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hargneux étouffé par le Crabe. Enfin, s’il en faut croire Philistos et Aristote, Stésichore, vers la fin du VIIe siècle, détournait les gens d’Himère de donner une garde à Phalaris, en leur contant le bel apologue du Cheval et du Cerf.


Ésope.

Avec le VIe siècle s’ouvre l’ère de la poésie gnomique. C’est le temps où les sept Sages condensent en maximes leurs observations sur la conduite des hommes, où Pythagore et ses disciples réduisent leur sagesse en préceptes, où Cléobule de Lindos et sa fille proposent leurs énigmes. C’est aussi le temps où la tradition fait paraître Ésope.

Et c’est bien en un temps où les esprits sont tournés vers la morale que la fable devait fleurir et porter des fruits. Ésope, nous l’avons vu, ne l’a pas inventée, et s’il a été considéré comme le père de la fable, c’est sans nul doute qu’il a frappé ses contemporains par l’abondance de sa verve, par son talent à rajeunir les vieux thèmes et à en imaginer de nouveaux, et qu’il a exercé par la fable, comme Socrate le fera plus tard par sa dialectique, un apostolat plus humble auprès de la foule qu’il amusait et moralisait à la fois. Mais la fable resta dans sa bouche l’humble genre populaire qu’elle était ; il ne songea pas plus que Socrate à se faire une réputation d’écrivain. Tandis que les écrivains de son temps estimaient que le vers seul était capable de porter leurs œuvres jusqu’à la postérité, lui dédaigna la forme poétique, il se borna au langage de la prose, et de la prose parlée ; car il est à peu près certain qu’il n’écrivit aucune de ses fables.


Les divers noms donnés à la fable.

Il semble qu’après Ésope il y ait une lacune dans la faveur dont la fable jouit en Grèce, au moins chez les écrivains. Il faut descendre jusqu’à Eschyle et à Hérodote pour rencontrer de nouveaux exemples de fables. On trouve aussi chez eux des noms nouveaux. Jusqu’alors la fable était désignée par le mot αἶνος ; Eschyle lui donne le nom de μῦθος (Myrmidons, fr. 133) et Hérodote celui de λόγος (I, 141). On a beaucoup discuté sur la valeur de ces termes. Au dire du scholiaste d’Aristophane (Guêpes, 1251) la différence vient de ce que l’αἶνος n’est point faite pour les enfants, mais pour les hommes, et qu’elle n’est pas un simple amusement, mais