Notice sur les travaux administratifs de M. le duc de Richelieu/02

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NOTICE
Sur les Travaux administratifs
de M. le Duc de Richelieu, dans la Russie méridionale,

Par M. S. ***
(Deuxième article)

Jusqu’à présent je n’ai parlé que des bienfaits que M. le duc de Richelieu avait répandus sur Odessa ; mais cette ville ne fut pas le seul et unique objet de tes sollicitudes : Mite une vaste contrée eut le bonheur d’y participer. Dès l’année 1805, l’empereur Alexandre avait nommé M. le duc de Richelieu gouverneur-général civil et militaire de toute la Nouvelle-Russie, composée des trois gouvememens de Cherson, de Cathérinoslaw et de Tauride ; il lui avait confié en même tems le commandement des troupes cantonnées dans cette vaste province, celui des cosaques du Boug et de la mer Noire, et l’administration générale de toutes les colonies étrangères qui étaient on devaient être établies dans ces contrées. Le poste éminent où la confiance du souverain le plaçait, était frit pour contenter l’homme le plus ambitieux ; mais M. le duc de Richelieu n’a eu toute sa vie qu’une seule ambition, celle de faire le bien. Il vit qu’il y avait beaucoup d’améliorations à faire dans l’administration du pays, beaucoup d’abus à déraciner, beaucoup de bienfaits à répandre : il ne fut point effrayé du fardeau qu’on lui imposait, et ne balança point à accepter ce poste y qui, en étendant le cercle de son activité, lui permettait de développer tout son zèle pour le bien des hommes.

Bientôt la Nouvelle-Russie ressentit les effets de l’administration paternelle de M. le duc de Richelieu ; et, pour donner une idée générale des progrès rapides que cette contrée fit dans l’espace de tems où il la gouverna, je dirai seulement que sa population, qui ne montait qu’à environ un million d’ames en 1805, s’éleva à plus de deux millions : progression étonnante et que je crois sans exemple. Je craindrais d’être trop long, si je voulais entreprendre de détailler tout ce que M. le duc de Richelieu fit pour le bonheur de ces contrées : je me bornerai donc à quelques faits les plus marquans, et qui les premiers se présenteront à mon esprit.

Les colonies étrangères étaient l’objet d’une sollicitude toute particulière de la part de M. le duc de Richelieu ; et certes de malheureux émigrés, surtout les Allemands, arrachés à leur belle patrie par la rude nécessité de chercher ailleurs des moyens d ? existence ; et transplantés sous un ciel inconnu et dans un pays sauvage et désert, avaient besoin d’être consolés et ménagés plus que les autres. Aussi ces bons Wurtembergeois et Alsaciens, dont les environs d’Odessa furent peuplés ne regardaient M. le duc de Richelieu que comme leur père. Il les visitait sans cesse, leur parlait leur langue qu’il possédait parfaitement, prévenait tous leurs besoins, entrait dans les plus petits détails de leur administration intérieure, et réussit à faire bientôt prospérer ces établissemens nouveaux, qui ne s’affermissent ordinairement qu’avec tant de difficultés.

Les beaux Steppes qui s’étendent entre les embouchures du Don, la mer d’Azow et le Dniéper, offrent un spectacle qu’on ne retrouve peut-être nulle part ailleurs. Là, sur une étendue de près de cent lieues, sont établis plusieurs peuples, les plus différens entre eux par leur origine, leur langue, leurs mœurs, et leur croyance : réunis dans la même contrée, ils vivent en bons voisins, et jouissent en paix des bienfaits d’un, gouvernement sage et tolérant. Là, vers les embouchures du Don, se trouvent quelques riches établissemens d’Arméniens, qui ont la ville commerçante de Nakhitchevan pour chef-lieu : ils vinrent de la Crimée pendant les troubles qui agitèrent ce pays, sous le règne du dernier Khan. On trouve ensuite plusieurs colonies de Grecs, sortis du même pays et à la même époque. Ils ont pour voisins des Russes de l’Ukraine, établis dans plusieurs grands villages ; ceux-ci touchent à des colonies d’Allemands protestans, et à de beaux et riches villages de Memnonistes, espèce d’anabaptistes sortis de Prusse, et intéressans par le spectacle de la civilisation la plus avancée, qu’ils offrent au voyageur dans ce pays éloigné et sauvage. Enfin, pour que l’aspect de cette contrée fût plus frappant encore par un des plus singuliers contrastes, on trouve, dans le voisinage de ces Memnonistes, des sectaires russes à longues barbes, et des hordes de Tatars-Nogais, les plus un anciens et les plus sauvages habifans de ces déserts.

La plus grande partie de ces établissemens, â l’exception de ceux des Arméniens et des Grecs, se fit : sous l’adminlptration de M. le duc de Richelieu. Les mêmes soins, dontles colonies d’Odessa étaient l’objet, Rirent prodigués indistinctement aux Memnonistes civilisés, et aux sauvages Nogais. La métamorphose que subirent ces derniers mérite surtout une attention particulière. Les hordes de ces Tatars, qui, à travers vingt siècles, avaient succédé dans ces contrées aux Scythes Nomades, sur lesquels Hérodote nous a laissé des détails si curieux, avaient absolument la même manière de vivre que leurs devanciers. Ces hommes ne se nourrissaient que de la chair et du lait de leurs immenses troupeaux, et n’avaient pas d’autres demeures que leurs tentes, qu’ils transportaient sur dès chariots, au gré de leurs désirs, ou selon les besoins de leur bétail, pour lequel ils cherchaient toujours des pâturages nouveaux. Ces peuples vagabonds n’avaient jamais connu d’autre manière de vivre, et je les ai encore vus sous leurs tentes en 1808. Peu d’années après, je les trouvai établis dans des villages bâtis régulièrement, et dont quelques-uns étaient entourés de plantations d’arbres et de terres labourées Une petite ville, avec un marché., fut établie au milieu de cette singulière colonie 5 et les Nomades, oubliant peu à peu leur vie errante, se livrent aujourd’hui avec zéle a l’agriculture, non pour faire leur nourriture des grains qu’ils récoltent (ils ne sont pas encore parvenus à ce degré de civilisation), mais, pour les expédier par un petit port qu’ils possèdent sur la mer d’Azow, et recevoir en échange d’autres objets qui leur sont nécessaires. Le premier moyen dont M. le duc de Richelieu se servit pour fixer ces Nomades, fut de faire construire une mosquée, au milieu d’une vallée : les Nogais, conduits par un sentiment religieux, vinrent d’abord camper autour de cette mosquée ; quelques-uns essayèrent d’y bâtir des cabanes, qui bientôt furent transformées en maisons plus commodes. Peu à peu leur nombre augmenta ; d’autres villages s’établirent ailleurs, et quelques années de persévérance, en s’employant que la douceur et la persuasion, et jamais la force, suffirent pour faire adopter des demeures fixes à tout ce peuple, essentiellement vagabond et pasteur, et pour le rendre agricole et commerçant. C’est ainsi que s’opéra insensiblement une des plus grandes révolutions dont un peuple sauvage ait jamais donné l’exemple dans un si court intervalle de tems, et que furent fixées les dernières tribus nomades de l’Europe[1].

Une peuplade, plus civilisée et bien plus intéressante, attirait les soins particuliers de M. le duc de Richelieu. Je veux parier des cpsaqnes de la mer Noire, reste de ces Zaporogues qui autrefois avaient rendu leur nota-si célèbre sur les bords du Dnieper. L’impératrice Catherine avait, fait établir cette peuplade guerrière le long du Couban, depuis l’embouchure de la Laba jusqu’au bosphore Cimmérien, en lui confiant la défense de cette frontière de l’empire, contre les incursions des montagnards belliqueux du Caucase. Ces cosaques fournissaient une milice irrégulière de vingt régimens, dont le tiers était employé à la garde du pays, tandis que le reste était occupé à l’agriculture, au soin de leurs troupeaux, et à la pèche de ces énormes poissons, dont la mer d’Azow, le Bosphore et l’embouchure du Couban, abondent eu si grande quantité. L’administration du pays était confiée à des hommes pris parmi les cosaques mêmes, qui, étant pour la plupart peu éclairés, avaient donné, lieu à une infinité d’abus, et négligé les immenses ressources que leur offraient les localités. Mais M. le duc de Richelieu ne négligeait rien de tout ce qui pouvait contribuer au bonheur et à la prospérité des contrées qu’il administrait : il vit tout ce qu’il y avait de bien à faire dans le pays des cosaques de la mer Moire, et il s’attacha particulièrement à faire jouir ce peuple de tous les avantages de sa position. Il régla les finances du pays, qui jusqu’alors avaient été l’objet des dilapidations des particuliers, et ouvrit des sources nouvelles de revenus publics : ce qui lui permit d’établir des écoles, des hôpitaux, des haras, etc, ; de mieux entretenir les ponts et les chemins à travers les marais qui bordent le Couban, et de fortifier la frontière en faisant élever des redoutes régulières, bâties d’après les principes de l’art[2], pour remplacer les chétifs moyens de défense, qui consistaient jusqu’alors en des endos faits de claies et de fascines, où les petites garnisons du cordon étaient postées, et où elles risquaient d’être enlevées ou brûlées à chaque apparition de leurs inquiets voisins. Le service rendu par là aux cosaques, et j’ose même dire à l’empire, est incalculable, et contribuera à perpétuer dans ces contrées le nom de celui qui en a été l’auteur. Avant de finir de parler des cosaques de la mer Noire, je ne dois point oublier de dire que c’est sous l’administration de M. le duc de Richelieu et sur ses représentations, que cette milice a été renforcée, d’une population de 25 mille individus pris parmi les cosaques de l’Ukraine, qui vinrent des gouvernemens de Tchernigow et de Pultawa, s’établir sur les bords du Couban, et prendre part a la défense du pays. Cette mesure diminua beaucoup le pénible service des anciens habitais, et offrit en même teins aux nouveaux, des moyens d’existence plus certains que ceux que leur présentait le pays qu’ils avaient quitté, où le surcroît dépopulation commence déjà a devenir sensible.

Pour connaître tout par lui-même, pour entrer dans les plus petits détails de l’administration, M. le duc de Richelieu parcourait plusieurs fois dans l’année les vastes provinces qui lui étaient confiées. Il entrait dans les chaumières pour s’informer des affaires et des besoins des cultivateurs, à quel que nation qu’ils appartinssent : chacun pouvait l’aborder à toute heure du jour ; il accueillait tout le monde avec bonté, écoutait avec attention, et avait toujours quelque chose de gracieux à dire : aussi est-il peu d’administrateurs qui se soient fait adorer du peuple autant que M. le duc de Richelieu. Ces demi-sauvages, ces tatars de la Tauride, qui, dans leur langage barbare, pouvaient à peine prononcer son nom, lui étaient attachés comme à leur père ; depuis qu’il les a quittés/ils n’ont pas cessé de le regretter, et leur unique désir était de revoir un jour leur ancien gouverneur.

Dans ces années désastreuses où la peste étendait ses ravages dans plusieurs endroits du gouvernement de Cherson, les soins de M. le duc de Richelieu ne se bornèrent pas à la seule ville d’Odessa. Dès qu’il vit que le fléau commençait à diminuer dans cette ville, il la quitta pour visiter tous les endroits atteints du mal, et faire par lui-même toutes les dispositions nécessaires pour sauver les malheureux. L’expérience qu’il avait acquise à Odessa, lui servit beaucoup pour combattre le mal partout où il éclatait : mais cette perfide maladie semblait vouloir lasser son zèle, et le tint, pendant toute l’année 1813, dans des alarmes continuelles. Au mois de juin de cette année, par un tems des plus chauds, et par conséquent des plus propres au développement et aux progrès de la peste, ce fléau se manifesta à Élisabethgrad, ville qui contient une population d’environ 12, 000 habitans. M. le duc de Richelieu s’y rendit sur-le-champ, et trouva que la maladie avait déjà fait des progrès effrayans : mais let danger qui menaçait, cette ville ne fit qu’accroître son zèle. Il prit des mesures tellement énergiques et sages, veilla si bien à leur stricte exécution, que malgré toutes les entraves de la part des habitans, qui ne voûtent point croire au malheur dont ils étaient menacés, et refusaient de se soumettre aux précautions qu’on leur avait ordonnées, le mal fut isolé et arrêté au bout de 15 jours, et la perte de la ville se borna à 27 victimes. Les habitans d’Elisabethgrad ne tardèrent pas à reconnaître leur tort, et à rendre hommage à celui qui les avait sauvés d’une manière presque miraculeuse. C’est à peu près à la même époque qu’il qu’il rapporter le trait cité par l’historien de la Nouvelle-Russie[3] : la terreur que le danger avait insérée aux habitans d’un village des environs d’Élisabethgrad était si grande, qu’ils ne voulurent jamais consentir à ensevelir les victimes que la peste venait d’enlever parmi eux : M. le duc de Richelieu, pour les encourager et leur prouver qu’ils n’avaient rien à risquer en rendant ce dernier service à leurs malheureux concitoyens, prit lui-même une bêche, et remplit sous leurs yeux cette triste et pénible fonction.

Pour abréger mon article sur l’administration de M. le duc de Richelieu, je me bornerai aux faits suivans : la ville de Cherkob, située sur les bords marécageux du Dniéper, souffrait beaucoup des tièvres opiniâtres qui y régnaient ordinairement pendant les chaleurs de l’été, et qui même enlevaient beaucoup de monde. M. de Richelieu obtint pour cette ville des privilèges et des secours, qui lui permirent de construire le long du fleuve un quai, et de dessécher, par ce moyen, une grande partie de ces marais, en donnant en même tems un port fort commode au commerce. C’est par les soins de cet administrateur éclairé, que fut établi, sur la côte méridionale de la Crimée, le beau jardin botanique de Nikita, qui aujourd’hui ne le cède à aucun établissement de ce genre en Europe. L’olivier, le laurier, le grenadier et quantité d’autres plantes des pays méridionaux, commençaient à périr, faute de soins, dans cette contrée singulièrement favorisée par la nature. L’établissement dont je viens de parier, servira à conserver et à multiplier ces races précieuses, à en répandre la culture, à acclimater d’autres plantes utiles, jusqu’à présent inconnues dans le pays ; et sous ce rapport les avantages qu’il doit procurer sont incalculables.

L’homme qui tenait entre ses mains le sort d’une vaste et riche contrée, et de près de deux millions d’hommes, qui fondait des villes, faisait élever de tous côtés des édifices somptueux et des établissemens d’utilité publique, qui influaient sur tout le commerce de la mer Noire, n’avait, pour vivre honorablement, que ce que lui accordait la munificence du souverain. Mais Le noble désintéressement de M. le duc de Richelieu est trop connu pour que j’aie besoin de m’étendre beaucoup là-dessus. On connaît l’usage qu’il a fait de ce que la nation lui avait décerné en France, et tout le bien qu’il répandait sur ceux qui avaient recours à lui. Simple dans ses goûts, et ennemi du luxe, il ne possédait à Odessa qu’un jardin de quelques arpens, qu’il cultivait lui-même pour se délasser ; et il avait acquis, quelque tems avant de quitter la Russie, une petite terre en Crimée, dont il aimait beaucoup le site pittoresque, mais qui ne lui donnait pas 1,000 fr. de rente. Malgré cette modicité de fortune, il trouvait encore le moyen de soulager des malheureux, d’élever à ses frais des jeunes gens à l’institut d’Odessa, et d’encourager partout les talens et l’industrie. Au commencement de 1813, l’empereur Alexandre, pour donner une marque de sa satisfaction au duc de Richelieu, lui fit accorder 40,000 roubles. Bientôt après, la guerre éclata dam le nord, et la peste dans le midi de la Russie : M. de Richelieu ne balança pas un instant à faire le sacrifice de toute cette somme, dont la munificence du souverain avait gratifié ses services, et il l’employa au soulagement des malheureux pendant la peste, et à l’établissement des émigrés allemands, qui se trouvèrent dans la détresse pendant ce tems de calamités. Lorsqu’il rentra en France, il abandonna au profit du lycée d’Odessa une rente annuelle de 15,000 roubles, que l’empereur lui avait accordée pour un certain nombre données, et il fournit outre cela une très-belle bibliothèque qu’il envoya de Paris pour cette maison d’éducation : le reste de ce qu’il possédait en Russie fut partagé entre des personnes qui lui avaient été attachées.

Après avoir donné les détails qu’on vient de lire sur l’administration de M. le duc de Richelieu, je ne dois point oublier les services qu’à la même époque il a rendus à la Russie, comme militaire. À la fin de 1806, lorsque la guerre éclata avec la Turquie, c’est lui qui s’empara d’Akkerman, sur le Dniester, tandis que des détachemens de sa division occupaient Bender et Kilia. L’année suivante, il se rendit maître de l’importante place d’Anapa, située au pied du Caucase, sur les bords de la mer Noire. À la suite de cette occupation, il fit plusieurs expéditions dans l’intérieur du pays, pour réprimer les brigandages des peuples de la Circassie, qui, devenus plus audacieux depuis la déclaration de la guerre contre la Turquie, inquiétaient sans cesse la frontière du Couban ; et à la fin de 1810 il occupa, sur la côte des Abazes, le fort de Soudjouk-Kalé, qui avait été abandonné par les Turcs. Cette dernière expédition fut suivie d’un accommodement avec une partie des peuples qui habitent le Caucase, dans les environs d’Anapa et de SoudjouL-Kalé, et procura de grands avantages aux garnisons de ces deux places, qui non-seulement ne furent plus inquiétées par les montagnards, à chaque sortie de leurs murs, mais profitèrent encore beaucoup du commerce d’échange, qui s’établit à la suite de cet accommodement entre les Russes et les Circassiens.

Tels sont à peu près les principaux faits de l’advministration de M. le duc de Richelieu ; administration malheureusement trop courte pour le bonheur des peuples qu’il gouvernait, mais remplie de belles et grandes actions. Ce qu’il y a de consolant et d’honorable pour l’humanité, c’est de voir que dans le siècle où les bienfaits sont si facilement oubliés, M. le duc de Richelieu n’a point fait d’ingrats dans l’étendue des gouvememens de la Nouvelle-Russie : après huit années d’absence, le souvenir de son administration y est encore présent comme s’il venait de quitter ce pays ; le riche qui lui doit sa fortune, l’indigent, dont il était le soutien et le consolateur, tous lui portent la même affection, la même vénération. Il avait promis aux habitans de ces contrées de venir les visiter, et il comptait effectuer ce projet dans le courant de cet été même. Odessa l’attendait avec impatience : qu’on juge de l’effet qu’a dû y produire la nouvelle terrible de sa mort. La consternation se répandit dans toutes les classes de la société ; le spectacle fut fermé, et le deuil fut général comme aux jours de malheurs publics. Des services funèbres furent ordonnés, et, par un mouvement spontané et unanime, on prit la résolution d’élever une statue à la mémoire du plus vertueux et du plus bienfaisant des hommes. Les trois gouvernemens de la Nouvelle-Russie doivent participer à l’érection de ce monument d’une sincère et touchante reconnaissance.

Mais la ville d’Odessa tout entière n’est-elle pas le monument le plus digne de perpétuer d’âge en âge la gloire de M. le duc de Richelieu ? Et dût-elle subir enfin le sort commun à toutes les choses humaines, le nom du fondateur de sa prospérité survivra à ses décombres, et restera dans la bouche et dans le cœur des hommes, tant qu’ils seront sensibles à la vertu, et qu’ils honoreront les belles et nobles actions. La postérité, qui jugera M. le duc de Richelieu sans passion, le mettra au nombre des bienfaiteurs de l’humanité, des grands administrateurs, et le désignera comme l’homme le plus vertueux de son siècle.

  1. M. le duc de Richelieu se servît d’un Français, M. le comte de Maisons, pour opérer cotte surprenante métamorphose.
  2. M. le duc de Richelieu avait envoyé M. le comte Louis de Rochechouart, officier du génie de grand mérite, tué depuis dans la guerre de 1814 pour exécuter ces travaux de défense de la frontière du Couban ; et, dans deux années de tems, toutes les redoutes, sur urne distance de 200 werstes ou 50 lieues, furent reconstruites.
  3. Essai sur l’Histoire ancienne et moderne de la Nouvelle-Russie, par M. le marquis de Castelnau, tome 1, page, note 1.
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