Page:Émile Belloc - Observations sur les noms de lieux de la France méridionale.pdf/6

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
[358]
— 7 —

prunte sa signification à la forme extérieure ou à l’aspect particulier du terrain ; quand il émane des produits du sol, des plantes ou des animaux ayant coutume de vivre ou de fréquenter un endroit déterminé ; quand il rappelle un événement mémorable dont on veut perpétuer le souvenir, ce nom acquiert par cela même une valeur documentaire que la moindre altération orthographique est capable d’annihiler.

Quelques citations succinctes, en faisant mieux comprendre ce qui précède, permettront, en même temps, d’apprécier les inconvénients graves que les déformations dialectales peuvent causer, au point de vue toponymique comme au point de vue pratique.


Dans les Pyrénées centrales, les avalanches sont désignées par les montagnards sous le nom de Lit[1]. Les indigènes distinguent deux sortes de Lits : la Lit dé Bént « avalanche de vent » ou Lit boulatye « avalanche volage », c’est-à-dire l’avalanche légère ou de surface ; et la Lit terrère « avalanche terrestre ou de fond », celle qui déplace et entraîne avec elle une grande quantité de matières détritiques et de débris rocailleux.

Un certain ravin de la haute région pyrénéenne avait reçu, des bergers et des chasseurs, le nom caractéristique de Coumbe[2] dé la Lit terrère, ce qui veut dire le « vallon encombré par les apports d’une avalanche terrestre ou de fond ». Plus préoccupé, probablement, de franciser à tort et à travers les dénominations locales que de respecter leur forme originelle et le sens commun, un auteur n’a pas hésité à transformer cette appellation locale en….. « Combe littéraire » !

  1. Dictionnaire béarnais ancien et moderne, par V. Lespy et Raymond. 2 vol. in-8o. Montpellier, 1887.
  2. Il ne faut pas confondre, comme cela a lieu trop souvent, Coumbe avec Coume (lat. cumulus). Coumbe, correspondant à l’expression française « vallée, ravin », a servi à former le vocable béarnais Baricabe « fondrière, enfoncement dans le sol », et Baricoumbe « pente raide ravagée par de profonds ravins ». Coume, au contraire, désigne une « colline, un monticule, un mamelon… ». Coume, dans les Pyrénées centrales, n’est jamais synonyme de « Combe », comme le dit fautivement M. E. Peiffer (Recherches sur l’origine et la signification des noms de lieux, p. 103, Nice, 1894) et d’autres auteurs avec lui. Dans les idiomes pyrénéens, Coume signifie exclusivement un « monticule », de même qu’en Catalan le mot Coma veut dire une « petite montagne », mais, dans aucun cas, Coume ne doit être assimilé au mot « Combe » employé dans le massif du Jura pour caractériser les dépressions de terrain encaissées par des Crêts ou « arêtes rocheuses ».