Méthode et invention nouvelle dans l’art de dresser les chevaux/Au roy

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AU ROY

DE LA

GRANDE-BRETAGNE.


SIRE,



P LUS grand honneur je n’ay jamais eu, & je n’en puis souhaiter de plus sur-eminent, que celuy d’avoir été le premier Gouverneur de Vôtre Majesté, lors qu’elle étoit Prince de Galles, & âgée de huit ans seulement. Je remarquay alors par les tendrons d’un naturel Royal, quelle abondance de fruits vertueux Elle nous apporteroit en son âge plus meur. Je consideray Sa douceur naturelle, pour étre autant au dessus du commun, comme l’avantage de Sa naissance l’éleve par dessus le reste des hommes, comme si Dieu & la nature l’eussent destiné à presider sur le bon naturel mesme, qui est la base & le fondement de toute bonté. Mais le temps où nous sommes me fait croire, que la nature a départi tant de douceur, & de bonté à Vôtre Majesté, qu’elle n’en a point laissé à la plus grand part de Vos sujets. De forte que Vôtre Majesté pourrait recevoir du desavantage des liberalités de la Nature envers Elle, si elle ne luy avoit donné un jugement tres-serain & tres-net pour rectifier leurs défauts par Sa justice. Et comme Elle est le Deputé de Dieu en terre & son vray Oint, Elle peut imiter la Divinité, qui châtie (ans étre fâchée; ainsy Elle preservera Sa douceur, & montrera à Ses sujets que Sa misericorde surpasse Sa justice. Je vis aussy aux jeunes ans de Vôtre Majefté les trois parties d’une bonne ame (& il n’y en a que trois) l’esprit, le jugement, & la memoire, ou bien les facultés, par lesquelles nous comparons les choses ensemble, nous les distinguons, & nous nous en souvenons. Vous les aviés alors pour Vôtre âge au plus haut degré, & avec l’admiration de tout le monde. Je m’asseure que Votre Majesté, à cause de ces troubles mal-heureux, est à prefent parvenue à la Maitrise de Sa charge Royale, qui est de connoitre l’esprit, & le naturel des hommes, qui font, pour la plus part trompeurs, d’autant qu’il y en a plus de meschans, que de bons; & comme dit l’Escriture Sainte, Plusieurs sont appellés et peu élus. Il ne faut pas, Sire, que j’oublie, que j’ay eu l’honneur de Vous mettre le premier à cheval dans le Manege, où Vôtre Majesté a tellement profité, qu’à l’âge de neuf à dix ans, Elle n’avoit pas seulement la plus belle, & la plus ferme assiéte que j’aye jamais veuë, mais aussy la plus grande addresse, & jugement: outre qu'Elle avoit des aides les plus delicates pour faire aller un cheval parfaitement, fust à la Soldade, Passades, Terre à terre, ou par Haut. Vôtre Majesté monta deux chevaux dispos Desperato, & Balot, quoy que très rebours, avec tant de bonne grace, d'aise & de justesse, que les meilleurs Cavaliers qui étoient aupres d'Elle, & la regardoient avec admiration, en étoient tous étonnés. Quelques-uns, qui étoient là, & qui avoient appris aux Academies étrangeres, eussent été, sinon tout à fait, au moins presques jettés par terre par les mesmes chevaux. Le Roy Vôtre Pere, de glorieuse Memoire, disoit, qu'il n'avoit jamais veu aucun de Vôtre âge qui Vous approchât de bien loin à monter à cheval (Sa Majesté étoit tres capable d'en juger) il disoit qu'il cherchoit quelque faute, mais qu'il n'en pouvoit trouver. Par tous ces titres, Sire, ce livre de la Cavalerie eft Vôtre: & je n'aurois pas presumé de le dedier à Vôtre Majesté, si je ne n'avois sceu, qu'il apporte au monde des nouvelles dans le vray Art de dresser les chevaux, lesquelles jusques icy n'ont point été connuës. Puis donc que Votre Majesté est Maitre en cet Art, aimez les chevaux: car un Prince n'est jamais accompagné de tant de Majesté, mesmement sur son throne, comme il est sur un beau cheval. C'est la creature, entre toutes les autres, à qui l'homme a le plus d'obligation, tant pour l'usage, que pour le plaisir, & tant pour son honneur, que pour sa vie; comment donc peut-on faire trop grande estime d’un bon cheval ? Combien de Roys & grands Princes y a-t-il, qui ont évité le reproche d’être pris prisonniers, & ont sauve leur vie & leur honneur tout ensemble par la bonté & excellence de leurs chevaux ? dequoy plusieurs histoires nous sont foy. Qui plus est, un Roy, étant bon Cavalier, sçaura beaucoup mieux comme il faudra gouverner ses peuples, quand il faudra les recompenser, ou les châtier ; quand il faudra leur tenir la main serrée, ou quand il saudra la relâcher ; quand il saudra les aider doucement, ou en quel temps il sera convenable de les éperonner. Il ne faut jamais les monter jusques à leur faire perdre haleine, ou bien ils deviendront rétifs, & rebelles, ou (comme l’on dit) ils prendront la bride aux dents, & s’emporteront ; mais il faut plutost les traiter doucement, & ne prendre que la moitié de leurs forces, affin qu’ils puissent être gaillards, & faire toutes choses de leur bon gré, & avec vigueur. Il ne faut pas que d’autres les montent trop souvent, ni les harassent : mais il faut les garder pour la selle de Vôtre Majesté seulement, c’est à dire, en ses affaires particulières, & celles du public. Or on se doit toujours modérer dans les pallions, parce que la multitude capricieuse est une belle à plusieurs testes, de sorte qu’il faut qu’elle ait plusieurs brides, mais non pas plusieurs éperons ; car plusieurs testes doivent avoir plusieurs brides, mais la Republique n'ayant qu'un corps, elle ne doit avoir qu'une paire d'éperons, & qui doivent étre ceux de Vôtre Majesté, contre lesquels ils ne se rebelleront jamais, mais obeïront toûjours, & les prendront pour une Aide, plûtoſt que pour un Châtiment. Ils se rebelleront contre les éperons de ſes ſujets, & combien qu'ils les montent ſans éperons, comme des poulains, neantmoins ils les jetteront par terre, & peut-être leur feront prendre quelque tour de Roſſe, en sorte que Vôtre Majesté pourroit être en danger à la prochaine fois qu'Elle monteroit dessus. Mais Vôtre Majesté eſt un excellent Homme de cheval, comme je deſirerois qu'Elle fût, & je m'aſſeure, qu'Elle eſt telle; ce qui la rendra glorieuſe & ses ſujets heureux. Voilà l'augure, & le ſouhait, de celuy qui ſera, jusques au dernier ſoúpir,


SIRE,


DE VÔTRE MAJESTÉ


Le tres-humble, & tres-fidele serviteur, & sujet
GUILLAUME
DE NEWCASTLE.
D         A MES
La bataille Caignee

Apres l’homme le Cheval le plus noble animal,
Est rendu par ce Seigneur si juste et si égal,
Par cette Methode, que tout le monde admire,
Qu’on voit aisément, qu’il est sujet de Son Empire
Son assiette si belle, ses aides si secrettes;
Tout à la neglicence, encore, si bien faittes,
Nous sont un argument assés valide et puissant,
Qu’il est à ses talons et Bride obeïssant,
Et que tous les Chevaux sont assujettis à sa loÿ;
Puis qu’ils luy obeïssent comme à leur propre Roy.
 

S’il montoit un Diable tres-robuste,
Ce Diable jroit en touts Airs fort Iuste.
M.D.V.

Newcastle, cest la force de ton genie.
Qui te fait triompher de la Cavalerie;
Qui au choc furieux pour l’amour de la gloire,
Dedans le combats emporte la victorie,
Dedans tes cercles tu ne fais que conjurer,
Quand tu monte tes chevaux, que Philosopher;
Puis que tu domte le fougueux, et le sage,
Et que tous ensemble jls te font hommage.

M.D.V.

Il monte avec la main, les éperons, et gaule
le Cheval de pegase qui volle en Capriole;
Il monte si haut qu'il touche de sa teste les Cieux
Et pare ses merveilles ravit en extases les Dieux.
Les Chevaux corruptibles qui là bas sur terre sont
En Courbettes, demi-airs, terre à terre vont
Avec humilité soumission et bassesse,
L'adorer comme Dieu auteur de leur adresse.

M.D.V.

Charles le second
roy de la grande
bretagne


Que Pallas soit vôtre guide, Cupidon vôtre page,
Mars le Capitaine qui conduise vôtre courage,
Que vôtre propre monture soit le Pegase ailé,
Et Mercure, comme laquaÿ, toûjours a vôtre côté
Que la Fortune soit en votre seul pouvoir soûmise,
Elle, qui sur nos testes ést jusques icÿ affise