Mémoires (Saint-Simon)/Tome 20/4

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CHAPITRE IV.


Mort subite de M. le duc d’Orléans. — Diligence de La Vrillière à se capter M. le Duc. — Le roi affligé. — M. le Duc premier ministre. — Lourdise de M. le duc de Chartres. — Je vais au lever du roi et j’y prends un rendez-vous avec M. le Duc. — Je vais parler à la duchesse Sforze, puis chez Mme la duchesse d’Orléans et chez M. le duc de Chartres. — Leur réception. — Conversation entre M. le Duc et moi dans son cabinet tête à tête. — Je m’en retourne à Meudon. — Mme de Saint-Simon à Versailles pour voir le roi, etc., sans y coucher ; y reçoit la visite de l’évêque de Fréjus et de La Vrillière ; entrevoit que le premier ne me désire pas à la cour, et que le dernier m’y craint. — Je me confirme dans la résolution de longtemps prise : nous allons à Paris nous y fixer. — Monseigneur et M. le duc d’Orléans morts au même âge. — Effet de la mort de M. le duc d’Orléans chez les étrangers, dans la cour, dans l’Église, dans le parlement et toute la magistrature, dans les troupes, dans les marchands et le peuple. — Obsèques de M. le duc d’Orléans. — Visites du roi. — Maréchal de Villars entre dans le conseil. — Indépendance [à l’égard] du grand écuyer confirmée au premier écuyer. — Faute du grand écuyer par dépit, dont le grand maître de France profite. — Mécanique des comptes des diverses dépenses domestiques du roi à passer à la chambre des comptes. — Mort de Beringhen, premier écuyer. — Fortune de son frère, qui obtient sa charge. — Nangis chevalier d’honneur de la future reine. — Le maréchal de Tessé premier écuyer de la future reine, avec la survivance pour son fils, et va ambassadeur en Espagne. — Mort de la maréchale d’Humières. — Comte de Toulouse déclare son mariage. — Novion fait premier président avec force grâces. — Sa famille, son caractère, sa démission, sa mort. — Crozat et Montargis vendent à regret leurs charges de l’ordre à Dodun et à Maurepas, dont le râpé est donné à d’Armenonville, garde des sceaux, et à Novion, premier président. Conclusion ; vérité ; désapprobation ; impartialité.


On a vu, il y a peu, qu’il [le duc d’Orléans] redoutoit une mort lente qui s’annonçoit de loin, qui devient une grâce bien précieuse quand celle d’en savoir bien profiter y est ajoutée, et que la mort la plus subite fut celle qu’il préféroit ; hélas ! il l’obtint, et plus rapide encore que ne fut celle de feu Monsieur, dont la machine disputa plus longtemps. J’allai, le 21 décembre, de Meudon à Versailles, au sortir de table, chez M. le duc d’Orléans ; je fus trois quarts d’heure seul avec lui dans son cabinet, où je l’avois trouvé seul. Nous nous y promenâmes toujours parlant d’affaires, dont il alloit rendre compte au roi ce jour-là même. Je ne trouvai nulle différence à son état ordinaire, épaissi et appesanti depuis quelque temps, mais l’esprit net et le raisonnement tel qu’il l’eut toujours. Je revins tout de suite à Meudon ; j’y causai en arrivant avec Mme de Saint-Simon quelque temps. La saison faisoit que nous y avions peu de monde, je la laissai dans son cabinet et je m’en allai dans le mien.

Au bout d’une heure au plus, j’entends des cris et un vacarme subit ; je sors, et je trouve Mme de Saint-Simon tout effrayée qui m’amenoit un palefrenier du marquis de Ruffec, qui de Versailles me mandoit que M. le duc d’Orléans étoit en apoplexie. J’en fus vivement touché, mais nullement surpris ; je m’y attendois, comme on a vu, depuis longtemps. Je petille après ma voiture qui me fit attendre par l’éloignement du château neuf aux écuries, je me jette dedans et m’en vais tant que je puis. À la porte du parc, autre courrier du marquis de Ruffec qui m’arrête, et qui m’apprend que c’en est fait. Je demeurai là plus d’une demi-heure absorbé en douleur et en réflexions. À la fin je pris mon parti d’aller à Versailles, où j’allai tout droit m’enfermer dans mon appartement. Nangis, qui vouloit être premier écuyer, aventure dont je parlerai après, m’avoit succédé chez M. le duc d’Orléans, et expédié en bref, le fut par Mme Falari, aventurière fort jolie, qui avoit épousé un autre aventurier, frère de la duchesse de Béthune. C’étoit une des maîtresses de ce malheureux prince. Son sac étoit fait pour aller travailler chez le roi, et il causa près d’une heure avec elle en attendant celle du roi. Comme elle étoit tout proche, assis près d’elle chacun dans un fauteuil, il se laissa tomber de côté sur elle, et oncques depuis n’eut pas le moindre rayon de connoissance, pas la plus légère apparence.

La Falari, effrayée au point qu’on peut imaginer, cria au secours de toute sa force, et redoubla ses cris. Voyant que personne ne répondoit, elle appuya comme elle put ce pauvre prince sur les deux bras contigus des deux fauteuils, courut dans le grand cabinet, dans la chambre, dans les antichambres sans trouver qui que ce soit, enfin dans la cour et dans la galerie basse. C’étoit sur l’heure du travail avec le roi, que les gens de M. le duc d’Orléans étoient sûrs que personne ne venoit chez lui, et qu’il n’avoit que faire d’eux parce qu’il montoit seul chez le roi par le petit escalier de son caveau, c’est-à-dire de sa garde-robe, qui donnoit dans la dernière antichambre du roi, où celui qui portoit son sac l’attendoit, et s’étoit à l’ordinaire rendu par le grand escalier et par la salle des gardes. Enfin la Falari amena du monde, mais point de secours qu’elle envoya chercher par qui elle trouva sous sa main. Le hasard, ou pour mieux dire, la Providence avoit arrangé ce funeste événement à une heure où chacun étoit d’ordinaire allé à ses affaires ou en visite, de sorte qu’il s’écoula une bonne demi-heure avant qu’il vint ni médecin ni chirurgien, et peu moins pour avoir des domestiques de M. le duc d’Orléans.

Sitôt que les gens du métier l’eurent envisagé, ils le jugèrent sans espérance. On l’étendit à la hâte sur le parquet, on l’y saigna ; il ne donna pas le moindre signe de vie pour tout ce qu’on, put lui faire. En un instant que les premiers furent avertis, chacun de toute espèce accourut ; le grand et le petit cabinet étoient pleins de monde. En moins de deux heures tout fut fini, et peu à peu la solitude y fut aussi grande qu’avoit été la foule. Dès que le secours fut arrivé, la Falari se sauva et gagna Paris au plus vite.

La Vrillière fut des premiers averti de l’apoplexie. Il courut aussitôt l’apprendre au roi et à l’évêque de Fréjus, puis à M. le Duc, en courtisan qui sait profiter de tous les instants critiques ; et dans la pensée que ce prince pourroit bien être premier ministre, comme il l’y avoit exhorté en l’avertissant, il se hâte de retourner chez lui et d’en dresser à tout hasard la patente sur celle de M. le duc d’Orléans. Averti de sa mort au moment même qu’elle arriva, il envoya le dire à M. le Duc, et s’en alla chez le roi où le danger imminemment certain avoit amassé les gens de la cour les plus considérables.

Fréjus, dès la première nouvelle de l’apoplexie, avoit fait l’affaire de M. le Duc avec le roi qu’il y avoit, sans doute, préparé d’avance sur l’état où on voyoit M. le duc d’Orléans, surtout depuis ce que je lui en avois dit, de sorte que M. le Duc arrivant chez le roi, au moment qu’il sut la mort, on fit entrer ce qu’il y avoit de plus distingué en petit nombre amassé à la porte du cabinet, où on remarqua le roi fort triste et les yeux rouges et mouillés. À peine fut-on entré et la porte fermée que Fréjus dit tout haut au roi que dans la grande perte qu’il faisoit de M. le duc d’Orléans, dont l’éloge ne fut que de deux mots, Sa Majesté ne pouvoit mieux faire que prier M. le Duc là présent de vouloir bien se charger du poids de toutes les affaires, et d’accepter la place de premier ministre comme l’avoit M. le duc d’Orléans. Le roi, sans dire un mot, regarda Fréjus, et consentit d’un signe de tête, et tout aussitôt M. le Duc fit son remerciement. La Vrillière, transporté d’aise de sa prompte politique, avoit en poche le serment de premier ministre copié sur celui de M. le duc d’Orléans, et proposa tout haut à Fréjus de le faire prêter sur-le-champ. Fréjus le dit au roi comme chose convenable, et à l’instant M. le Duc le prêta. Peu après M. le Duc sortit ; tout ce qui étoit dans le cabinet le suivit ; la foule des pièces voisines augmenta sa suite, et dans un moment il ne fut plus parlé que de M. le Duc.

M. le duc de Chartres étoit à Paris, débauché alors fort gauche, chez une fille de l’Opéra qu’il entretenoit. Il y reçut le courrier qui lui apprit l’apoplexie, et en chemin un autre qui lui apprit la mort. Il ne trouva à la descente de son carrosse nulle foule, mais les seuls ducs de Noailles et de Guiche, qui lui offrirent très apertement leurs services et tout ce qui pouvoit dépendre d’eux. Il les reçut comme des importuns dont il avoit hâte de se défaire, se pressa de monter chez Mme sa mère où il dit qu’il avoit rencontré deux hommes qui lui avoient voulu tendre un bon panneau, mais qu’il n’avoit pas donné dedans, et qu’il avoit bien su s’en défaire. Ce grand trait d’esprit, de jugement et de politique promit d’abord tout ce que ce prince a tenu depuis. On eut grand’peine à lui faire comprendre qu’il avoit fait une lourde sottise, il ne continua pas moins d’y retomber.

Pour moi, après avoir passé une cruelle nuit, j’allai au lever du roi, non pour m’y montrer, mais pour y dire un mot à M. le Duc plus sûrement et plus commodément, avec lequel j’étois en liaison continuelle depuis le lit de justice des Tuileries, quoique fort mécontent du consentement qu’il s’étoit laissé arracher pour le rétablissement des bâtards. Il se mettoit toujours au lever dans l’embrasure de la fenêtre du milieu, vis-à-vis de laquelle le roi s’habilloit ; et, comme il étoit fort grand, on l’apercevoit aisément de derrière l’épaisse haie qui environnoit le lever. Elle étoit ce jour-là prodigieuse. Je fis signe à M. le Duc de me venir parler, et à l’instant il perça la foule et vint à moi : je le menai dans l’autre embrasure de la fenêtre la plus proche du cabinet, et là je lui dis que je ne lui dissimulois point que j’étois mortellement affligé ; qu’en même temps j’espérois sans peine qu’il étoit bien persuadé que si le choix d’un premier ministre avoit pu m’être déféré, je n’en eusse pas fait un autre que celui qui avoit été fait, sur quoi il me fit mille amitiés.

Je lui dis ensuite qu’il y avoit dans le sac que M. le duc d’Orléans devoit porter à son travail avec le roi, lors du malheur de cette cruelle apoplexie, chose sur quoi il étoit nécessaire que je l’entretinsse présentement qu’il lui succédoit ; que je n’étois pas en état de supporter le monde ; que je le suppliois de m’envoyer avertir d’aller chez lui sitôt qu’il auroit un moment de libre, et de me faire entrer par la petite porte de son cabinet qui donnoit dans la galerie, pour m’éviter tout ce monde qui rempliroit son appartement. Il me le promit, et dans la journée, le plus gracieusement, et ajouta des excuses sur l’embarras du premier jour de son nouvel état, s’il ne me donnoit pas une heure certaine, et celle que je voudrois. Je connoissois ce cabinet et cette porte, parce que cet appartement avoit été celui de Mme la duchesse de Berry, à son mariage, dans la galerie haute de l’aile neuve, et que le mien étoit tout proche, de plain-pied, vis-à-vis de l’escalier.

J’allai de là chez la duchesse Sforze, qui étoit demeurée toujours fort de mes amies, et fort en commerce avec moi, quoique je ne visse plus Mme la duchesse d’Orléans depuis longtemps, comme il a été marqué ici en son lieu. Je lui dis que, dans le malheur qui venoit d’arriver, je me croyois obligé, par respect et attachement pour feu M. le duc d’Orléans, d’aller mêler ma douleur avec tout ce qui tenoit particulièrement à lui, officiers les plus principaux, même ses bâtards, quoique je ne connusse aucun d’eux ; qu’il me paroîtroit fort indécent d’en excepter Mme la duchesse d’Orléans ; qu’elle savoit la situation où j’étois avec cette princesse, que je n’avois nulle volonté d’en changer ; mais qu’en cette occasion si triste je croyois devoir rendre à la veuve de M. le duc d’Orléans le respect d’aller chez elle : qu’au demeurant, il m’étoit entièrement indifférent de la voir ou non, content d’avoir fait à cet égard ce que je croyois devoir faire ; qu’ainsi, je la suppliois d’aller savoir d’elle si elle vouloit me recevoir ou non, et, au premier cas, d’une façon convenable, également content du oui ou du non, parce que je le serois également de moi-même en l’un et l’autre cas. Elle m’assura que Mme la duchesse d’Orléans seroit fort satisfaite de me voir et de me bien recevoir, et qu’elle alloit sur-le-champ s’acquitter de ma commission. Comme Mme Sforze logeoit fort près de Mme la duchesse d’Orléans, j’attendis chez elle son retour. Elle, me dit que Mme la duchesse d’Orléans seroit fort aise de me voir, et me recevroit de façon que j’en serois content. J’y allai donc sur-le-champ.

Je la trouvai au lit avec peu de ses dames et de ses premiers officiers, et M. le duc de Chartres, avec toute la décence qui pouvoit suppléer à la douleur. Sitôt que j’approchai d’elle, elle me parla du malheur commun ; pas un mot de ce qui étoit entre elle et moi ; je l’avois stipulé ainsi. M. le duc de Chartres s’en alla chez lui ; la conversation traînante dura tout le moins que je pus. Je m’en allai chez M. [le duc] de Chartres, logé dans l’appartement qu’occupoit monsieur son père, avant qu’il fait régent. On me dit qu’il étoit enfermé. J’y retournai trois autres fois dans la même matinée. À la dernière, son premier valet de chambre en fut honteux, et l’alla avertir malgré moi. Il vint sur le pas de la porte de son cabinet, où il étoit avec je ne sais plus qui de fort commun : c’étoit la sorte de gens qu’il lui falloit. Je vis un homme tout empêtré, tout hérissé, point affligé, mais embarrassé à ne savoir où il en était. Je lui fis le compliment le plus fort, le plus net, le plus clair, le plus énergique, et à haute voix. Il me prit apparemment pour quelque tiercelet des ducs de Guiche et de Noailles, et ne me fit pas l’honneur de me répondre un mot. J’attendis quelques moments, et voyant qu’il ne sortoit rien de ce simulacre, je fis la révérence et me retirai sans qu’il fit un seul pas pour me conduire, comme il le devoit faire tout du long de son appartement, et se rembucha dans son cabinet. Il est vrai qu’en me retirant, je jetai les yeux sur la compagnie, à droite et à gauche, qui me parut fort surprise. Je m’en allai chez moi, fort ennuyé de courir le château.

Comme je sortois de table, un valet de chambre de M. le Duc me vint dire qu’il m’attendoit, et me conduisit par la petite porte droit dans son cabinet. Il me reçut à la porte, la ferma, me tira un fauteuil et en prit un autre. Je l’instruisis de l’affaire dont je lui avois parlé le matin, et après l’avoir discutée, nous nous mimes sur celle du jour. Il me dit qu’au sortir du lever du roi, il avoit été chez M. le duc de Chartres, auquel, après les compliments de condoléance, il avoit offert tout ce qui pourroit dépendre de lui pour mériter son amitié, et lui témoigner son véritable attachement pour la mémoire de M. le duc d’Orléans : qu’à cela, M. [le duc] de Chartres étant demeuré muet, il avoit redoublé de protestations et de désirs de lui complaire en toutes choses ; qu’à la fin il étoit venu un monosyllabe sec de remerciement, et un air d’éconduite qui avoit fait prendre à M. le Duc le parti de s’en aller. Je lui rendis ce qui m’étoit arrivé ce même matin avec le même prince, duquel nous nous fîmes nos complaintes l’un à l’autre. M. le Duc me fit beaucoup d’amitiés et de politesses, et me demanda, en m’en conviant, si je ne viendrois pas le voir un peu souvent. Je lui répondis qu’accablé d’affaires et de monde comme il alloit être, je me ferois un scrupule de l’importuner, et ceux qui auroient affaire à lui ; que je me contenterois de m’y présenter quand j’aurois quelque chose à lui dire, et que, comme je n’étois pas accoutumé aux antichambres, je le suppliois d’ordonner à ses gens de l’avertir quand je paroîtrois chez lui, et lui de me faire entrer dans son cabinet au premier moment qu’il le pourroit, où je tâcherois de n’être ni long ni importun. Force amitiés, compliments, convis [1], etc. ; tout cela dura près de trois quarts d’heure ; et je m’enfuis à Meudon.

Mme de Saint-Simon alla le lendemain à Versailles faire sa cour au roi sur cet événement, et voir Mme la duchesse d’Orléans et Monsieur son fils. M. de Fréjus alla chez Mme de Saint-Simon dès qu’il la sut à Versailles, où elle ne coucha point. À travers toutes les belles choses qu’il lui dit de moi et sur moi, elle crut comprendre qu’il me sauroit plus volontiers à Paris qu’à Versailles. La Vrillière qui la vint voir aussi, et qui avoit plus de peur de moi encore que le Fréjus, se cacha moins par moins d’esprit et de tour, et scandalisa davantage Mme de Saint-Simon par son ingratitude après tout ce que j’avois fait pour lui. Ce petit compagnon comptoit avoir tonnelé M. le Duc par sa diligence à l’avertir et à le servir, et brusquer son duché tout de suite. Lorsqu’il m’en avoit parlé du temps de M. le duc d’Orléans, la généralité de mes réponses ne l’avoit pas mis à son aise à mon égard. Il vouloit jeter de la poudre aux yeux et tromper M. le Duc par de faux exemples, dont il craignoit l’éclaircissement de ma part. Il ne m’en falloit pas tant pour me confirmer dans le parti que de longue main j’avois résolu de prendre sur l’inspection de l’état menaçant de M. le duc d’Orléans. Je m’en allai à Paris, bien résolu de ne paroître devant les nouveaux maîtres du royaume que dans les rares nécessités ou de bienséances indispensables, et pour des moments, avec la dignité d’un homme de ma sorte, et de celle de tout ce que j’avois personnellement été. Heureusement pour moi je n’avois, dans aucun temps, perdu de vue le changement total de ma situation, et pour dire la vérité, la perte de Mgr le duc de Bourgogne, et tout ce que je voyois dans le gouvernement m’avoit émoussé sur toute autre de même nature. Je m’étois vu enlever ce cher prince au même âge que mon père avoit perdu Louis XIII, c’est-à-dire, mon père à trente-six ans, son roi de quarante et un ; moi, à trente-sept, un prince qui n’avoit pas encore trente ans, prêt à monter sur le trône, et à ramener dans le monde la justice, l’ordre, la vérité ; et depuis, un maître du royaume constitué à vivre un siècle, tel que nous étions lui et moi l’un à l’autre, et qui n’avoit pas six mois plus que moi. Tout m’avoit préparé à me survivre à moi-même, et j’avois tâché d’en profiter.

Monseigneur étoit mort à quarante-neuf ans et demi, et M. le duc d’Orléans vécut deux mois moins. Je compare cette durée de vie si égale, à cause de la situation où on a vu ces deux princes à l’égard l’un de l’autre, jusqu’à la mort de Monseigneur. Tel est ce monde et son néant.

La mort de M. le duc d’Orléans fit un grand bruit au dedans et au dehors ; mais les pays étrangers lui rendirent incomparablement plus de justice et le regrettèrent beaucoup plus que les François. Quoique les étrangers connussent sa faiblesse, et que les Anglois en eussent étrangement abusé, ils n’en étoient pas moins persuadés, par leur expérience, de l’étendue et de la justesse de son esprit, de la grandeur de son génie et de ses vues, de sa singulière pénétration, de la sagesse et de l’adresse de sa politique, de la fertilité de ses expédients et de ses ressources, de la dextérité de sa conduite dans tous les changements de circonstances et d’événements, de sa netteté à considérer les objets et à combiner toutes choses, de sa supériorité sur ses ministres et sur ceux que les diverses puissances lui envoyoient, du discernement exquis à démêler, à tourner les affaires, de sa savante aisance à répondre sur-le-champ à tout, quand il le vouloit. Tant de grandes et rares parties pour le gouvernement le leur faisoient redouter et ménager, et le gracieux qu’il mettoit à tout, et qui savoit charmer jusqu’aux refus, le leur rendoit encore aimable. Ils estimoient de plus sa grande et naïve valeur. La courte lacune de l’enchantement par lequel ce malheureux Dubois avoit comme anéanti ce prince, n’avoit fait que le relever à leurs yeux par la comparaison de sa conduite, quand elle étoit sienne, d’avec sa conduite quand elle n’en portoit que le nom et qu’elle n’étoit que celle de son ministre. Ils avoient vu, ce ministre mort, le prince reprendre le timon des affaires avec les mêmes talents qu’ils avoient admirés en lui auparavant ; et cette faiblesse, qui étoit son grand défaut, se laissoit beaucoup moins sentir au dehors qu’au dedans.

Le roi, touché de son inaltérable respect, de ses attentions à lui plaire, de sa manière de lui parler, et de celle de son travail avec lui, le pleura et fut véritablement touché de sa perte, en sorte qu’il n’en a jamais parlé depuis, et cela est revenu souvent, qu’avec estime, affection et regret, tant la vérité perce d’elle-même malgré tout l’art et toute l’assiduité des mensonges et de la plus atroce calomnie, dont j’aurai occasion de parler dans les additions que je me propose de faire à ces Mémoires, si Dieu m’en permet le loisir. M. le Duc, qui montoit si haut par cette perte, eut sur elle une contenance honnête et bienséante. Mme la Duchesse se contint fort convenablement ; les bâtards, qui ne gagnoient pas au change, ne purent se réjouir. Fréjus se tint à quatre. On le voyoit suer sous cette gêne, sa joie, ses espérances muettes lui échapper à tous propos, toute sa contenance étinceler malgré lui.

La cour fut peu partagée, parce que le sens y est corrompu par les passions. Il s’y trouva des gens à yeux sains, qui le voyoient comme faisoient les étrangers, et qui continuellement témoins de l’agrément de son esprit, de la facilité de son accès, de cette patience et de cette douceur à écouter qui ne s’altéroit jamais, de cette bonté dont il savoit se parer d’une façon si naturelle, quoique quelquefois ce n’en fût que le masque, de ses traits plaisants à écarter et à éconduire sans jamais blesser, sentirent tout le poids de sa perte. D’autres, en plus grand nombre, en furent fâchés aussi, mais bien moins par regret que par la connoissance du caractère du successeur et de celui encore de ses entours. Mais le gros de la cour ne le regretta point du tout : les uns de cabales opposées, les autres indignés de l’indécence de sa vie et du jeu qu’il s’étoit fait de promettre sans tenir, force mécontents, quoique presque tous bien mal à propos, une foule d’ingrats dont le monde est plein, et qui dans les cours font de bien loin le plus grand nombre, ceux qui se croyoient en passe d’espérer plus du successeur pour leur fortune et leurs vues, enfin un monde d’amateurs stupides de nouveautés.

Dans l’Église, les béats et même les dévots se réjouirent de la délivrance du scandale de sa vie, et de la force que son exemple donnoit aux libertins, et les jansénistes et les constitutionnaires, d’ambition ou de sottise, s’accordèrent à s’en trouver tous consolés. Les premiers, séduits par des commencements pleins d’espérance, en avoient depuis éprouvé pis que du feu roi ; les autres, pleins de rage qu’il ne leur eût pas tout permis, parce qu’ils vouloient tout exterminer, et anéantir une bonne fois et solidement les maximes et les libertés de l’Église gallicane, surtout les appels comme d’abus [2], établir la domination des évêques sans bornes, et revenir à leur ancien état de rendre la puissance épiscopale redoutable à tous, jusques aux rois, exultoient de se voir délivrés d’un génie supérieur, qui se contentoit de leur sacrifier les personnes, mais qui les arrêtoit trop ferme sur le grand but qu’ils se proposoient, vers lequel tous leurs artifices n’avoient cessé de tendre, et ils espéroient tout d’un successeur qui ne les apercevroit pas, qu’ils étourdiroient aisément, et avec qui ils seroient plus librement hardis.

Le parlement, et comme lui tous les autres parlements, et toute la magistrature, qui, par être toujours assemblée, est si aisément animée du même esprit, n’avoit pu pardonner à M. le duc d’Orléans les coups d’autorité auxquels le parlement lui-même l’avoit enfin forcé plus d’une fois d’avoir recours, par les démarches les plus hardies, que ses longs délais et sa trop lente patience avoit laissé porter à le dépouiller de toute autorité pour s’en revêtir lui-même. Quoique d’adresse, puis de hardiesse, le parlement se fût soustroit à la plupart de l’effet de ces coups d’autorité, il n’étoit plus en état de suivre sa pointe, et par ce qui restoit nécessairement des bornes que le régent y avoit mises, ce but si cher du parlement lui étoit échappé. Sa joie obscure et ténébreuse ne se contraignit pas d’être délivré d’un gouvernement duquel, après avoir arraché tant de choses, il ne se consoloit point de n’avoir pas tout emporté, de n’avoir pu changer son état de simple cour de justice en celui de parlement d’Angleterre, mais en tenant la chambre haute sous le joug.

Le militaire, étouffé sans choix par des commissions de tous grades et par la prodigalité des croix de Saint-Louis, jetées à toutes mains, et trop souvent achetées des bureaux et des femmes, ainsi que les avancements en grades, étoit outré de l’économie extrême qui le réduisoit à la dernière misère, et de l’exacte sévérité d’une pédanterie qui le tenoit en un véritable esclavage. L’augmentation de la solde n’avoit pas fait la moindre impression sur le soldat ni sur le cavalier, par l’extrême cherté des choses les plus communes et les plus indispensables à la vie, de manière que cette partie de l’État, si importante, si répandue, si nombreuse, plus que jamais tourmentée et réduite sous la servitude des bureaux et de tant d’autres gens ou méprisables ou peu estimables, ne put que se trouver soulagée par l’espérance du changement qui pourroit alléger son joug et donner plus de lien à l’ordre du service et plus d’égards au mérite et aux services. Le corps de la marine, tombé comme en désuétude et dans l’oubli, ne pouvoit qu’être outré de cet anéantissement et se réjouir de tout changement, quel qu’il pût être ; et tout ce qui s’appeloit gens de commerce, arrêtés tout court partout pour complaire aux Anglois, et gênés en tout par la compagnie des Indes, ne pouvoient être en de meilleures dispositions.

Enfin, le gros de Paris et des provinces, désespéré des cruelles opérations des finances et d’un perpétuel jeu de gobelets pour tirer tout l’argent, qui mettoit d’ailleurs toutes les fortunes en l’air et la confusion dans toutes les familles, outré de plus de la prodigieuse cherté où ces opérations avoient fait monter toutes choses, sans exception de pas une, tant de luxe que de première nécessité pour la vie, gémissoit depuis longtemps après une délivrance et un soulagement qu’il se figuroit aussi vainement que certainement par l’excès du besoin et l’excès du désir. Enfin, il n’est personne qui n’aime à pouvoir compter sur quelque chose, qui ne soit désolé des tours d’adresse et de passe-passe, et de tomber sans cesse, malgré toute prévoyance, dans des torquets [3] et dans d’inévitables panneaux ; de voir fondre son patrimoine ou sa fortune entre ses mains, sans trouver de protection dans son droit ni dans les lois, et de ne savoir plus comment vivre et soutenir sa famille.

Une situation si forcée et si générale, nécessairement émanée de tant de faces contradictoires successivement données aux finances, dans la fausse idée de réparer la ruine et le chaos où elles s’étoient trouvées à la mort de Louis XIV, ne pouvoit faire regretter au public celui qu’il en regardoit comme l’auteur, comme ces enfants qui se prennent en pleurant au morceau de bois qu’un imprudent leur a fait tomber en passant sur le pied, qui jettent, de colère, ce bois de toute leur force, comme la cause du mal qu’ils sentent, et qui ne font pas la moindre attention à ce passant qui en est la seule et véritable cause. C’est ce que j’avois bien prévu qui arriveroit sur l’arrangement, ou plutôt le dérangement de plus en plus des finances, et que je voulois ôter de dessus le compte de M. le duc d’Orléans par les états généraux que je lui avois proposés, qu’il avoit agréés, et dont le duc de Noailles rompit l’exécution à la mort du roi, pour son intérêt personnel, comme on l’a vu en son lieu dans ces Mémoires, à la mort du roi. La suite des années a peu à peu fait tomber les écailles de tant d’yeux, et a fait regretter M. le duc d’Orléans à tous avec les plus cuisants regrets, et [ils] lui ont à la fin rendu la justice qui lui avoit toujours été due.

Le lendemain de la mort de M. le duc d’Orléans, son corps fut porté de Versailles à Saint-Cloud, et le lendemain qu’il y fut les cérémonies y commencèrent. M. le comte de Charolois avec le duc de Gesvres et le marquis de Beauvau, qui devoient porter la queue de son manteau, allèrent, dans un carrosse du roi, entouré de ses gardes, à Saint-Cloud. M. le comte de Charolois donna l’eau bénite, représentant le roi, et fut reçu à la descente du carrosse et reconduit de même par M. le duc de Chartres, qui s’étoit fait accompagner par les deux fils du duc du Maine. Le cour fut porté de Saint-Cloud au Val-de-Grâce par l’archevêque de Rouen, premier aumônier du prince défunt, à la gauche duquel étoit M. le comte de Clermont, prince du sang, et le duc de Montmorency, fils du duc de Luxembourg, sur le devant, avec tous les accompagnements ordinaires. M. le prince de Conti accompagna le convoi avec le duc de Retz, fils du duc de Villeroy, qui se fit de Saint-Cloud à Saint-Denis, passant dans Paris avec la plus grande pompe. Le chevalier de Biron, à qui son père avoit donné sa charge de premier écuyer de M. le duc d’Orléans, lorsqu’il fut fait duc et pair, y étoit à cheval, ainsi que le comte d’Étampes, capitaine des gardes ; tous les autres officiers principaux de la maison dans des carrosses. Les obsèques furent différées jusqu’au 12 février. M. le duc de Chartres, devenu duc d’Orléans, M. le comte de Clermont et M. le prince de Conti firent le grand deuil ; l’archevêque de Rouen officia en présence des cours supérieures, et Poncet, évêque d’Angers, fit l’oraison funèbre qui ne répondit pas à la grandeur du sujet. Le roi visita à Versailles Mme la duchesse d’Orléans, Mme la Duchesse, et fit le même honneur à M. le duc de Chartres.

C’est le seul prince du sang qu’il ait visité. Il alla voir aussi Mme la princesse de Conti, Mlle de Chartres et Mme du Maine.

Deux jours après la mort de M. le duc d’Orléans, le maréchal de Villars entra dans le conseil d’État, et eut le gouvernement des forts et citadelle de Marseille qu’avoit le feu premier écuyer.

Il me fait souvenir que j’ai dit plus haut que j’aurois à dire encore quelque chose sur cette charge. Nonobstant l’arrêt du conseil de régence, dont il a été parlé ici en son temps, qui l’avoit contradictoirement et nettement confirmé dans toutes les fonctions de sa charge, et dans l’indépendance entière de celle de grand écuyer, ce dernier n’avoit cessé de le tracasser tant qu’il avoit pu. Son fils, à sa mort, ayant succédé à sa charge, voulut se délivrer de cette continuelle importunité : le père étoit des amis de l’évêque de Fréjus qui se piqua de le servir dans une affaire si juste. Beringhen présenta un mémoire au roi, et un autre à M. le duc d’Orléans. Il fut communiqué au grand écuyer qui y répondit et qui fut de nouveau tondu en plein par un arrêt du conseil d’en haut [4], en présence du roi et de M. le duc d’Orléans. Le prince Charles de Lorraine, grand écuyer, en fut si piqué que Beringhen lui ayant envoyé, comme de coutume, les comptes de la petite écurie à signer sur son arrêté, il dit qu’il ne savoit point signer ce qu’il ne voyoit point. On fit ce qu’on put pour lui faire entendre raison l’opiniâtreté fut invincible ; enfin il falloit bien que ces comptes fussent signés, j’expliquerai cela tout à l’heure. Au bout de cinq ou six mois de délai, M. le Duc lui déclara que s’il persistoit dans son refus, lui les signeroit comme grand maître de la maison du roi, et en effet les signa. Ainsi, le grand écuyer perdit, par humeur, une des plus belles prérogatives de sa charge, ou se mit du moins en grand hasard de ne la recouvrer jamais. Voici donc en quoi consistoit la prétendue délicatesse du grand écuyer, inconnue jusqu’alors à tout autre et à lui-même, et la mécanique de ces signatures. Le grand maître de la maison du roi, celui de l’artillerie, le grand écuyer et les premiers gentilshommes de la chambre, chacun dans son année, sont ordonnateurs des dépenses qui se font sous leurs charges, c’est-à-dire que sur leur signature qu’ils mettent aux arrêtés des comptes de ces dépenses, ils passent sans autre examen à la chambre des comptes, et les dépenses y sont allouées. Le grand maître de la garde-robe, le premier écuyer et le premier maître d’hôtel, pour la bouche du roi seulement, qui, du temps des Guise, fut rendue indépendante du grand maître de la maison du roi, dont ils possédoient la charge, ces trois officiers règlent et arrêtent les comptes des dépenses qui se font sous leur charge, et les signent ; mais comme la chambre des comptes ne reconnoît point leur signature, parce qu’ils ne sont pas ordonnateurs, il est d’usage que le grand maître de la garde-robe envoie les comptes de la garde-robe au premier gentilhomme de la chambre en année, qui est obligé de les signer sans examen aucun, et sans les voir, à la seule inspection de la signature du grand maître de la garde-robe, et il en est de même des comptes de la bouche entre le premier maître d’hôtel du roi et le grand maître de sa maison, et entre le grand et le premier écuyer pour les comptes de la petite écurie.

Beringhen, premier écuyer, qui venoit d’achever de faire confirmer l’indépendance de sa charge, ne survécut pas de sept mois son père à qui il y avoit succédé. Il mourut le 1er décembre à quarante-trois ans, homme obscur au dernier point, timide, solitaire, embarrassé du monde, avec de l’esprit et de la lecture. Il ne laissa qu’une fille de la fille du feu marquis de Lavardin, ambassadeur à Rome autrefois. Il n’avoit qu’un frère fort mal alors avec M. le duc d’Orléans, qui l’avoit même éloigné assez longtemps de Paris, à qui il avoit été assez fou pour disputer avantageusement une maîtresse, de sorte qu’il étoit entièrement hors d’espérance de la charge de son frère ; la mort si prompte de ce prince la lui rendit. L’évêque de Fréjus lui fit donner la charge, et M. le Duc, qui, par je ne sais quelle intrigue, y auroit voulu Nangis, lui donna prématurément la charge de chevalier d’honneur de la future reine, et au maréchal de Tessé, qui s’ennuyoit beaucoup dans sa prétendue retraite, la charge de premier écuyer de la future reine, qu’il avoit eue de la dernière Dauphine, lors de son mariage qu’il avoit traité, et en même temps la survivance pour son fils, en envoyant le père en ambassade en Espagne.

La maréchale d’Humières, fille de M. de La Châtre qui a laissé des mémoires [5], mourut le même jour que M. le duc d’Orléans. Elle avoit été dame du palais de la reine, et, à près de quatre-vingt-huit ans qu’elle avoit, ayant pendant cette longue vie joui toujours d’une santé parfaite de corps et d’esprit, on voyoit encore qu’elle avoit été fort belle. Elle mourut uniquement de vieillesse, s’étant couchée la veille en parfaite santé, allant et venant et sortant à son ordinaire. Elle se retira, peu après la mort du maréchal d’Humières, dans le dehors du couvent des Carmélites de la rue Saint-Jacques. C’est la première duchesse qui, par une dévotion mal entendue dans sa retraite, quitta la housse [6], et, comme les sottises sont plus volontiers imitées en France qu’ailleurs, celle-là l’a été depuis par plusieurs autres, qui, a son exemple, ont en même temps conservé leurs armes à leurs carrosses avec les marques de leur dignité.

Le lendemain de la mort de M. le duc d’Orléans, le comte de Toulouse déclara son mariage avec la sœur du duc de Noailles, veuve avec deux fils du marquis de Gondrin, fils aîné du duc d’Antin. Elle avoit été dame du palais de la dernière Dauphine. Le monde, qui abonde en sots et en jaloux, ne lui vit pas prendre le rang de son nouvel état sans envie et sans murmure. Je n’ai pas lieu, comme on a vu ici plus d’une fois, d’aimer le duc de Noailles, et que je ne m’en suis jamais contraint à son égard ; mais la vérité veut que je dise que, de la naissance que sont les Noailles il n’y auroit pas à se récrier quand une Noailles auroit épousé un prince du sang. Au moins ne niera-t-on pas l’extrême différence d’une Noailles à une Séguier que nous avons vue duchesse de Verneuil au mariage de Mgr le duc de Bourgogne, conviée à la noce par le roi, y dîner à sa table au festin de la noce, et en possession de tout ce dont a joui la comtesse de Toulouse. Le bas emploi de capitaine des gardes du cardinal Mazarin, d’où le père du premier maréchal-duc de Noailles passa si étrangement à la charge de premier capitaine des gardes du corps, ce qui le fit duc et pair dans la suite, a trompé bien des gens qui ignorent que ce même Noailles, capitaine des gardes du cardinal Mazarin, étoit fils de la fille du vieux maréchal de Roquelaure, et que la sœur de son père avoit épousé le fils et frère des deux maréchaux de Biron, duquel mariage vient le maréchal duc de Biron d’aujourd’hui ; qu’en remontant jusqu’au delà de 1250, on leur trouve les meilleures alliances de leur province et des voisines, et que la terre et le château de Noailles dont ils tirent leur nom, ils les possèdent de temps immémorial.

Un fou succéda à un scélérat dans la place de premier président du parlement de Paris, par la faveur de M. le Duc, qui aimoit fort les Gesvres, et qui crut se bien mettre avec le parlement en choisissant Novion, le plus ancien des présidents à mortier, mais le plus contradictoire à la remplir. Il n’étoit ni injuste ni malhonnête homme, comme l’autre premier président de Novion, son grand-père, mais il ne savoit rien de son métier que la basse procédure, en laquelle, à la vérité, il excelloit comme le plus habile procureur. Mais par delà cette ténébreuse science, il ne falloit rien attendre de lui. C’étoit un homme obscur, solitaire, sauvage, plein d’humeurs et de caprices jusqu’à l’extravagance ; incompatible avec qui que ce fût, désespéré lorsqu’il lui falloit voir quelqu’un, le fléau de sa famille et de quiconque avoit affaire à lui, enfin insupportable aux autres, et, de son aveu, très souvent à lui-même. Il se montra tel dans une place où il avoit affaire avec la cour, avec sa compagnie, avec le public, contre lequel il se barricadoit, en sorte qu’on n’en pouvoit approcher ; et tandis qu’il s’enfermoit de la sorte, et que les plaideurs en gémissoient, souvent encore de ses brusqueries et de ses sproposito quand ils pouvoient pénétrer jusqu’à lui, il s’en alloit prendre l’air, disoit-il, dans la maison qu’il occupoit avant d’être premier président, et causer avec un charron, son voisin, sur le pas de sa boutique, qui étoit, disoit-il, l’homme du meilleur sens du monde.

Un pauvre plaideur, d’assez bas aloi, se désespérant un jour de [ne le] pouvoir aborder pour lui demander une audience, tournoit de tous côtés dans sa maison du palais, ne sachant à qui adresser ni où donner de la tête. Il entra dans la basse-cour [7] et vit un homme en veste, qui regardoit panser les chevaux, qui lui demanda brusquement ce qu’il venoit faire là et ce qu’il demandoit. Le pauvre plaideur lui répondit bien humblement qu’il avoit un procès qui le désoloit, qu’il avoit grand intérêt de faire juger, mais que, quelque peine qu’il prit, et quelque souvent qu’il se présentât, il ne pouvoit approcher de M. le premier président, qui étoit d’une humeur si farouche et si fantasque, qu’il ne vouloit voir personne, et ne se laissoit point aborder. Cet homme en veste lui demanda s’il avoit un placet pour sa cause, et de le lui donner, et qu’il verroit s’il le pourroit faire arriver jusqu’au premier président. Le pauvre plaideur lui tira son placet de sa poche, et le remercia bien de sa charité, mais en lui marquant son doute qu’il pût venir à bout de lui procurer audience d’un homme aussi étrange et aussi capricieux que ce premier président, et se retira. Quatre jours après il fut averti par son procureur que sa cause seroit appelée à deux jours de là, dont il fut bien agréablement surpris. Il alla donc à l’audience de la grand’chambre avec son avocat, prêt à plaider. Mais quel fut son étonnement quand il reconnut son homme en veste assis en place et en robe de premier président ! Il en pensa tomber à la renverse, et de frayeur de ce qu’il lui avoit [dit] de lui-même, pensant parler à quelque quidam. La fin de l’aventure fut qu’il gagna son procès tout de suite. Tel étoit Novion.

Il avoit épousé une Berthelot, tante de Mme de Prie, qui avoit bien eu autant de part que MM. de Gesvres à le faire premier président. Il sentoit toute sa répugnance à se montrer dans les fonctions de cette charge ; mais, étant le doyen des présidents à mortier, il ne put souffrir qu’un autre que lui y montât. Lorsque M. le Duc déclara, à la Chandeleur 1724, la grande promotion de l’ordre à faire à la Pentecôte suivante, Dodun, contrôleur général, et Maurepas, secrétaire d’État, qui tous deux avoient grande envie de porter l’ordre, renouvelèrent la difficulté qu’on avoit faite à l’occasion de la promotion du lendemain du sacre à Crozat et à Montargis, de leur y laisser exercer leurs charges de grand trésorier et de greffier de l’ordre ; mais M. le duc d’Orléans, qui leur avoit permis de les acheter, passa par-dessus, et leur y fit faire leurs fonctions. M. le Duc fut plus accessible aux désirs de deux hommes dont il s’accommodoit. Crozat et Montargis eurent ordre de vendre, le premier à Dodun, l’autre à Maurepas, et ce ne fut pas sans de grands combats que les deux vendeurs obtinrent la permission ordinaire de continuer à porter l’ordre. En même temps M. le Duc donna le râpé de grand trésorier à d’Armenonville, garde des sceaux, et celui de greffier au premier président de Novion, qui, tout aise qu’il fût de porter l’ordre, se trouva fort mécontent de payer le serment et d’avoir des croix et des rubans bleus à acheter, et le marqua avec beaucoup d’indécence.

Enfin, ne pouvant plus tenir à exercer ses fonctions de premier président, encore moins le public, qui avoit affaire à lui sans cesse, il s’en démit en septembre 1724, après l’avoir seulement gardée un an, et s’en retourna ravi, et le public aussi d’en être délivré, à sa vie chérie de ne plus voir personne, n’ayant plus aucune charge, enfermé seul dans sa maison, et causant à son plaisir avec son voisin le charron, sur le pas de la porte de sa boutique, et mourut en sa terre de Grignon, en septembre 1731, à soixante-onze ans, regretté de personne.

Il avoit perdu son fils unique dès 1720, qui avoit laissé un fils. M. le Duc fit la grâce entière, et donna à cet enfant de quinze ans, la charge de président à mortier de son grand-père, en faisant celui-ci premier président, et la donna à exercer à Lamoignon de Blancménil, lors avocat général, jusqu’à ce que ce petit Novion fût en âge de la faire : abus fort étrange de ces custodi-nos [8] de charges de président à mortier, qui s’est introduit dans le parlement, pour les conserver dans les familles.


Me voici enfin parvenu au terme jusqu’auquel je m’étois proposé de conduire ces Mémoires. Il n’y en peut avoir de bons que de parfaitement vrais, ni de vrais qu’écrits par qui a vu et manié lui-même les choses qu’il écrit, ou qui les tient de gens dignes de la plus grande foi, qui les ont vues et maniées ; et de plus, il faut que celui qui écrit aime la vérité jusqu’à lui sacrifier toutes choses. De ce dernier point, j’ose m’en rendre témoignage à moi-même, et me persuader qu’aucun de tout ce qui m’a connu n’en disconviendroit. C’est même cet amour de la vérité qui a le plus nui à ma fortune ; je l’ai senti souvent, mais j’ai préféré la vérité à tout, et je n’ai pu me ployer à aucun déguisement ; je puis dire encore que je l’ai chérie jusque contre moi-même. On s’apercevra aisément des duperies où je suis tombé, et quelquefois grossières, séduit par l’amitié ou par le bien de l’État, que j’ai sans cesse préféré à toute autre considération, sans réserve, et toujours à tout intérêt personnel, comme encore [en] bien d’autres occasions que j’ai négligé d’écrire, parce qu’elles ne regardoient que moi, sans connexion d’éclaircissements ou de curiosité sur les affaires ou le cours du monde. On peut voir que je persévérai à faire donner les finances au duc de Noailles, parce que je l’en crus, bien mal à propos, le plus capable, et le plus riche et le plus revêtu d’entre les seigneurs à qui on les pût donner, dans les premiers jours même de l’éclat de la profonde scélératesse qu’il venoit de commettre à mon égard. On le voit encore dans tout ce que je fis pour sauver le duc du Maine contre mes deux plus chers et plus vifs intérêts, parce que je croyois dangereux d’attaquer lui et le parlement à la fois, et que le parlement étoit lors l’affaire la plus pressée, qui ne se pouvoit différer. Je me contente de ces deux faits, sans m’arrêter à bien d’autres qui se trouvent répandus dans ces Mémoires, à mesure qu’ils sont arrivés, lorsqu’ils ont trait à la curiosité du cours des affaires ou des choses de la cour et du monde.

Reste à toucher l’impartialité, ce point si essentiel et tenu pour si difficile, je ne crains point de le dire, impossible à qui écrit ce qu’il a vu et manié. On est charmé des gens droits et vrais ; on est irrité contre les fripons dont les cours fourmillent ; on l’est encore plus contre ceux dont on a reçu du mal. Le stoïque est une belle et noble chimère. Je ne me pique donc pas d’impartialité, je le ferois vainement. On trouvera trop, dans ces Mémoires, que la louange et le blâme coulent de source à l’égard de ceux dont je suis affecté, et que l’un et l’autre est plus froid sur ceux qui me sont plus indifférents ; mais néanmoins vif toujours pour la vertu, et contre les malhonnêtes gens, selon leur degré de vices ou de vertu. Toutefois, je me rendrai encore ce témoignage, et je me flatte que le tissu de ces Mémoires ne me le rendra pas moins, que j’ai été infiniment en garde contre mes affections et mes aversions, et encore plus contre celles-ci, pour ne parler des uns et des autres que la balance à la main, non seulement ne rien outrer, mais ne rien grossir, m’oublier, me défier de moi comme d’un ennemi, rendre une exacte justice, et faire surnager à tout la vérité la plus pure. C’est en cette manière que je puis assurer que j’ai été entièrement impartial, et je crois qu’il n’y a point d’autre manière de l’être.

Pour ce qui est de l’exactitude et de la vérité de ce que je raconte, on voit par les Mémoires mêmes que presque tout est puisé de ce qui a passé par mes mains, et le reste, de ce que j’ai su par ceux qui avoient traité les choses que je rapporte. Je les nomme ; et leur nom ainsi que ma liaison intime avec eux est hors de tout soupçon. Ce que j’ai appris de moins sûr, je le marque ; et ce que j’ai ignoré, je n’ai pas honte de l’avouer. De cette façon les Mémoires sont de source, de la première main. Leur vérité, leur authenticité ne peut être révoquée en doute ; et je crois pouvoir dire qu’il n’y en a point eu jusqu’ici qui aient compris plus de différentes matières, plus approfondies, plus détaillées, ni qui forment un groupe plus instructif ni plus curieux.

Comme je n’en verrai rien, peu m’importe. Mais si ces Mémoires voient jamais le jour, je ne doute pas qu’ils n’excitent une prodigieuse révolte. Chacun est attaché aux siens, à ses intérêts, à ses prétentions, à ses chimères, et rien de tout cela ne peut souffrir la moindre contradiction. On n’est ami de la vérité qu’autant qu’elle favorise, et elle favorise peu de toutes ces choses-là. Ceux dont on dit du bien n’en savent nul gré, la vérité l’exigeoit. Ceux, en bien plus grand nombre, dont on ne parle pas de même entrent d’autant plus en furie que ce mal est prouvé par les faits ; et comme au temps où j’ai écrit, surtout vers la fin, tout tournoit à la décadence, à la confusion, au chaos, qui depuis n’a fait que croître, et que ces Mémoires ne respirent qu’ordre, règle, vérité, principes certains, et montrent à découvert tout ce qui y est contraire, qui règnent de plus en plus avec le plus ignorant, mais le plus entier empire, la convulsion doit donc être générale contre ce miroir de vérité. Aussi ne sont-ils pas faits pour ces pestes des États qui les empoisonnent, et qui les font périr par leur démence, par leur intérêt, par toutes les voies qui en accélèrent la perte, mais pour ceux qui veulent être éclairés pour la prévenir, mais qui malheureusement sont soigneusement écartés par les accrédités et les puissants qui ne redoutent rien plus que la lumière, et pour des gens qui ne sont susceptibles d’aucun intérêt que de ceux de la justice, de la vérité, de la raison, de la règle, de la sage politique, uniquement tendus au bien public.

Il me reste une observation à faire sur les conversations que j’ai eues avec bien des gens, surtout avec Mgr le duc de Bourgogne, M. le duc d’Orléans, M. de Beauvilliers, les ministres, le duc du Maine une fois, trois ou quatre avec le feu roi, enfin avec M. le Duc et beaucoup de gens considérables, et sur ce que j’ai opiné, et les avis que j’ai pris, donnés ou disputés. Il y en a de tels, et en nombre, que je comprends qu’un lecteur qui ne m’aura point connu sera tenté de mettre au rang de ces discours factices que des historiens ont souvent prêtés du leur à des généraux d’armées, à des ambassadeurs, à des sénateurs, à des conjurés, pour orner leurs livres. Mais je puis protester, avec la même vérité qui jusqu’à présent a conduit ma plume, qu’il n’y a aucun de tous ces discours, que j’ai tenus et que je rapporte, qui ne soit exposé dans ces Mémoires avec la plus scrupuleuse vérité, ainsi que ceux qui m’ont été tenus ; et que s’il y avoit quelque chose que je pusse me reprocher, [ce] seroit d’avoir plutôt affaibli que fortifié les miens dans le rapport que j’en ai fait ici, parce que la mémoire en peut oublier des traits, et qu’animé par les objets et par les choses, on parle plus vivement et avec plus de force qu’on ne rapporte après ce qu’on a dit. J’ajouterai, avec la même confiance que j’ai témoignée ci-dessus, que personne, de tout ce qui m’a connu et a vécu avec moi, ne concevroit aucun soupçon sur la fidélité du récit que je fais de ces conversations, pour fortes qu’elles puissent être trouvées, et qu’il n’y en auroit aucun qui m’y reconnût trait pour trait.

Un défaut qui m’a toujours déplu, entre autres, dans les Mémoires, c’est qu’en les finissant le lecteur perd de vue les personnages principaux dont il y a été le plus parlé, dont la curiosité du reste de leur vie demeure altérée. On voudroit voir tout de suite ce qu’ils sont devenus, sans aller chercher ailleurs avec une peine que la paresse arrête aux dépens de ce qu’on désireroit savoir. C’est ce que j’ai envie de prévenir ici, si Dieu m’en donne le temps. Ce ne sera pas avec la même exactitude que lorsque j’étois de tout. Quoique le cardinal Fleury ne m’ait rien caché de ce que j’avois envie de savoir des affaires étrangères, dont presque toujours il me parloit le premier, et aussi de quelques affaires de la cour, tout cela étoit si peu suivi de ma part et avec tant d’indifférence, et encore plus de moi avec les ministres ou d’autres gens instruits, interrompu encore de si vastes lacunes, que j’ai tout lieu de craindre que ce supplément ou suite de mes Mémoires ne soit fort languissant, mal éclairé et fort différent de ce que j’ai écrit jusqu’ici ; mais au moins y verra-t-on ce que sont devenus les personnages qui ont paru dans les Mémoires, qui est tout ce que je me propose, jusqu’à la mort du cardinal Fleury[9].

Dirai-je enfin un mot du style, de sa négligence, de répétitions trop prochaines des mêmes mots, quelquefois de synonymes trop multipliés, surtout de l’obscurité qui naît souvent de la longueur des phrases, peut-être de quelques répétitions ? J’ai senti ces défauts ; je n’ai pu les éviter, emporté toujours par la matière, et peu attentif à la manière de la rendre, sinon pour la bien expliquer. Je ne fus jamais un sujet académique, je n’ai pu me défaire d’écrire rapidement. De rendre mon style plus correct et plus agréable en le corrigeant, ce seroit refondre tout l’ouvrage, et ce travail passeroit mes forces, il courroit risque d’être ingrat. Pour bien corriger ce qu’on a écrit il faut savoir bien écrire ; on verra aisément ici que je n’ai pas dû m’en piquer. Je n’ai songé qu’à l’exactitude et à la vérité. J’ose dire que l’une et l’autre se trouvent étroitement dans mes Mémoires, qu’ils en sont la loi et l’âme, et que le style mérite en leur faveur une bénigne indulgence. Il en a d’autant plus besoin, que je ne puis le promettre meilleur pour la suite que je me propose[10].


FIN DES MÉMOIRES DE SAINT-SIMON.

  1. Invitations.
  2. L’appel comme d’abus était, dans l’ancienne monarchie, l’appel devant un tribunal laïque contre un jugement ecclésiastique, qu’on prétendait avoir été mal et abusivement rendu.
  3. Ce mot du style familier est synonyme de ruses, tromperies.
  4. On ne doit pas confondre le conseil d’en haut avec le conseil d’État, ni avec le conseil des parties, qui n’était qu’une section du conseil d’État (voy. t. II, p. 445). On pourrait le comparer plus exactement au conseil des ministres. Il se composait, en effet, du souverain, des princes du sang que le roi y appelait, du chancelier, du surintendant ou du contrôleur général des finances, des secrétaires d’État et de quelques seigneurs désignés par le roi. Les ducs de Beauvilliers et de Chevreuse furent membres du conseil d’en haut, pendant la dernière partie du règne de Louis XIV, quoiqu’ils ne fussent pas secrétaires d’État.
  5. Les mémoires de La Châtre font partie de toutes les collections de mémoires relatifs à l’histoire de France. Ils concernent spécialement la minorité de Louis XIV et surtout la faction des Importants, qui menaça Mazarin en 1643. La Châtre faisait partie de cette cabale.
  6. La housse était une draperie dont certaines personnes, et, entre autres, les ducs et duchesses avaient droit d’orner leurs carrosses.
  7. On entendait alors par basse-cour la partie d’un hôtel, qui était réservée aux remises, écuries, etc.
  8. Le custodi-nos était celui qui gardait un bénéfice ecclésiastique pour le rendre à un autre au bout d’un certain temps.
  9. Ce paragraphe depuis un défaut jusqu’à la mort du cardinal Fleury a été omis dans les anciennes éditions. Saint-Simon a-t-il réellement écrit la suite de ces Mémoires jusqu’en 1743, époque de la mort de Fleury ? On ne pourrait éclaircir ce doute que s’il était permis d’étudier les papiers du duc conservés au ministère des affaires étrangères. Nous l’avons vainement tenté ; nous ne pouvons que recommander cette recherche à d’autres qui seront plus heureux que nous.
  10. Cette dernière phrase a été supprimée par les précédents éditeurs.