Page:Érasme - Éloge de la folie.djvu/32

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eux-mêmes à la Folie. Est-il besoin de vous rappeler les amours et les aventures de Jupiter-Tonnant ? de vous parler de Diane, qui oubliant tout à fait la modestie de son sexe, ne chassait plus rien dans les forêts que le bel Endymion, pour qui elle mourait d’amour ? Et toutes ces peccadilles que Momus reprochait autrefois aux immortels, je les passe sous silence ; sur ce sujet délicat, j’aime mieux m’en rapporter à ce qu’il a dit, car, s’il vous en souvient, les dieux importunés de sa sagesse le précipitèrent sur la terre, et depuis aucun asile ne s’ouvrit à l’exilé ; les palais des rois se fermèrent surtout devant lui, la Flatterie ma compagne y tenant cour plénière et sympathisant avec lui comme le loup avec l’agneau. Débarrassés de cet importun, les Immortels menèrent joyeuse vie et se laissèrent aller à la pente, comme dit Homère, sans crainte des censeurs. Que de gaieté dans ce drille de Priape ? que d’espièglerie dans les vols et les tours de Mercure ! N’est-ce pas grâce à Vulcain, à son allure baroque, à ses balourdises et à ses quiproquos, que les dieux ébranlent par leurs rires la salle de leurs festins ? Silène, ce vieil amoureux, ne danse-t-il pas la Cordax, et Polyphème ne se trémousse-t-il pas lourdement, tandis que les nymphes effleurent à peine la terre de leurs pieds ? Les satyres aux pieds de chèvres figurent les impudiques Atellanes ; Pan, avec ses chansons bien bêtes, fait rire tout le monde, car on préfère Pan aux Muses, surtout quand le nectar échauffe les cerveaux divins ! Vous dirai-je ce que les immortels font après boire ?