Meuse/p1/s7
SCÈNE VII.
Aux héros de Verdun.
Au bord de la Meuse qu’il aimait, dans la bonne terre qu’elle arrose et qu’elle anime, reposent à jamais ses pauvres os que trempa la pluie du ciel, sa pauvre chair que brûla la pluie de feu. Sa cendre généreuse, à jamais, féconde le sol béni du clair pays qui barra la route aux porteurs d’ombre.
C’est un des héros de Verdun, un martyr anonyme du grand martyre, une souffrance parmi la grande souffrance, une larme parmi des milliers de larmes sur un visage en pleurs.
Un homme parmi les hommes qui, dans l’espace et le temps, aux bords de Meuse, payèrent, de leur vie, la vie de leur sol et sa force et sa grâce, un homme de Verdun.
Verdun ! « Durant des siècles, a dit Raymond Poincaré, un des fils de Meuse lui aussi, pendant des siècles, sur tous les points du globe, le nom de Verdun continuera de retentir comme une clameur de victoire et comme un cri de joie pour l’humanité délivrée. »
Et Lloyd George : « Le souvenir de la victorieuse résistance de Verdun a sauvé non seulement la France, mais notre grande cause commune et l’humanité tout entière. »
Plus tard, dans les temps, on contera aux tout petits enfants d’ailleurs, aux tout petits enfants d’ici, la geste des géants de la Meuse, de ceux-là qui moururent une chanson aux lèvres, afin que s’éveille à jamais sur les lèvres des générations à venir, la chanson des aïeux.
La légende entourera leur mémoire de sa guirlande fleurie ; ils apparaîtront démesurés et irréels.
Ils rejoindront, dans un ciel doré et fantasmagorique, les grognards que l’on n’évoque point sans bonnets de police énormes et sans moustaches grises, les mousquetaires que l’on ne voit qu’empanachés et flamberge au poing, les chevaliers vêtus de lourdes armures, Charlemagne et ses preux qui peuplent encore de leurs chevauchées la forêt des Ardennes.