’hémorrhagie de matrice.

II. La menstruation qui procede de pléthore, & qui arrive au commencement des fievres aiguës, & autres maladies inflammatoires, est salutaire, à moins qu’elle ne dure trop long tems ; mais dans plusieurs maladies épidémiques, érésipélateuses, putrides, colliquatives, vers la fin de la petite vérole, dans les pétéchies, les aphthes, les maladies bilieuses, le scorbut & autres semblables, le flux immodéré des regles, augmente le mal ; alors il faut recourir aux rafraîchissans légerement astringens, pour l’appaiser.

III. Quand ce flux est excité par des diurétiques âcres, des emménagogues, des remedes abortifs, des aromatiques, des stimulans, des spiritueux, par l’excès des plaisirs de l’amour, ou l’intromission des pessaires dans le vagin, il faut retrancher ces causes, & faire usage des rafraîchissans combinés avec les astringens. Lorsque cet accident vient à la suite de quelque violente passion de l’ame, ou de vapeurs hystériques, il se dissipe par le repos ou par le secours des anodins.

IV. La femme qui a souvent éprouvé un accouchement, ou un avortement laborieux, est sujette à des regles immodérées, parce que les orifices des vaisseaux de l’utérus sont extrèmement dilatés. Il convient dans ce cas d’employer, tant intérieurement qu’extérieurement, les corroborans, en soutenant par artifice le bas-ventre, depuis le pubis jusqu’à l’ombilic, & en desserrant les hypocondres.

V. Tout ce qui reste dans la cavité de la matrice, comme une portion du placenta, une mole, un grumeau, & autres corps semblables qui empêchent la contraction de ce viscere, font couler sans cesse le sang goutte à goutte, jusqu’à ce qu’on ait retiré ces matieres étrangeres ; mais le déchirement, la contusion, l’ulcere, la rupture, & toute autre lésion de cet organe, d’où résulte une effusion de sang, se rapportent à l’hémorrhagie de la matrice.

VI. Dans le flux immodéré des regles, comme dans toute hémorrhagie, naissent la foiblesse, le frissonnement, la pâleur, la cachexie, la maigreur, la suffocation, la syncope, l’hydropisie, l’œdème, l’enflure des extrémités, la corruption spontanée, l’irritabilité, le vertige, la fievre hectique, & quelquefois le délire. Il en résulte encore des effets particuliers, qui appartiennent à la matrice & au vagin, comme les fleurs blanches & la stérilité ; enfin par sympathie, les mamelles & l’estomac se trouvent attaqués.

VII. Quelle que soit la cause productrice du flux immodéré des regles, il ne convient pas toujours de l’arrêter subitement ; mais il convient plûtôt de le diminuer peu-à-peu ; après y avoir réussi, il faut l’abandonner à ses périodes dans les femmes formées qui ne sont point enceintes ni nourrices ; à l’égard de celles qui sont d’un âge avancé, ou qui sont grosses, la trop grande abondance de sang qu’elles perdent, demande l’usage prudent de la saignée.

Comme la suppression des regles est une maladie beaucoup plus compliquée que leur perte immodérée, nous nous y arrêterons davantage. Remarquons d’abord que les regles ne paroissent point ordinairement avant la douzieme année, & après la cinquantieme, non plus que dans les femmes grosses & les nourrices. Si ces dernieres ont cet écoulement périodique, quoiqu’il soit naturel dans un autre tems, il est alors morbifique. On peut connoître aisément par l’âge, & dans les nourrices, que cette évacuation est arrêtée ; mais la chose est bien plus difficile à découvrir dans les femmes grosses. Elles ne sont point sujettes aux symptomes dont on parlera plus bas, ou s’ils paroissent, ils s’évanouissent insensiblement ; quoique la suppression des regles subsiste, les mamelles & le ventre s’enflent ; & enfin les femmes grosses sentent le mouvement du fœtus dans la matrice.

La suppression des regles, ainsi que toutes les évacuations naturelles, doit sa naissance à différentes causes qu’il faut chercher avec soin, pour former le pronostique, & établir le traitement.

I. Dans les femmes d’un âge mûr, après leurs couches, à la suite de grandes hémorrhagies, de maladies considérables, les évacuations menstruelles sont retardées d’un ou de deux périodes sans inconvénient : si dans ce tems, on recouroit imprudemment aux emménagogues, la malade payeroit bien cher cette méthode curative déplacée, puisqu’on évacueroit alors un sang qui devroit être conservé.

II. Quand il arrive une évacuation excessive des autres humeurs, par les selles, par les urines, par la peau, par un abcès, un ulcere, une fistule, &c. le défaut de ces mêmes humeurs qui en résulte, diminue, supprime, ou retarde les menstrues. La suppression de cette évacuation a lieu pareillement dans les femmes convalescentes, & dans celles qui ont été long-tems malades, sans qu’il en arrive aucun danger considérable.

III. La cause la plus fréquente de suppression & de retardement des regles est l’épaississement & la viscosité des humeurs, qui est produite par une nourriture humide, glutineuse, incrassante, ou par le ralentissement du mouvement animal. Cet état se connoît par la langueur du pouls, sa foiblesse, la somnolence, la pâleur, la froideur du corps, & d’autres signes semblables. On traitera cette suppression par les résolutifs, les stimulans, les frictions & l’exercice du corps. Ensuite il faut venir aux emménagogues, pour provoquer les menstrues ; les purgatifs résolutifs font aussi des merveilles. Quant à la saignée, elle n’est d’aucune utilité, à moins qu’on ne la regarde comme un remede préparatoire.

IV. Les alimens qu’on a pris, faute d’avoir été suffisamment préparés dans les premieres voies, & dans les organes de la circulation, venant à dégénérer en humeurs crues, comme il arrive dans les cacochymes, les scorbutiques, retardent cet écoulement périodique, qui revient de lui-même, après qu’on a guéri ces maladies. Alors il faut maintenir le ventre libre, & si les regles ne coulent pas, il en faut provoquer l’évacuation par les emménagogues.

V. Les parties solides relâchées poussant le sang vers les vaisseaux de la matrice avec un mouvement vital, trop foible pour les dilater, & en même tems produisant la viscosité des humeurs, il en arrive une suppression qui demande les corroborans, les stimulans & les utérins.

VI. Les femmes robustes, d’un tempérament sec, exercées par de grands travaux, & accoutumées à une vie dure, sont non-seulement peu réglées, mais même supportent facilement la suppression des regles. Si cependant cet état devient morbifique, il faut leur donner les nitreux laxatifs, & les mettre à l’usage externe & interne des humectans. Les jeunes femmes d’un tempérament délicat, & qui n’ont point eu d’enfans, supportent aussi long-tems, sans beaucoup d’incommodité, la suppression des regles, à moins qu’elles ne soient valétudinaires & attaquées des pâles couleurs. Dans ces cas, il est bon d’attendre que le corps ait pris plus de croissance ; car la provocation prématurée de cette évacuation n’est pas nécessaire.

VII. Celles qui sont hystériques, sujettes à des spasmes dont on ne connoît pas la cause, aux borborigmes, à la douleur des lombes, & celles qui dans le tems de leurs regles sont tourmentées par des symptomes vagues, tombent aisément dans une suppression du flux périodique. Dans quelques-unes, l’écoulement s’arrête, tantôt au commencement, tantôt au milieu de son période ; on tâchera de rappeller l’évacuation susdite supprimée par de légers emménagogues combinés avec les anodins.

VIII. De toutes les causes externes qui produisent la suppression des regles, la plus ordinaire est la coagulation du sang dans les vaisseaux de la matrice, occasionnée par un froid subit, ou quelque violente passion de l’ame, qui empêche le sang de couler dans les vaisseaux utérins ; c’est ici le cas de la saignée, des fomentations, des fumigations, des demi-bains, des humectans & des émolliens ; les femmes qui se trouvent dans ces circonstances, éprouvent des douleurs dans les lombes, des pesanteurs, le gonflement du-ventre, une succession de froid & de chaud, des pulsations dans la région lombaire, & des hémorrhagies. Ces symptomes se remarquent aussi dans celles dont la matrice est tuméfiée ou obstruée par une cicatrice, & dans les imperforées.

IX. On seroit trop long, si l’on vouloit rapporter tous les accidens qui accompagnent la suppression des regles Disons d’abord qu’ils doivent leur naissance à différentes causes : 1°. à l’abondance du sang par tout le corps, ou dans les parties génitales ; 2°. au changement qui arrive dans la nature des humeurs ; 3°. à l’affection même de la matrice. Mais comme de ces causes séparées ou réunies il en résulte plusieurs symptomes, nous suivrons dans leur énumération générale la division du corps humain.

La tête est douloureuse, surtout par-devant & par-derriere ; la douleur augmente le soir avec un sentiment de pesanteur & de distension. Si la partie antérieure de la tête est entreprise, les yeux s’enflent : lorsque la partie postérieure de la tête est attaquée, le mal a coutume de s’étendre jusqu’au cou, au dos, aux épaules & aux lombes, & d’être suivi de l’enflure des piés. Dans les parties intérieures de la tête, il résulte quelquefois de la suppression des regles, l’assoupissement, le vertige, le délire, des syncopes, l’obscurité de la vue, &c.

Le cou se trouve d’autres fois attaqué de douleur, la poitrine d’asthme, d’anxiété, de palpitations, de difficulté de respirer, & de toux.

Le bas-ventre éprouve des gonflemens, des coliques, des borborygmes. L’appétit se perd, & la digestion se dérange. Les femmes grosses ont par la même raison des nausées, des vomissemens, la fausse faim, la pesanteur des lombes, & autres accidens qui cessent au troisieme ou au quatrieme mois.

Dans la suppression menstruelle, le ventre est ordinairement resserré, l’urine est épaisse, crue, & coule avec peine ; quelquefois elle est noirâtre & sanguinolente ; mais dans les femmes enceintes attaquées de suppression de regles, elle conserve sa qualité naturelle. Souvent la douleur, la pesanteur, la tension gagne le pubis & les aînes ; quelquefois la matrice devient skirrheuse, dure & cancéreuse. Les jambes & les piés s’enflent souvent ; quelquefois ils sont attaqués de varices ou d’ulceres, avec des douleurs dans les articulations.

Cette rétention de menstrues fait quelquefois tomber le corps dans une enflure œdémateuse ; les malades sont enflées au moindre mouvement qu’elles font, & ressentent alternativement du froid & de la chaleur. Elles éprouvent une fievre lente, leurs humeurs se corrompent, acquierent une acrimonie acide ; & leurs excrémens sont plus visqueux qu’à l’ordinaire ; il leur arrive des palpitations autour du cœur & du cou. Quelquefois les malades deviennent comme barbues, & leur voix devient rauque ; enfin que ne produit point cette suppression menstruelle ? Le sang qui doit sortir, étant retenu par sa trop grande abondance, s’ouvre quelquefois un chemin périodique par des lieux extraordinaires ; alors les ulceres mêmes répandent du sang. Toutes ces évacuations forcées & contraires à la naturelle, laissent toujours une santé imparfaite.

X. Avant que d’entreprendre la guérison du mal, il faut examiner, 1°. si on doit provoquer les regles ; 2°. quelle est la cause de leur suppression pour se conduire en conséquence dans le traitement ; 3°. quelle est l’efficacité des remedes généraux qu’on a coutume d’employer en pareil cas. La saignée dans le commencement d’une suppression de regles qui vient de pléthore ou de cause externe, est bien dirigée quand on la fait au pié, ou lorsque les regles ont été supprimées pendant quelque tems ; mais il faut la faire au bras dans les femmes d’un âge plus avancé, afin que la suppression des regles subsiste sans danger.

Les cathartiques sont utiles, parce qu’ils évacuent en même tems les mauvaises humeurs des premieres voies, & qu’ils déterminent davantage le mouvement vers la matrice ; mais on doit s’en abstenir dans les femmes enceintes, & dans celles en qui la suppression vient du défaut d humeurs.

Les anodins font merveille dans la suppression des regles, qui est produite par des convulsions, par l’irritabilité des esprits, & par la passion hystérique.

Les relâchans, les émolliens, les humectans ; appliqués sous la forme d’amalgame, de fomentation, de vapeurs, provoquent heureusement les regles qui sont supprimées par une cause externe, ou par un trop grand resserrement.

On voit par ce détail, que les remedes capables de provoquer les regles supprimées, sont de différentes especes. 1°. Ceux qui en ôtant les causes, agissent en tout tems, conviennent nécessairement, excepté aux vieilles femmes & à celles qui sont enceintes. 2°. Les remedes qui généralement peuvent émouvoir & évacuer, quand ils sont sagement administrés. 3°. Tous ceux qui augmentent spécifiquement l’action de la matrice pour la décharger du sang qui l’embarrasse, comme font les purgatifs dans les intestins, ne doivent jamais être mis en usage dans les femmes enceintes, ou lorsque la suppression des regles doit sa naissance au défaut de sang. Dans les autres occasions il les faut employer intérieurement, dans le tems où les regles avoient coutume de couler, ou bien lorsqu’on observe les signes de la menstruation, après avoir fait précéder les résolutifs, les stomachiques, les utérins. Il est nécessaire de commencer par les plus doux de la classe des emménagogues.

Pendant que l’usage des médicamens internes détermine une plus grande quantité d’humeurs vers la matrice, dans les femmes dont il s’agit de rappeller les regles, il est à-propos d’avoir recours aux fumigations, aux fomentations, aux pessaires, pour irriter doucement les parties ; mais il faut se donner de garde de faire usage de remedes trop âcres, de crainte qu’ils ne produisent une inflammation. Enfin les Médecins mettent le mariage au nombre des meilleurs remedes. (Le chevalier de Jaucourt.)