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Page:Élémir Bourges, Les Oiseaux s'envolent et les fleurs tombent, 1893.djvu/11

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Votre Excellence est trop au fait des personnages et des cours de l’Europe, pour que j’aie besoin de lui rappeler le mariage du grand-duc Fédor, frère du tsar Nicolas, avec la princesse Maria-Pia, fille de dom Pedro Ier, empereur du Brésil, et sœur de dona Maria II da Gloria, reine de Portugal. En 1843, à l’époque de ce mariage, imposé à son frère puîné par l’inflexible Nicolas, Mme Maria-Pia avait dix-sept ans, et le Grand-Duc plus de quarante-cinq. C’était une étrange disproportion d’âge, et la disparate de cœur et de sentiments des nouveaux époux semblait plus effrayante encore. En effet, depuis des années, le Grand-Duc se trouvait engagé de passion à une maîtresse, la princesse Sacha Gourguin. Cette Gourguin était, comme l’on dit chez nous, un vrai chat noir, qui n’avait que la peau et les os ; toutefois, un grand feu d’esprit, et les plus beaux yeux, avec des manières hautaines : dangereuse, artificieuse, accusée de beaucoup de noirceurs ; dont le mari était mort brusquement, et l’on en avait mal parlé, mais qui tenait le Grand-Duc sous son joug, et l’avait comme ensorcelé, Ce mariage, tout de politique, ne rompit donc que peu de temps l’attachement des deux amants, et bientôt même le Grand-Duc, qui avait introduit la princesse auprès de Mme Maria-Pia, eut l’adresse de les lier et de les rendre inséparables, sans éveiller chez sa femme aucun soupçon. La Grande-Duchesse était jeune, toute neuve à Pétersbourg ; elle ignorait la cour, le monde, et avait foi en son mari.

Deux ou trois mois après les noces, Mme Maria-Pia crut ressentir tous les symptômes d’une grossesse. La nouvelle s’en répandit avec éclat, et quantité de dames de noblesse visitèrent la Grande-Duchesse, et lui firent leur cour en lui pronostiquant qu’elle accoucherait d’un garçon. Mais on ne tarda pas à s’apercevoir que le Grand-Duc, loin de marquer de la joie aux féliciteurs, se mon


    à découvrir, soit à Paris, soit dans cette foule de prisonniers que nous avons de la Commune, un jeune homme nommé Floris, qui serait, à ce qu’il assure, le fils légitime de S. A. I. le grand-duc Fédor de Russie et de son auguste épouse. (Note de M. Thiers.)