Page:Érasme - Éloge de la folie.djvu/145

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à ce titre ils ne lui doivent que la vie physique, qu’ils ont reçue au moins autant du créateur que de lui ; ils l’aimeront parce que c’est un excellent homme, dans lequel ils retrouvent une étincelle de l’intelligence divine, qui seule est le bien suprême, hors duquel il n’y a rien à aimer ou à désirer. Leur règle de conduite consiste sinon à mépriser les choses visibles, du moins à ne faire cas que de celles qu’ils ne voient pas. Dans les sacrements comme dans les autres devoirs de piété, ils distinguent soigneusement ce qui est de l’âme et ce qui est du corps. S’abstenir de viande et aller coucher sans souper, voilà un jeûne complet selon le peuple. Le dévot ne lui accorde aucune valeur, si l’on n’a refréné ses passions, réprimé sa colère et son orgueil, si en un mot l’âme, se déchargeant en partie du fardeau corporel, ne s’est élancée vers le ciel pour en connaître et en goûter les délices. Ils raisonnent de même à l’égard de la messe ; les cérémonies, selon eux, ne sont pas à dédaigner, mais, en elles-mêmes, elles ne sont qu’inutiles ou nuisibles si l’on ne se pénètre de l’esprit des choses cachées sous les symboles. Le sacrifice de l’autel est la représentation de la mort de Jésus-Christ, les chrétiens doivent la reproduire dans leur cœur, en crucifiant, en ensevelissant, pour ainsi dire, leurs passions, afin de ressusciter à une vie nouvelle et de ne faire qu’un avec le Sauveur, comme l’Eucharistie ne fait qu’un avec lui. Voilà la conduite, voilà les méditations des dévots.

Pour le vulgaire, prendre part à la messe,