Page:Érasme - Éloge de la folie, trad de Nolhac, 1964.djvu/12

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J.-B. Kan a ajouté des éléments critiques. Sans négliger de telles ressources, j’ai travaillé sur la rare édition de notre compatriote Charles Patin. Elle reproduit le commentaire philologique de Gérard Lister, qui fut approuvé par l’auteur, et qui renseigne notre ignorance sur tant d’allusions et de citations anonymes, courant dans le texte comme le filigrane dans le papier. Mais cet Encomium Moriae, publié à Bâle en 1676, a d’autres mérites. Il est offert à Colbert par une belle dédicace latine ( …Regis ab intimis consiliis et secretiaribus mandatis, generali aerarii moderatori, summo regiorum aedificiorum praefecto, etc. ) Charles Patin, médecin, numismate et voyageur, raconte comment, après avoir parcouru l’Angleterre, la Belgique, l’Allemagne, l’Italie, pour comparer les méthodes de la médecine, il s’est fixé à Bâle et a fait, à la bibliothèque de l’Université, une précieuse rencontre. Ce sont les quatre-vingt-trois dessins à la plume qu’Holbein a jetés sur les marges de l’édition de 1514, et qui, d’après des annotations d’Érasme, ont passé sous ses yeux et l’ont fort réjoui. Notre compatriote, le premier, a jugé utile de les faire connaître au public, en les présentant avec le texte et, muni de l’autorisation des magistrats de la ville, il a procuré une édition d’un caractère tout à fait nouveau.

Les amateurs du temps apprécièrent cette illustration de l’Éloge de la Folie. Elle était due à des copies de Settler, de Berne, gravées par Merian, de Francfort. Quelques cuivres sont frappés dans le texte ; mais ceux qui dépassent la justification sont tout simplement collés et repliés sur des blancs réservés. Chacun a goûté la saveur âpre et un peu rustique de ces compositions bâloises, popularisées depuis par des reproductions plus fidèles. Il est agréable de les feuilleter dans l’ouvrage qui les révéla. Patin y a joint une biographie latine d’Holbein et un index operum, curieux essai de catalogue raisonné, où l’on voit qu’il possédait lui-même des peintures du maître. Le portrait gravé des deux contemporains, et des témoignages choisis achèvent de faire de cette édition un monument à leur gloire commune.

Tant de fois reproduits depuis lors, les dessins d’Holbein semblent attachés au texte de son ami. Pourtant les nouveaux illustrateurs ont toujours reporté à leur propre temps la satire érasmienne. C’est ainsi qu’Eisen, à Paris, et Chodoiwiecky, à Berlin, ont transporté l’Éloge en d’amusantes scènes du xviiie siècle. Notre Lepère a