Mémoires sur les contrées occidentales/Notice bibliographique

La bibliothèque libre.
Traduction par Stanislas Julien.
(tome 1p. xxiii-xxvii).

NOTICE BIBLIOGRAPHIQUE

SUR

LE SI-YU-KI[1].


大 唐 西 域 記 十 二 卷|. Ta-thang-si-yu-ki-chi-eul-kiouen. — Mémoires sur les contrées occidentales, publiés sous la grande dynastie des Thang ; douze livres[2].



Cet ouvrage a été traduit du sanscrit par 元奘 Youen-thsang[3], et rédigé par 辯機 Pien-ki, sous la dynastie des Thang. La vie de Youen-thsang se trouve dans la partie biographique des anciennes annales des Thang. Tch’ao-king-wou cite ce livre dans son ouvrage intitulé 讀書志 To-chou-tchi, et lui donne pour auteur Youen-thsang ; mais il ne fait point mention de Pien-ki. Tching-tsiao, dans son encyclopédie intilulée 通志 Thong-tchi, section I-wen-lio, écrit : « Mémoires sur les contrées occidentales, composés sous les grands Thang, par Youen-thsang, en douze livres » ; et ensuite : « Mémoires sur les contrées occidentales, composés par Pien-ki, en douze livres ». De cette manière, il en fait deux ouvrages distincts. Mais Tchin-tchin-sun, dans son ouvrage intitulé 書錄解題 Chou-lou-kiaï-thi « Explication des titres des livres des catalogues », écrit : « Traduit du sanscrit, sous la grande dynastie des Thang, par Youen-thsang, Maître de la loi des Trois Recueils ; rédigé par Pien-ki, religieux du couvent Ta-tsong-tchi ». Ce titre est conforme à celui de la présente édition. Si l’on examine la préface de Pien-ki, placée (sous le titre de « Ki-tsan Éloge des Mémoires ») à la suite de cet ouvrage, on y voit, en résumé, que, dans la troisième année de la période Tching-kouan (629), le Maître de la loi, Youen-thsang, releva ses vêtements et se mit en route, prit son bâton de pèlerin et partit pour les contrées lointaines. À son retour, il alla visiter l’empereur à Lo-yang, et reçut avec respect un décret qui lui ordonnait de traduire des textes indiens, et qui chargeait Pien-ki, disciple du couvent Ta-tsong-tchi, de rédiger cette description géographique, 撰斯方志 ». On voit par là que le titre donné par Tchin-tchin-sun est parfaitement exact.

Jadis, sous les Song, 法顯 Fa-hien composa le 佛國記, Fo-koue-ki, ou « Mémoire sur les royaumes du Bouddha » ; ce livre est fort abrégé.

Les renseignements géographiques que donnent les annales des Thang, dans les notices sur les contrées occidentales, sont, comparativement, plus détaillées et plus complets. Parmi les royaumes que décrit notre ouvrage (le Si-yu-ki), il y en a beaucoup qui ne se trouvent point dans les annales des Thang. Cela vient de ce que l’historien officiel n’a mentionné que les États qui payaient le tribut à la Chine. Les pays décrits dans ce livre sont ceux qu’a parcourus Youen-thsang[4]. Le To-chou-tchi (de Tch’ao-kong-wou) nous apprend qu’il existait une préface écrite par Youen-thsang, mais elle manque dans l’édition actuelle. On voit seulement en tête une préface de 張說 Tchang-choue, président d’un ministère (Chang-chou), ministre de la gauche (Tso-po-che) et duc du royaume de Yen (Yen-koue-hong).

À la suite de l’ouvrage, on voit une préface composée par Pien-ki (et intitulée Ki-tsan « Éloge des Mémoires »).

Dans le texte du Si-yu-ki, on remarque au bas de certains passages, des annotations comme celles-ci : « En chinois, ce mot veut dire telle ou telle chose », ou bien « ce pays appartient à telle ou telle partie de l’Inde ». Je soupçonne que ce sont des notes originales[5]. On y trouve aussi des observations où l’on corrige (l’orthographe des) mots traduits[6]. Par exemple : « Anciennement, on écrivait ce mot de telle manière. Cette leçon est incorrecte[7] ». À la fin de chaque livre de l’ouvrage, on a ajouté le son et le sens (de certains mots)[8]. Je suis porté à croire que ces additions sont dues à quelque éditeur des siècles suivants.

Dans le livre XI, au milieu de la notice de Seng-kia-lo sur le royaume (Siñhala — Ceylan), on lit l’histoire de l’ambassade de l’eunuque T’ching-ho, que l’empereur de la Chine envoya au roi de ce royaume, nommé 阿烈苦柰兒 ’O-lie-k’ou-naï-eul, dans la troisième année de la période Yong-lo des Ming (1405). Ce pays est le 錫蘭山 Si-lan-chan d’aujourd’hui, la montagne, c’est-à-dire, l’île actuelle de Si-lan (Ceylan), qui est précisément le royaume de 僧伽羅 Seng-kia-lo (Siñhala) des anciens. Les trois cent soixante et dix (lisez trois cent un) mots (depuis 大明 Ta-ming jusqu’à 祈福民庶作無量功德 Khi-fou-ming-chou-tso-wou-liang-kong-te « les hommes du peuple qui demandent le bonheur, font une infinité de bonnes œuvres ») ont été ajoutés (interpolés) par quelque éditeur. C’est donc par erreur que Ou-chi, qui a fait graver la présente édition, les a incorporés dans le texte original.

Parmi les cent trente-huit royaumes décrits (dans le Si-yu-ki), il en est un, celui de Mo-kie-t’o (Magadha), qui occupe les deux livres VII et IX. Ce royaume est le seul qui ait reçu de grands développements. On y rapporte beaucoup de faits relatifs aux causes et aux effets[9], puisés dans les livres de Fo (du Bouddha) ; pour les confirmer, on cite les lieux où ils se sont passés.

Tch’ao-kong-wou, dans son ouvrage intitulé To-chou-tchi, dit que Youen-thsang se rendit dans le 天竺 Thien-tchou (l’Inde) dans le but de chercher des livres bouddhiques, et qu’il prit de là occasion pour décrire les royaumes qu’il avait parcourus. Suivant lui, ce voyageur a présenté, dans un résumé substantiel, tous les renseignements propres à faire connaître les mœurs et coutumes, la forme des vêtements, l’étendue, grande ou médiocre, des royaumes, l’abondance ou la rareté des produits du sol. Mais comme nous n’avons pas examiné cet ouvrage dans tous ses détails, nous avons dû nous en rapporter au témoignage de Tch’ao-kong-wou.

Notre auguste empereur, après avoir ouvert les contrées du ciel d’occident et les avoir soumises à sa puissance, a publié l’ouvrage intitulé : 欽定西域圖志 Khin-ting-si-yu-thou-tchi « Description et cartes des contrées occidentales, édition impériale », dans lequel on a rectifié, l’un après l’autre, tous les récits que les générations précédentes ont puisés dans les livres ou dans le témoignage oral des hommes.

Le Si-yu-ki cite surabondamment des faits surnaturels et des prodiges qui ne méritent pas un examen sérieux, mais tout ce qui se rapporte aux montagnes, aux rivières et aux distances itinéraires, est susceptible d’être clairement vérifié. C’est pourquoi nous avons fait entrer ce livre dans notre catalogue, et nous l’avons conservé dans l’espoir qu’il pourra servir à compléter les études comparées des savants.

  1. Extraite du grand catalogue de la Bibliothèque de l’empereur Khien-long, Sse-kou-ts’iouen-chou-tsong-mo, liv. LXXI, fol. 7.
  2. Voici le titre complet de notre édition : 大 唐 西 域 記 三 藏 法 帥 玄 奘 奉 詔 譯. 大 總 持 寺 沙 門 辯 機 撰. C’est-à-dire : « Mémoires sur les contrées occidentales, publiés sous les grands Thang, traduits du sanscrit, en vertu d’un décret impérial, par Hiouen-thsung, Maître de la loi (la doctrine) des trois Recueils, et rédigés par Pien-ki, religieux du couvent Ta-tsong-chi.
  3. Le nom du voyageur s’écrit ordinairement : 玄奘 Hiouen-thsang. Comme le petit nom de l’empereur était Hiouen, on a évité, par respect, l’emploi de ce mot, et on l’a remplacé par Youen.
  4. Les rédacteurs du Catalogue impérial ne s’expriment pas ici d’une manière tout à fait exacte ; car, depuis la publication de mon premier volume, il est parfaitement établi que, sur cent trente-huit royaumes, décrits dans le Si-yu-ki, Hiouen-thsang n’en a visité que cent dix. (Voy. tome I, Préface, page xxxvi, et Appendice, page 463.)
  5. C’est-à-dire, des notes émanées de Hiouen-thsang, traducteur des extraits dont se compose la plus grande partie de l’ouvrage.
  6. C’est-à-dire, l’orthographe des mots indiens figurés par des signes phonétiques, et dont la signification est donnée en chinois.
  7. Les formes incorrectes de ces noms seront reproduites dans l’index, avec l’indication de leur orthographe exacte.
  8. Dans notre édition, il n’y a que le premier livre qui soit terminé par cette espèce de supplément ; Les onze autres n’offrent que le titre : « Examen des incorrections ». Le reste de la page est vide.
  9. C’est-à-dire, beaucoup de passages où l’on expose les actions de certains personnages célèbres et les résultats qu’elles ont produits.