Page:Érasme - Éloge de la folie.djvu/30

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phique que par leur manière de vivre ; je dis mes Hollandais, parce qu’ils me rendent un culte si assidu qu’ils en ont retenu un surnom. Disons à leur louange que, loin d’en rougir, ils le considèrent comme leur plus beau titre de gloire.

Allez maintenant, mortels insensés, demander aux Médées, aux Circés, aux Vénus, à l’Aurore, à je ne sais quelle fontaine, une seconde jeunesse ! Ne comprenez-vous pas que, moi seule, je puis la donner, et la donne en effet ? C’est moi qui possède ce philtre magique à l’aide duquel la fille de Memnon prolongea les jours de Tithon, son aïeul ; c’est moi la Vénus qui rendit à Phaon les grâces de cette belle jeunesse qui enflamma si fort l’ardente Sapho ; ce sont mes simples, s’il y en a dans l’affaire, mes enchantements, ma fontaine merveilleuse, qui rappellent la jeunesse écoulée, que dis-je, qui la conservent inaltérable. Si vous êtes d’accord avec moi que rien n’est plus désirable que la jeunesse, rien n’est plus odieux que la vieillesse ; vous devez reconnaître par suite ce dont vous m’êtes redevable, à moi qui vous conserve un bien si précieux en écartant le mal contraire.

Mais quittons la terre un moment et passons en revue les habitants des cieux. Je veux bien qu’on me fasse une injure de mon nom, si on trouve un seul des immortels qui vaille quelque chose sans moi ! Pourquoi Bacchus a-t-il toujours été cet éphèbe à la longue chevelure ! parce que toujours fou, toujours ivre, toujours au milieu des banquets, des danses, des chansons et des fêtes, il n’a jamais eu au-