Mémoires extraits des recueils de l’Académie de Turin/Sur la méthode des variations

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SUR LA
MÉTHODE DES VARIATIONS


(Miscellanea Taurinensia, t. IV, 1766-1769.)

I.

J’ai donné, dans le second volume des Miscellanea Taurinensia[1] une nouvelle méthode pour la solution des Problèmes où il s’agit de trouver les courbes qui jouissent de quelque propriété du maximum ou du minimum. Cette méthode, qu’on peut très-bien appeler, d’après M. Euler, méthode des variations, avait déjà été communiquée dès 1755 à ce grand Géomètre, qui l’avait jugée digne de son attention et de son suffrage, comme il paraît par les différentes lettres qu’il m’a écrites sur ce sujet, et que je conserve encore. Dans une de ces lettres, datée du 2 octobre 1759, il s’exprime en ces termes :

« Analitica tua solutio Problematis isoperimetrici continet, ut video, quidquid in hac materia desiderari potest, et ego maxime gaudeo, hoc argumentum, quod fere solus, post primos conatus, tractaveram, a te potissimum ad summum perfectionis fastigium esse erectum. Rei dignitas me excitavit, ut tuis luminibus adjutus ipse solutionem analiticam conscripserim, quam autem celare statui, donec ipse tuas meditationes publici juris feceris, ne ullam partem gloriæ tibi debitæ præripiam. » En effet, M. Euler a donné depuis, dans le tome X des Nouveaux Commentaires de Pétersbourg, imprimé en 1766, deux Mémoires assez étendus sur cette matière, dans lesquels, après m’avoir fait honneur de la méthode dont il s’agit, il en explique les principes et les usages avec beaucoup de détail et de précision[2]. Après des témoignages aussi formels de la part d’un Géomètre tel que M. Euler, j’ai dû être surpris du peu de justice que m’ont rendue d’autres Géomètres, qui se sont depuis peu occupés du même sujet, M. Fontaine vient de donner, dans le volume de l’Académie des Sciences de Paris pour l’année 1767, un Mémoire intitulé : Addition à la méthode pour la solution des Problèmes de maximis et minimis. L’Auteur débute par avancer sans aucun fondement que « je me suis égaré dans la route nouvelle que j’ai prise, pour n’en avoir pas connu la vraie théorie. » Ensuite, pour suppléer au défaut prétendu de ma méthode, il en donne deux autres qu’il regarde comme nouvelles et fort supérieures à toutes les méthodes connues pour le meme objet. Je ne crois pouvoir rien faire de mieux pour ma justification que d’inviter les connaisseurs à lire l’Ouvrage même de M. Fontaine et à le comparer avec le mien et avec celui de M. Euler. On verra, si je ne me trompe, que, des deux méthodes de M. Fontaine, l’une n’est autre chose que celle que M. Euler avait donnée dans son excellent Ouvrage intitulé Methodus inveniendi lineas curvas, etc., et qu’il a ensuite abandonnée pour adopter la mienne, et que l’autre est la même, quant au fond, que ma méthode, dont elle diffère seulement par la manière vague et imparfaite dont elle est présentée.

Les autres Géomètres dont j’aurais aussi en quelque façon su jet de me plaindre, quoique par une raison bien différente de la précédente, sont les Pères minimes Le Seur et Jacquier, qui viennent de publier à Parme un très-bon Traité de Calcul intégral.

Ces savants, ayant eu pour objet de rassembler les principales méthodes relatives au Calcul intégral, n’ont pas oublié la nouvelle méthode des variations, à laquelle ils ont même destiné un Chapitre entier du second volume de leur Ouvrage. Il aurait été naturel et même équitable qu’ils eussent fait quelque mention de mon Mémoire de 1762, surtout après en avoir transcrit, comme ils ont fait, plusieurs pages entières[3] cependant je serais bien éloigné de leur reprocher cette omission, s’ils s’étaient contentés d’exposer la méthode dont il s’agit, sans citer personne, comme ils en ont usé dans d’autres endroits du même volume[4] ; mais comme, par la citation des Mémoires de M. Euler dont nous avons parlé plus haut, ils paraissent vouloir lui attribuer cette méthode, je crois pouvoir faire remarquer que j’en suis le premier auteur, et que je n’en partage la possession avec personne.

Je dois encore observer que MM. Le Seur et Jacquier ne s’expriment pas exactement quand ils disent (page 531 du tome II) que M. Euler a démontré que dans les trajectoires décrites par un nombre de corps quelconque, l’intégrale de la vitesse multipliée par l’élément de la courbe est toujours un maximum ou un minimum. M. Euler n’a donné sur ce sujet que ce que l’on trouve dans un Appendice ajouté à son excellent Traité sur les isopérimètres, où il fait voir que la trajectoire qu’un corps doit décrire par des forces centrales quelconques est la même que la courbe qu’on trouverait en supposant que l’intégrale de la vitesse multipliée par l’élément de la courbe fût un maximum ou un minimum.

L’application de ce beau théorème à un système quelconque de corps, et surtout la manière de s’en servir pour résoudre avec la plus grande simplicité et généralité tous les problèmes de Dynamique, m’est entièrement due, et ce qui doit le prouver invinciblement, c’est que cette théorie dépend des mêmes principes que celle des variations ; et que l’une et l’autre ont paru dans le même volume des Miscellanea Taurinensia pour les années 1760 et 1761. Je pourrais ajouter que j’avais aussi communiqué cette découverte à M. Euler dès 1756, et comme ce grand Géomètre a bien voulu l’honorer alors de son approbation, je ne doute pas qu’il ne fût très-porté, si l’occasion s’en présentait, à me rendre sur ce sujet la même justice qu’il a bien voulu me rendre à l’égard de la méthode de maximis et minimis.

II.

Quoique la méthode donnée dans le tome II des Miscellanea Taurinensia suffise pour trouver la variation de toute fonction composée d’un nombre quelconque de variables, et contenant autant de signes d’intégration qu’on voudra, voici comment elle peut encore être généralisée et simplifiée à quelques égards.

Soit la fonction dont on propose de trouver la variation et supposons que cette fonction soit donnée par une équation différentielle d’un degré quelconque entre et et les différentielles de ces variables. Dénotons cette équation par et différentiant par on aura or, comme est une fonction donnée de on différentiera cette fonction en regardant chacune des quantités comme une variable particulière, et marquant les différences par on aura

seront des fonctions données de

Maintenant il est assez facile de voir que sera la même chose que la même chose que et ainsi des autres expressions semblables ; d’où il s’ensuit que l’équation précédente pourra toujours se mettre sous cette forme :

(A)
et toute la difficulté sera maintenant réduite à tirer la valeur de de cette même équation.

Pour y parvenir d’une manière générale, je la multiplie par une indéterminée et je prends ensuite l’intégrale de chaque terme, ce qui me donne

Or, en intégrant par parties, on aura

et ainsi du reste ; donc, faisant ces substitutions dans l’équation précédente, et supposant, pour abréger,


on aura

(B)

Supposons encore, pour abréger davantage,

et

en sorte que l’équation précédente devienne

et il est clair que cette constante ne sera autre chose que la valeur de lorsque l’intégrale est nulle ; or, si l’on donne à cette intégrale une certaine étendue déterminée, il est visible que la quantité recevra aussi une valeur déterminée ; ainsi, nommant la valeur de qui répond

au commencement de l’intégrale et la valeur de qui répond à la fin de la même intégrale, on aura l’équation

Maintenant, comme la quantité est encore à volonté, je la suppose telle que l’on ait dans toute l’étendue de l’intégrale ce qui donne l’équation différentielle


Or, la valeur de renfermera autantde constantes arbitraires qu’il y a de termes dans cette équation moins un ; et par conséquent autant qu’il y a, dans l’expression de de termes qui contiennent et ses différences. Donc le nombre des constantes arbitraires de sera plus grand d’une unité que celui des quantités donc on pourra toujours prendre ces constantes telles que l’on ait, dans la quantité en sorte que les différences de disparaissent entièrement.

Donc, en général, si pour plus de simplicité on enferme entre des crochets carrés les quantités qui se rapportent au commencement de l’intégrale et entre des crochets ronds celles qui se rapportent à la fin de cette même intégrale, on aura

(C)
et il faudra que la variable soit déterminée en sorte que l’on ait

\mathrm P=0, ou bien

et que de plus

III.

Voyons maintenant l’usage qu’on doit faire de ces formules dans les questions de maximis et minimis, et supposons qu’il s’agisse de trouver la relation qui doit être entre les variables pour que la fonction devienne la plus grande ou la plus petite. Nous observerons d’abord que comme cette fonction est supposée donnée par une équation différentielle elle renfermera nécessairement un certain nombre de constantes arbitraires, lequel sera égal à l’exposant de la plus haute différentielle de dans l’équation De plus il faudra, par la nature du problème, que la fonction renferme des expressions intégrales indéfinies, et les circonstances de la question détermineront l’endroit où ces intégrales devront être supposées commencer. Supposons que ce soit lorsque il est clair que les valeurs correspondantes de et de ses différentielles seront des fonctions données de et des constantes arbitraires qui entrent dans l’expression de de sorte que si le nombre de ces constantes est c’est-à-dire, si la plus haute différentielle de dans la valeur de est alors les valeurs des quantités jusqu’à lorsque seront arbitraires, et pourront être supposées données.

Cela posé, supposons que la valeur de qui doit être la plus grande ou la plus petite soit celle qui répond à l’endroit où il faudra donc que la variation de cette valeur de soit nulle, en sorte qu’en la désignant par la caractéristique on ait dans le même endroit Ainsi il n’y aura qu’à supposer dans la formule (C) que l’intégrale soit prise de manière qu’elle commence lorsque et qu’elle finisse lorsque de sorte que les quantités qui dans cette formule se trouvent enfermées entre des crochets carrés soient rapportées à l’endroit où et que celles qui sont enfermées entre des crochète ronds soient rapportées à l’endroit où et comme la question demande que dans ce second endroit la variation soit nulle, on fera le terme ce qui donnera l’équation cherchée pour le maximum ou minimum. Or cette équation étant composée de deux parties, dont l’une contient tous les termes qui sont sous le signe intégral, et dont l’autre n’est composée que de ceux qui sont hors du signe, il faudra faire deux équations séparées de ces deux parties, ce qui donnera

(D)
(E)

L’équation (D) donnera en général, pour toutes les valeurs de depuis jusqu’à celle-ci ;

(F)

Or, cette équation doit avoir lieu quelles que soient les différences marquées par donc : 1o si, par la nature du problème, il n’y a aucune relation donnée entre les variables les différentielles seront indépendantes l’une de l’autre, et il faudra faire les équations particulières Mais si, par exemple, les

variables devaient être telles que l’on eût toujours

alors, en changeant en on aurait aussi


d’où

ce qui, étant substitué dans l’équation (F), donnerait celle-ci

de sorte qu’il faudrait faire ensuite les équations particulières

En général, il faudra réduire les différentielles au plus petit nombre possible, et égaler ensuite à zéro le coefficient de chacune de celles qui restent, et ces équations jointes aux équations données, s’il y en par la nature du problème, serviront à trouver la relation nécessaire entre les variables pour que la fonction devienne la plus grande ou la plus petite.

Or, il est facile de voir que cette relation sera toujours donnée par une ou plusieurs équations différentielles, de sorte que l’intégration y introduira nécessairement des constantes arbitraires ; ainsi il restera encore à trouver la relation nécessaire entre ces constantes pour que la fonction devienne un maximum ou un minimum. C’est à quoi on parviendra à l’aide de l’équation (E) ; en effet, comme cette équation se rapporte à des valeurs déterminées de il est clair qu’on y pourra satisfaire par le moyen des constantes dont nous parlons. Pour cela, on observera que les différentielles sont les mêmes que celles-ci : comme nous l’avons vu plus haut ; de sorte que si l’on désigne par la valeur de qui répond à l’endroit où et que l’on désigne de même par les valeurs de au même endroit, et par les valeurs de dans l’endroit où on aura cette équation déterminée :

(G)

Pour faire usage de cette équation, on verra d’abord s’il y a par la nature du problème des relations données entre les quantités et leurs différentielles, et substituant là valeur d’une ou de plusieurs des différences de ces quantités affectées du signe tirée des relations données on égalera à zéro le coefficient de chacune de celles qui restent, et l’on aura autant de conditions qu’il faudra pour la solution complète du problème.

IV.

Nous avons vu plus haut que les valeurs de lorsque c’est-à-dire les valeurs de doivent être supposées données ; or, si on les regarde comme données d’une manière indépendante des quantités alors il est clair qu’on aura mais on peut supposer que ces quantités doivent être des fonctions données de et de leurs différentielles ; en ce cas, on aura

et il faudra substituer ces valeurs dans l’équation (G).

De plus, il peut arriver que la fonction qui doit être la plus grande ou la plus petite, renferme les quantités avec leurs différentielles ; alors ces quantités entrant dans l’expression de leurs variations donneront dans la valeur de les termes

de sorte qu’il faudra ajouter ces termes au premier membre de l’équation (A). De là il est facile de voir qu’il faudra ajouter au premier membre de l’équation (B) les termes

Par conséquent, il faudra ajouter tous ces termes à l’équation déterminée (E) ou (G) avec des signes contraires, en ayant soin de prendre toutes les intégrales de telle manière qu’elles soient nulles, lorsque et qu’elles soient complètes lorsque Ainsi l’équation (G) deviendra dans ce cas

(H)
V.

Comme les équations différentielles ne renferment pas proprement les différentielles elles-mêmes, mais seulement leurs rapports, il est clair que la fonction qui forme le premier membre de l’équation proposée pourra être regardée comme une fonction de de Supposons pour plus de généralité qu’on ait étant une fonction de et différentiant par on aura

mais l’équation donne donc

Or, soit

Donc, multipliant par et intégrant par parties en sorte qu’il ne reste sous le signe intégral que les différentielles on aura une expression qui sera identique à l’expression de l’Article II ; en sorte que les quantités hors du signe seront identiques à la quantité et les quantités sous le signe identiques à la quantité Considérons seulement les quantités qui seront hors du signe, et je dis que, si dans ces quantités on change en elles deviendront nulles d’elles-mêmes. En effet :

1o Le terme n’étant susceptible d’aucune intégration par parties, restera tout entier sous le signe.

2o Le terme deviendra d’abord

de sorte qu’en multipliant par et changeant en on aura l’intégrale

d’où, en intégrant par parties, on aura les termes hors du signe

changeons maintenant en et ces termes deviendront

3o Le terme donnera, en faisant pour plus de simplicité

d’où l’on tirera d’abord, comme ci-devant, les termes hors du signe

lesquels, en changeant en deviennent

et ainsi de suite.

On fera le même raisonnement sur les autres termes de la valeur de et l’on en conclura que si l’on change la caractéristique caractéristique ordinaire dans l’expression de on aura toujours Or, on a en général (Art. II)

donc, lorsque on aura

et de là mais

donc, changeant en on aura toujours

équation identique d’elle-même. De là il est facile de conclure que les équations du maximum ou du minimum résultantes de l’équation géné-

rale (F) de l’Article III pourront toujours se réduire à une de moins ; parce que si toutes ces équations, hors une, sont supposées avoir lieu, celle-ci s’ensuivra toujours nécessairement ; en effet, comme les équations dont il s’agit doivent être indépendantes des différences marquées par il est clair qu’elles devront également avoir lieu en supposant que ces différences deviennent les mêmes que celles marquées par mais dans ce cas l’équation (F), qui renferme toutes les équations particulières pour le maximum ou pour le minimum, devient identique, comme nous venons de le démontrer ; donc, etc.

J’avais déjà prouvé cette proposition en peu de mots, dans l’Article VIII de mon Mémoire imprimé dans le tome II des Miscellanea Taurinensia[5] ; mais la démonstration que je viens d’en donner a l’avantage d’être beaucoup plus simple et plus générale. Au reste, on voit par cette démonstration que le théorème cesserait d’être vrai si la fonction n’était pas réductible à la forme étant une fonction quelconque de il est vrai que cela doit toujours être par la nature même des équations différentielles ; mais s’il s’agissait des différences finies, en sorte que les différentielles qui entrent dans l’équation donnée dussent être des différences finies de alors la condition dont nous parlons ne serait plus nécessaire et pourrait très-bien ne pas avoir lieu dans la fonction On peut voir, dans le second Appendice du Mémoire cité, un exemple du calcul qu’on peut faire dans le cas des différences finies ; nous n’en dirons rien ici pour ne pas trop nous écarter de notre objet, mais peut-être pourrons-nous y revenir une autre fois.

VI.

Supposons que l’on ait

Z étant une fonction de et de leurs différentielles ; on aura donc, en différentiant pour faire disparaître le signe l’équation

laquelle, étant comparée à l’équation donnera

et de là

Soit

et l’on aura pour la même expression que dans l’Artiele II, en faisant

Donc, on aura d’abord

donc, puisqu’il faut que la variable soit déterminée par l’équation on aura

et de là

constante qu’on pourra prendre égale à l’unité pour plus de simplicité ; à l’égard des équations il est clair qu’elles auront lieu d’elles-mêmes ; à cause de On mettra donc partout à la place de et l’on aura pour le maximum ou le minimum de la fonction 1o l’équation variable (F) ; 2o l’équation constante (G) (Art. III). Il faut remarquer, à l’égard de cette dernière équation, que, comme on a on aura de plus, comme la valeur de est nulle lorsque l’intégrale commence, on aura et par conséquent de sorte qu’il faudra effacer entièrement dans l’équation (G) tous les termes affectés de

Si l’on compare cette solution avec celle que nous avons donnée dans l’Article I du Mémoire cité, on verra qu’elles s’accordent parfaitement entre elles ; l’équation variable (F) répond à l’équation que nous avons désignée dans cet endroit-là par (B), et l’équation constante que nous nommons ici (G) répond à l’équation (C) du même endroit en faisant attention à la remarque que nous y avons faite touchant la manière de compléter cette même équation (C), et de laquelle nous avons conclu que l’expression complète de cette équation était

représente les termes que nous avons désignés dans l’équation (G) par et les termes désignés par

VII.

Soit ensuite

étant une fonction de et de leurs différentielles, et en même temps de la quantité

étant de même une fonction de et de leurs différentielles. On aura donc, en différentiant,

et différentiant ensuite par

or, soit

et désignons, pour abréger, cette valeur de par

en sorte que exprime tous les termes affectés de on aura donc

or, comme on aura, en différentiant, et différentiant ensuite par

on substituera donc cette valeur dans l’équation précédente, et pour cela on la différentiera après l’avoir divisée par ce qui donnera

de sorte qu’on aura

(I)

sera de cette forme :

On traitera maintenant l’équation (I) comme nous avons traité l’équation de l’Article II ; pour cela, on la multipliera par et ensuite on l’intégrera par parties, ce qui donnera d’abord

or, si l’on substitue pour et leurs valeurs, la quantité sous le signe sera susceptible des mêmes réductions que nous avons faites dans l’Article cité, et le calcul s’achèvera de la même manière. Nous nous contenterons de remarquer ici que l’on trouvera dans le cas présent

de sorte que pour la détermination de la variable on aura l’équation

laquelle donne

et étant deux constantes arbitraires.

Or, il faut que c’est-à-dire que la valeur de qui répond au point où soit nulle (Art. II) ; donc, puisque il faudra que la valeur de soit nulle dans ce cas ; soit donc la valeur de qui répond au même endroit, et l’on aura

d’où

donc

ou bien, en faisant pour plus de simplicité

et de là

ayant ainsi trouvé la valeur de il n’y aura qu’à la substituer, et l’on trouvera pour le maximum ou le minimum des formules analogues à celles de l’Article IX du Mémoire de 1762 déjà cité. On observera seulement que l’on aura ici, comme dans le cas du Problème précédent, et par conséquent ensuite on aura

en rapportant la valeur de au point où mais

dans ce point on a aussi

donc

de sorte que la valeur de sera égale à ce que devient la quantité

lorsque

Quant aux valeurs de il ne sera pas nécessaire de les chercher, parce qu’elles n’entreront point dans l’équation déterminée (G).

On voit par ces deux exemples comment il faudra s’y prendre dans des cas plus compliqués, ainsi nous n’en dirons pas davantage ici. Nous nous contenterons seulement d’observer en général que la variable indéterminée pourra toujours se déterminer par l’intégration de l’équation lorsque la fonction sera donnée par une expression formée comme on voudra des variables et de leurs différentielles, et qui renferme de plus autant de signes d’intégration qu’on voudra ; mais lorsque la fonction ne sera donnée que par une équation différentielle d’un degré quelconque, alors l’indéterminée dépendra d’une équation différentielle du même degré, laquelle pourra n’être pas intégrable ; mais cela n’apportera aucun obstacle à la solution du Problème ; car dès qu’on aura trouvé les équations du maximum ou du minimum il n’y aura qu’à éliminer la quantité par le moyen de l’équation différentielle mais il faudra ensuite avoir égard, dans l’introduction des constantes arbitraires, aux conditions

VIII.

Les principaux avantages de ma méthode des variations pour la solution des problèmes de maximis et minimis consistent :

1o Dans la simplicité et la généralité du calcul, comme on peut s’en convaincre aisément en comparant cette méthode avec celle que M. Euler a donnée dans son excellent ouvrage intitulé : Methodus inveniendi lineas curvas, etc., et même avec celle que M. Fontaine vient de donner dans son Mémoire intitulé : Addition à la méthode, etc., déjà cité plus haut.

2o En ce que ma méthode fournit des équations déterminées qui servent à résoudre les Problèmes d’une manière plus générale et plus complète qu’on ne l’avait fait avant moi. Quoique ces équations soient une suite nécessaire et naturelle de mon analyse des variations, et que leur usage ne soit qu’une application très-simple des principes de la méthode générale de maximis et minimis, cependant un illustre Géomètre de l’Académie des Sciences de Paris vient de donner, dans le volume déjà cité pour l’année 1767 un savant Mémoire, dans lequel il paraît révoquer en doute l’exactitude de ces mêmes équations déterminées ; et surtout l’application que j’en ai faite dans la solution du Problème de la plus vite descente donnée dans mon Mémoire déjà cité du second volume de la Société royale. Pour éclaircir les difficultés de ce savant Mathématicien, et faire mieux sentir en même temps l’usage de nos formules, nous allons résoudre ici le même Problème d’une manière encore plus générale, en y ajoutant de nouvelles considérations, qui ne laisseront, si je ne me trompe, plus rien à désirer sur ce sujet.

Problème.Étant données d’espèce et de position deux courbes quelconques placées dans un même plan, on demande de trouver une troisième courbe, sur laquelle un corps pesant puisse descendre de l’une à l’autre des deux courbes données, dans le plus petit temps possible.

Prenons une droite horizontale qui soit l’axe des abscisses des deux courbes données et de la courbe cherchée, et une droite verticale qui soit l’axe commun des ordonnées des mêmes courbes ; soient l’abscisse et l’ordonnée de la première courbe donnée, c’est-à-dire de celle d’où le corps doit partir, et l’abscisse et l’ordonnée de l’autre courbe, à laquelle le corps doit arriver ; enfin soient l’abscisse et l’ordonnée de la courbe cherchée, sur laquelle le corps doit se mouvoir ; nommant la vitesse du corps, et prenant l’unité pour la force accélératrice de la gravité, on aura, comme on sait,

étant une constante arbitraire. Pour la déterminer, supposons que dans l’endroit où le corps commence à se mouvoir on ait ( étant une des ordonnées de la première courbe donnée), et que la vitesse initiale du corps soit celle qu’il aurait acquise en tombant librement de la hauteur il faudra donc qu’en faisant on ait ce qui donnera

Cela posé, on sait que le temps est exprimé en général par étant l’arc de la courbe ; de sorte qu’en comparant cette formule à celle de l’Article VI, on aura

et de là, à cause de et

donc

de là, à cause de on aura (Art. II)

ce qui donnera :

1o L’équation variable

et par conséquent

l’une ou l’autre de ces deux équations servira à déterminer la courbe de la plus vite descente, et il serait inutile de les employer toutes deux à la fois, parce que l’une suit nécessairement de l’autre à cause qu’en changeant en on a l’équation identique (Art. V). Prenanl donc l’équation qui est la plus simple, on aura

d’où l’on tire, en intégrant,

et de là

pour l’équation de la courbe brachistochrone, où est une constante arbitraire.

2o On aura l’équation constante

sont les valeurs de c’est-à-dire de dans le premier point de la courbe, dans lequel et sont les valeurs des mêmes quantités pour le dernier point de la courbe, dans lequel

Mais pour donner à cette équation constante toute l’étendue dont la question peut être susceptible, il faudra avoir égard à la Remarque que nous avons faite dans l’Article IV et faire varier aussi la constante qui entre dans la valeur de or, comme (Art. VI)

il faudra ajouter à la valeur de le terme

donc, à cause de on aura la quantité à ajouter au premier membre de l’équation précédente, laquelle deviendra par conséquent

l’intégrale étant supposée prise de manière qu’elle commence au premier point de la courbe, et qu’elle finisse au dernier point. Or, je remarque d’abord qu’ayant déjà trouvé on aura et par conséquent

j’observe ensuite qu’en prenant l’équation on a

d’où l’on tire, en intégrant,

or, en faisant commencer l’intégrale au premier point de la courbe, on aura dans ce point et et comme au dernier point de la courbe on a il est clair que la valeur complète de sera égale à De plus, comme si l’on suppose en général que soit une fonction quelconque donnée de et telle, que l’on ait on aura

de sorte que par toutes ces substitutions l’équation précédente deviendra

laquelle (à cause que la première courbe dont les ordonnées sont et est supposée indépendante de la dernière dont les ordonnées sont et ) peut d’abord se partager entre ces deux-ci :

Maintenant, comme les coordonnées et appartiennent à une courbe donnée, on aura, par la nature de ces courbes,

et changeant la caractéristique en on aura aussi

donc, substituant ces valeurs dans les équations précédentes, on aura

ou bien, en remettant pour et leurs valeurs on aura

Maintenant, si l’on suppose que la hauteur qui répond à la vitesse initiale soit égale à en sorte que le corps commence à se mouvoir sur la brachistochrone avec la même vitesse qu’il aurait acquise en descendant depuis l’axe des abscisses, on aura et et les deux équations précédentes deviendront

mais au premier point de la courbe, et au dernier point de la courbe ; donc on aura pour le premier point de la courbe

et pour le dernier point de la courbe

ce qui fait voir que la courbe de la plus vite descente doit couper à angles droits les deux courbes données, et cela s’accorde avec ce que nous avons trouvé dans l’Article IV du Mémoire déjà cité du second volume.

Mais si l’on veut que la vitesse initiale soit nulle, alors on aura et par conséquent et ce qui donnera les deux équations

La seconde de ces équations étant la même que dans le cas précédent, il en résulte que la brachistochrone doit aussi couper la seconde courbe à angles droits ; mais quant à la première courbe, l’équation

donnera

de sorte qu’on aura

ce qui fait voir que la tangente menée à la première courbe par le point où commence la brachistochrone doit être parallèle à la tangente menée à la seconde courbe par le point où la brachistochrone se termine ; et c’est ce qui s’accorde parfaitement avec le résultat de la solution donnée par M. le chevalier de Borda dans son Mémoire imprimé dans le volume de l’Académie des Sciences de Paris pour l’année 1767.


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  1. Œuvres de Lagrange, t. I, p. 335.
  2. Voyez les pages 12 et 97 du tome cité.
  3. Voyez les pages 521 et suiv. du volume cité, et les pages 174 et suiv. du tome II des Miscellanea Taurinensia (Œuvres de Lagrange, t. I, p. 336 et suiv.).
  4. Voyez les pages 448 et suiv. de ce volume, et les pages 179 et suiv. du tome III des Miscellanea Taurinensia (Œuvres de Lagrange, t. I, p. 471 et suiv.).
  5. Œuvres de Lagrange, t. I, p. 345.