Noëls anciens de la Nouvelle-France/XVI
XVI.
« Je vais vous raconter l’histoire d’une intelligence et d’un cœur. Mon ami s’appelait Jean ; son nom de famille importe peu. Avant de tourner ses yeux vers Dieu il avait dépensé une longue vie à regarder les hommes pour faire fortune et gagner de la renommée. L’écrivain est un espion involontaire, il viole incessamment autour de lui le secret des consciences. Je parle, bien entendu, ici, de ces écrivains qui ont la passion et le respect de leur art et non pas de ces écorcheurs de papier, noircissant des pages à la sueur du poignet, ne voyant rien par eux-mêmes, volant, copiant, plagiant, déshonorant la pensée des maîtres pour la resservir, démarquée et malpropre, à l’innombrable cohue des lecteurs qui ne savent pas lire. Je parle des forts et des dignes, de ces esprits de plus en plus rares qui pensent encore leur propre pensée au lieu de ravager celle d’autrui. »
J’emprunte cette citation au fameux livre de Féval, Étapes d’une conversion. L’illustre romancier catholique appelle Jean cet incomparable ami qu’il devrait plus justement appeler Paul, car il n’est autre que lui-même. Mais que nous importe ; au lieu du pseudonyme de Jean ou du prénom de Paul substituez Simon-Joseph, et cette page admirable deviendra la première de « l’histoire d’une intelligence et d’un cœur » qui eurent pour nom de famille celui de Pellegrin.
Il serait audacieux de soutenir que Féval et Pellegrin se ressemblent, dans le monde des lettres, au point d’échanger leurs biographies. L’histoire de leur vie renferme cependant un événement solennel identique, de gravité exceptionnelle, et de capitale importance : je veux parler de leur conversion religieuse. Brusquement, avec l’impétuosité redoutable d’une saute de vent, elle orienta la voile de leurs barques sur un point tout opposé de l’horizon, leur faisant, de la sorte, éviter une terre de perdition, — terra miseriæ et tenebrarum — un écueil fatal, un abîme qui n’a jamais rejeté une seule épave du vaisseau englouti : l’impénitence finale. La grâce de Dieu opéra sur l’un et l’autre avec une puissance égale d’efficacité, mais d’une manière fort différente. Dessein providentiel, capricieux en apparence, mais véritablement frappé au sceau de l’Éternelle Sagesse et d’une impeccable équité. Elle vint à celui-là qui ne l’avait jamais connue, mais qui l’accueillit en bon fils quand elle se fut nommée, comme un enfant longtemps perdu retrouvé par sa mère. L’autre retourna vers elle, contrit, humilié dans son cœur et dans son âme, l’aimant toujours et la regrettant avec une amère douleur. Pellegrin, prêtre interdit, revint au sanctuaire qu’il avait déserté, retourna, comme le Prodigue, à la maison de son Père : et l’Église, suivant la belle parole de saint Augustin, l’Église ne se recula point quand il se jeta dans ses bras.
Féval, brebis encore moins égarée qu’abandonnée, vit venir à lui le Bon Pasteur, qui le chargea sur ses épaules, comme un agneau, et le ramena au bercail.
Écoutez comme il parle délicieusement à ce Jean qui n’est, véritablement, qu’un autre lui-même, car Paul Féval, très soliloque, aima toujours beaucoup à se donner la réplique.
« Il m’arriva une fois de lui dire à propos du titre de ce livre — Étapes d’une conversion — : « Pour parler français, je crois qu’il faudrait mettre : Les étapes d’un converti. »
« Mais Jean répondit :
« À notre insu nos joies et nos douleurs, nos triomphes et nos défaites nous rapprochent de Dieu. Ce n’est pas nous qui marchons vers la Conversion, c’est la Conversion qui vient à nous. J’ai voulu marquer les diverses stations de la mienne et raconter, étape par étape, ce mystérieux voyage de la grâce divine à la rencontre d’une pauvre âme. Tel doit être ce livre et le titre en est bon. »
Si l’abbé Pellegrin revenait en ce monde et qu’il lui prît fantaisie d’écrire, à l’exemple du romancier parisien, l’histoire de son repentir, il accepterait sûrement l’observation que Féval adressait à son alter ego et publierait, à son tour, les Étapes d’un converti. “ À mon insu, dirait-il, en utilisant le mot à mot de la préface de l’illustre écrivain catholique, mes joies et mes douleurs, mes triomphes et mes défaites m’ont rapproché de Dieu. Ce n’est pas la Conversion qui est venue à ma rencontre, c’est moi qui ai marché vers elle. Je m’étais éloigné de l’Église, je m’en suis rapproché, j’y suis rentré à temps pour y vivre et je suis mort dans sa paix. J’ai voulu marquer les diverses stations de mon retour au sanctuaire et raconter, étape par étape, ce miséricordieux voyage de ma pauvre âme, anxieuse de retrouver le repos de sa conscience et la dignité de son sacerdoce. »
Ce repentir profond, sincère, édifiant au possible, explique mieux que tout autre fastidieux commentaire la ferveur et la constance de son œuvre de réparation. Féval réédita ses romans soigneusement revus et corrigés ; Pellegrin fit davantage. Il voulut qu’on oubliât absolument et les libretti de ses opéras et les poésies trop légères de ses vaudevilles.
À cette fin il composa deux volumes de Poésies chrétiennes[1], et mit en vers l’Ancien et le Nouveau Testament, les Psaumes, les Dogmes de la religion, les Proverbes de Salomon, l’Imitation de Jésus-Christ, etc., etc. Son œuvre poétique est d’une prodigieuse fécondité. Ses Noëls nouveaux comptent, eux seuls, plus de dix mille vers.
Tout fut extrême chez Pellegrin, le défaut et la qualité. Malgré ce qu’en ont dit ses biographes, sa vanité, qu’ils ont tenue pour sans égale, fut dépassée par cette belle et noble passion des lettres où l’amour du travail intellectuel s’enfiévrait d’un prosélytisme dont la mort seule put éteindre l’ardeur et briser l’essor. Elle fut tardive, en effet, l’heure dernière de Pellegrin. Comme la justice de Dieu avait été patiente, sa miséricorde fut généreuse à son égard. Elle lui accorda une longue vieillesse, donnant ainsi à son repentir le temps d’amasser un trésor de mérites.
J’ai dit précédemment, et je le répète ici avec plaisir, que Pellegrin fut un modèle de probité littéraire. Il le fut au point de faire regarder comme de la fausse modestie, de l’orgueil mal dissimulé, les légitimes indignations de cet honnête écrivain auquel on attribuait la paternité de poésies, d’ailleurs fort remarquables, mais absolument étrangères à sa plume, et qu’il était parfaitement justifiable de répudier. On chercherait en vain, non seulement dans les Poésies chrétiennes, mais encore dans l’œuvre entière — toute la lyre — de Pellegrin, un seul exemple de plagiat ou d’imitation servile tel qu’en renferme le recueil Garnier. L’intègre écrivain ne se permit aucune de ces adaptations, encore plus malhonnêtes que faciles, qui ruinent à jamais le crédit et la réputation d’un auteur.
Sans doute les cantiques de Pellegrin n’égalent pas ceux de Corneille, de Racine, de Fénelon, de Fléchier, de Jean-Baptiste Rousseau, ou de Le Franc de Pompignan ; ils ne sont point classiques. Mais, en revanche, leur valeur littéraire, leur caractère religieux dépassent de cent coudées les noëls populaires qu’ils ont si avantageusement remplacés dans la mémoire et sur les lèvres du peuple. J’ai publié trois de ces noëls populaires, verbatim et in extenso, bien en regard de trois noëls nouveaux de Pellegrin (Ça, bergers, assemblons-nous, — Venez, divin Messie, — Allons tous à la crèche). Je m’étais imposé cette tâche et ces frais de copie à la Bibliothèque Nationale de Paris[2] afin de mieux établir, par la violence du contraste, l’écrasante supériorité de nos cantiques modernes sur la chanson vulgaire des quinzième et seizième siècles. À cette époque, la trivialité est malheureusement la caractéristique du langage français. Certains mots propres — qui ne l’étaient pas du tout — quotidiennement usités dans la conversation, ne choquaient personne, bien que leur crudité, révoltante pour notre bon goût, bravât l’honnêteté encore plus que le latin. Aussi, les Poésies chrétiennes de Pellegrin — les médiocres même — paraissent-elles éminemment distinguées par la noblesse du sentiment et de l’expression, si, comme je l’ai fait, on les rapproche immédiatement du texte des chansons profanes, des noëls populaires qu’elles ont judicieusement relégués dans un oubli aussi convenable que mérité.
a dit Boileau. Je crois que l’on pourrait soutenir la
même prétention littéraire en faveur du noël religieux.
Monsieur Benjamin Sulte réclamait en ce sens dès 1891 :
« Je demande que l’on fasse des cantiques d’après la
bonne musique en vogue de nos jours, et j’attends des
poètes qui sauront écrire des strophes convenables. Ah !
ne vous vantez pas, mes confrères ; composer un cantique
valant la peine est une œuvre qui mérite considération. »
J’ai dit que l’abbé Pellegrin composa la majorité de ses Noëls nouveaux — 93 sur 176 — sur des chants de noëls populaires. Il écrivit le reste — 73 en tout — sur la musique des vaudevilles et des airs d’opéras du dix-septième siècle. Leur nombre, sinon leur qualité, excellente pour plusieurs d’entre eux, mérite bien qu’on s’en occupe. Aussi, ai-je cru devoir préparer la liste des airs d’opéras et de vaudevilles sur la musique desquels Pellegrin fit chanter ces soixante-treize Noëls nouveaux. Ce travail se réduit, en apparence, à une aride nomenclature, aussi fastidieuse à lire peut-être qu’ennuyeuse et longue à préparer. J’en sais quelque chose. Mais son incontestable utilité m’imposait cette tâche ardue. Cette liste d’airs anciens sera d’un précieux secours à ceux-là qui, plus tard, écriront la grande histoire des Noëls anciens de la Nouvelle-France.
Ces Noëls nouveaux, que Pellegrin composa ainsi sur la musique des opéras de Lulli, de Campra, de Destouches, des vaudevilles de Pierre Gaultier, de Bénigne de Bacilly, de Bousset, de Pibrac, se chantaient par toute la Nouvelle-France, et plus particulièrement à Québec, de préférence peut-être aux Noëls nouveaux que le même auteur avait écrits sur les chants d’église et les airs des Noëls anciens. Ce qui me confirme, ou plutôt m’entraîne, dans cette opinion, est le passage suivant de l’Histoire de l’Hôtel-Dieu de Québec où la célèbre Mère Juchereau de Saint-Ignace parle de l’Intendant Raudot[3] qui venait, en 1711, d’être rappelé en France.
« C’était un vieillard plein d’esprit, d’une conversation agréable et aisée, qui parlait bien de toutes choses. Il possédait l’histoire de tous les pays et s’entretenait familièrement avec tout le monde. Il aimait beaucoup la jeunesse et lui procurait chez lui d’honnêtes plaisirs. Son divertissement était un concert mêlé de voix et d’instruments. Comme il était obligeant, il voulut nous faire entendre cette symphonie, et plusieurs fois il envoya ses musiciens chanter des motets dans notre église. On ne chantait presque chez lui que des airs à la louange du roi, ou des noëls, dans la saison. »[4] Ces airs que l’on chantait à Québec, au Palais des Intendants de la Nouvelle-France, sous l’administration de Messires Jacques et Antoine Raudot, ne les cherchez pas ailleurs qu’aux répertoires de Lulli, de Campra, de Destouches, dont les opéras, uniquement composés pour flatter et tenir l’oreille du maître, étaient autant de recueils de cantates écrites à la louange éternelle, à la gloire incomparable, à l’apothéose permanente de ce soleil éblouissant, fascinateur, qui se nommait Louis XIV dans le ciel politique de la France. Au dix-septième siècle, le théâtre, l’opéra, les beaux-arts, les belles-lettres n’ont qu’une voix pour acclamer le dieu-monarque !
Or, ce fut sur les plus beaux airs de cette musique adulatrice que Pellegrin écrivit près de la moitié de ses Noëls nouveaux. J’ai donc lieu de croire que ces cantiques furent à la mode à Québec, du moins au temps des Raudot, qui donnaient le ton — c’est bien le cas de le dire — à l’aristocratique société de la capitale. Les Raudot administrèrent, en leur qualité d’intendants, de 1705 à 1711 ; ces six années correspondent à celles des éditions des recueils des Noëls nouveaux publiées par Pellegrin, à Paris, chez Nicolas Leclerc.[5] Cette coïncidence de dates ajoute encore aux raisons de vraisemblance qui militent en faveur de ma prétention.
Voici, maintenant, la liste des airs d’opéras et de vaudevilles sur lesquels furent écrits les noëls de l’abbé Pellegrin. J’ai suivi, pour la récapitulation des motifs empruntés au répertoire de Lulli, l’ordre chronologique des œuvres de ce grand musicien.
Ballet d’Alcidione | — Air : | Amants malheureux. |
Opéra de Cadmus | “ | Je vais partir, belle Hermione. |
“ “ | “ | Suivons, suivons l’Amour, laissons-nous enflammer.
|
d’Alceste | ““ | Malgré tant d’orages. |
de Thésée | ““ | Que vos prairies seront fleuries. |
“ “ | “ | Quel plaisir d’aimer sans contrainte |
“ “ | “ | Que rien ne trouble ici Vénus et les Amours.
|
d’Atys[6] | ““ | D’une confiance extrême. |
“ “ | “ | La beauté la plus sévère. |
“ (Ier acte, scène 6me) | “ | Sangaride, ce jour est un grand jour pour nous.
|
[7] | “ Isis“ | Le Dieu des Eaux qui va paraître. |
“ “ | “ | Puissant roi, qui donnez chaque jour.
|
de Bellerophon | ““ | Vos mépris, trop ingrate Iris. |
“ “ | “ | Montrons notre allégresse. |
“ “ | “ | Le malheur qui nous accable. |
“ “ | “ | Faisons cesser nos alarmes. |
“ “ | “ | Pourquoi n’avoir pas le cœur tendre ?
|
Ballet : Triomphe de l’Amour
|
“ | de l’Entrée d’Apollon. |
“ “ | “ | Tranquilles cœurs, préparez-vous. |
“ “ | “ | Un cœur toujours en paix. |
“ “ | “ | Sans amour, sans désir. |
Opéra de Phaëton[8] | “ | Dans ces lieux tout rit sans cesse. |
“ “ | “ | Ce beau jour ne permet qu’à l’aurore.
|
“ “ | “ | Cherchons la paix dans cet asile. |
d’Amadis. | ““ | Amour, que veux-tu de moi ? |
“ “ | “ | Vous ne devez plus attendre. |
“ “ | “ | Suivons l’Amour, c’est lui qui nous mène.
|
“ “ | “ | Cœurs accablés de rigueurs inhumaines.
|
de Roland | ““ | C’est l’Amour qui nous menace. |
Ballet : Le Temple de la Paix.[9]
|
“ | du Prologue. |
Ballet : Le Temple de
la Paix. (prologue) |
Air : | Préparons-nous pour la fête nouvelle.
|
“ “ | “ | Qu’il est doux d’être amant d’une bergère aimable.
|
“ “ | “ | Sans crainte dans nos prairies. |
“ Grottes de Versailles | “ | Goûtons bien les plaisirs, bergers. |
Opéra : L’Europe Galante. | Air : | Vous brillez seule en ces retraites. |
“ “ | “ | J’ai senti, pour vous seule, une flamme parfaite.
|
Opéra Hésione | Air : | Aimable vainqueur, Doux tyran d’un cœur.
|
“ Amadis de Grèce | Air : | Le vent nous appelle. |
|
Autres airs d’opéras que Pellegrin n’a pas nommés. |
|
Ah ! que l’amour prépare en ce jour. Assez, de pleurs ont suivi nos malheurs. D’une confiance extrême.Tôt ou tard l’Amour est vainqueur.
|
Airs de Vaudevilles : “ Au guay lan, la, lan, lire ; ” — “ Berger, prends soin de mon troupeau ; ” — “ Dans nos bois Sylvandre s’écrie ; ” — “ Dans nos vaisseaux que de beautés ensemble, ” de Pierre Gaultier[12] ; — “ La bergère que je sers, Ne sait rien de mon martyre, " de Bacilly[13] ; — “ Le beau berger Tircis ; ” — “ Ni le barbon, ni le jeune blondin ; ” — “ Prends, ma Philis, prends ton verre ; ” — “ Quittons, quittons, quittons notre fardeau ; ” — “ Si tu veux, sans suite et sans bruit, ” de Du-Bousset[14] ; — “ Un inconnu pour vos charmes soupire ; ” — “ Vous me l’avez dit, souvenez-vous-en ; ” — “ les Quatrains ” de Pibrac[15] ; — “ l’air de Joconde ; ” — “ les Folies d’Espagne ; ” — “ Un mitron de Gonesse. ”
Je crois être agréable à mes lecteurs, en publiant — comme spécimen de la musique en vogue au dix-septième siècle — un air de vaudeville qui me paraît absolument distingué. Je regrette de n’en pas connaître l’auteur car il mériterait, certes, l’honneur d’être nommé. Le charme de la mélodie trahit un artiste, comme la phrase bien faite, correctement écrite, signale un véritable maître.
Quelle était cette Philis de la chanson à boire ? La même, sans doute, qu’aimait Oronte dans le Misanthrope de Molière, l’inspiratrice du fameux sonnet de Bencérade :
Alors qu’on espère toujours !
Mon imagination y croit sincèrement, mais sa conviction, pour ferme qu’elle soit, n’entraînera personne. La foi, sans les preuves, est une foi morte. À tout événement, si la Philis du vaudeville fut aussi belle que sa mélodie, elle méritait bien le Champagne sablé en son honneur.
Elle semble éclose, cette musique, de la fraîcheur de
son teint, de la douceur de son regard, de la gaieté de
son sourire voilé de mélancolie, ce qui étonne un peu
dans une chanson à boire. C’était peut-être un toast
d’adieu porté à la charmante Philis. Aussi bien cet air
de vaudeville semble-t-il mieux convenir aux joies plus
discrètes, aux émotions plus tendres d’une pastorale,
qu’aux bruits tapageurs d’un refrain bachique. Faites-lui chanter, comme Pellegrin en tenta victorieusement
l’aventure, faites-lui chanter un noël religieux, la poésie
sereine d’un cantique, et cette mélodie rayonnera comme
un bijou — elle en est un véritable de tout l’éclat de sa
lumineuse harmonie.
Cher Enfant qui viens de naître, |
|
bis | ||||
Ah ! que ton amour est doux. ! | ||||||
Loin de nous punir en maître, | ||||||
Tu viens t’immoler pour nous. | ||||||
En Toi seul le monde espère, | ||||||
C’est pour nous que de ton Père | ||||||
Tu ressens tout le courroux. | ||||||
Ah ! que ta propre justice |
|
bis | ||||
Pour Toi s’arme de rigueur ! | ||||||
Elle frappe un Dieu propice | ||||||
Pour servir un Dieu vengeur ; | ||||||
Pour avoir trop de clémence | ||||||
Tu ressens trop de vengeance, | ||||||
Ton amour punit ton cœur. | ||||||
Il n’est point de créature |
|
bis | ||||
Qui ne s’arme contre Toi, | ||||||
On dirait que la Nature | ||||||
Méconnaît son divin Roi ; | ||||||
C’est ton Père qui l’anime | ||||||
À punir de notre crime | ||||||
L’Auteur même de la loi. | ||||||
La saison la plus cruelle |
|
bis | ||||
T’asservit à ses frimas, | ||||||
À son Maître elle est rebelle, | ||||||
Elle n’en fait plus de cas. | ||||||
Contre le Sauveur du monde | ||||||
On entend le vent qui gronde, | ||||||
Tout m’annonce le trépas. |
Malgré ta toute puissance |
|
bis | ||||
Tu gémis dans un berceau, | ||||||
Tu ne reçois la naissance | ||||||
Que pour entrer au tombeau. | ||||||
Ah ! faut-il que la mort même | ||||||
Contre son Maître Suprême | ||||||
Usurpe un droit si nouveau ? | ||||||
C’en est trop, Dieu tout aimable, |
|
bis | ||||
Nous devons, à notre tour, | ||||||
Puisque ton amour t’accable, | ||||||
Expirer pour Toi d’amour. | ||||||
Fais que tes divines flammes | ||||||
Brûlent, dévorent nos âmes, | ||||||
Et s’augmentent chaque jour. |
Il se peut que je m’abuse sur la valeur et le mérite de ce noël, mais il me semble absolument exquis. À ce point que j’ai rêvé pour lui d’une réhabilitation artistique, d’un regain de vogue et de popularité. Pour aider, en autant que cela dépendait de moi, cette œuvre de résurrection musicale, provoquer ce retour de la faveur publique, j’avais demandé à un ami, M. Ephrem Chouinard, de m’écrire pour ce noël un accompagnement qui fut digne de sa mélodie, — mélodie que j’ose qualifier d’aristocratique tant elle me paraît distinguée. Monsieur Chouinard, qui est un modeste, se récusa ; mais, trop bienveillant pour m’opposer un refus, il chargea son fils, M. Jules Chouinard, étudiant en médecine à l’université Laval, de composer l’accompagnement désiré, et que je publie ici avec reconnaissance. Je voudrais être un musicien autorisé pour joindre mes félicitations à mes remerciements. Aux connaisseurs, experts en harmonie, appartient la critique de cette page que je trouve fort belle, à eux de dire la mesure des éloges à décerner au jeune compositeur.
- ↑ Elles comprennent cinq recueils de Cantiques spirituels, au nombre de 221, six recueils de Noëls nouveaux, au nombre de 176, et trois recueils de Chansons spirituelles, au nombre de 46, donnant, au total, 443 poésies.
- ↑ Ouvrages consultés : Vol. no 6,103, — Recueils de noëls ; — Vol. no 14,328, — Noëls divers imprimés au commencement du 16ième siècle ; — Vol. no 14,329, — Cantiques de noëls anciens, Au Mans, Fr. Olivier, (sans date) in-8.
- ↑ Il s’agit ici de Jacques Raudot, et non pas de son fils Antoine Raudot, rappelé l’année précédente, en 1710. Les deux Raudot se partagèrent, de 1705 à 1710, les fonctions de leur charge. Le père se réserva la justice, la police et les affaires générales ; le fils s’occupa des finances, de la marine et du commerce. Jacques Raudot avait succédé à M. de Beauharnois à l’Intendance ; il y fut remplacé par Michel Bégon.
- ↑ Juchereau : Histoire de l’Hôtel-Dieu de Québec, édition de 1751. page 463.
Ces détails intéressants pour l’histoire de la musique religieuse au Canada m’en rappellent un autre également précieux. D’après M. Ernest Gagnon, le premier orgue de la cathédrale de Québec fut inauguré sur la fin de l’année 1664, probablement le jour de Noël.
- ↑ Les Poésies chrétiennes, contenant les Noëls nouveaux, les Chansons et les Cantiques spirituels, parurent en 1701. Les Lettres de Privilège, datées le 16 mai 1701, furent accordées à Leclerc pour huit ans. Le 21 avril 1709, elles furent renouvelées par dix autres années consécutives.
- ↑ Atys était l’opéra du roi, Armide celui des dames,
- ↑ Isis celui des musiciens,
- ↑ et Phaëton celui du peuple. C’est ainsi qu’on désignait, au 17ième siècle, ces quatre ouvrages de Lulli.
- ↑ Au sujet de la première représentation de cet opéra-ballet,
Adolphe Adam raconte une anecdote très piquante. « Vous comprenez, dit-il, que pour un opéra, improvisé en huit jours, on n’a pas le temps de faire des décors neufs ; on avait donc
cherché ce qu’on avait de moins usé et de moins connu. Ainsi,
pour le temple de la Paix, on avait été prendre un temple de la
Sagesse qui n’avait pas servi depuis longtemps, mais sur le
fronton duquel s’étalait malheureusement l’oiseau favori de
Minerve, une énorme chouette. Il fallait au plus vite faire
disparaître l’oiseau de mauvais augure, et le remplacer par un
soleil, l’emblème de Louis XIV. Mais où trouver un peintre,
quand tout était préparé, le décor mis en place, et le roi dans
sa loge, trouvant que le spectacle était bien long à commencer ?
Le pauvre Lulli s’arrachait les cheveux, il courait partout sur
le théâtre, demandant à grands cris un peintre, un décorateur,
un badigeonneur. Rien ne venait ; qu’un officier des gardes qui
lui avait déjà dit deux fois : « M. de Lulli, le roi attend. » Enfin,
on trouva un peintre qui se mit à l’instant à la besogne ; il avait
à peine commencé, que l’officier revient de nouveau à la charge :
— M. de Lulli, j’ai eu l’honneur de vous dire que le roi attendait.
— Eh ! ventrebleu, s’écria celui-ci, que voulez-vous que j’y fasse, moi ? Le roi peut bien attendre, il est le maître ici et personne n’a le droit de l’empêcher d’attendre tant qu’il voudra !
Chacun se mit à rire de cette répartie dont la hardiesse faisait le principal mérite. Mais, malheureusement pour Lulli, son mot eu trop de succès ; il vint aux oreilles mêmes du roi. Le monarque absolu qui avait dit un jour : « J’ai failli attendre ! », ne pouvait pas prendre en bonne part la saillie de son musicien. »
Adam, Souvenirs d’un musicien, page 90. - ↑ André Campra, musicien, naquit à Aix, en Provence, le 4 décembre 1660 et mourut à Versailles, le 29 juillet 1744. Après
avoir été maître de chapelle à Toulon, à Arles et à Toulouse, Campra vint à Paris (1694) où il obtint la place de maître de
musique à l’église collégiale des Jésuites ; il passa ensuite en
la même qualité à Notre-Dame.
De tous les successeurs de Lulli jusqu’à Rameau, Campra est le seul compositeur dramatique dont les ouvrages se soient soutenus à côté de ceux de Lulli. Campra jouit, de son temps, d’une grande réputation qui lui valut, en 1722, la place de maître de chapelle du roi et celle de directeur de la musique du prince de Conti.
Cf : Firmin Didot Frères : Nouvelle Biographie Générale, tome 8, p. 417.
- ↑ André-Cardinal Destouches, compositeur dramatique, né à Paris en 1672, mort en 1749. Devint surintendant de la musique du roi, et inspecteur général de l’Opéra. Il donna l’opéra d’Issé en 1697 ; Amadis de Grèce et Marthésia en 1699 ; etc., etc. Louis XIV fut si satisfait d’Issé qu’il fit donner à l’auteur une gratification de deux cents louis et déclara que Destouches était le seul qui ne lui eût point fait regretter Lulli. — Cf : Firmin Didot Frères : Nouvelle Biographie Générale, tome 13, p. 916.
- ↑ Pierre Gaultier(1664-1697).
- ↑ Bénigne de Bacilly (1625-1692) prêtre, musicien-compositeur.
- ↑ Jean-Baptiste Drouard du Bousset (1662-1725). On a de lui vingt-un livres d’airs à chanter.
- ↑ Dufaur de Pibrac (1529-1586).