Page:Œuvres choisies de Thomas Campanella.djvu/199

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que nous élevions ceux que nous engendrons ; que nous ayons une maison, une femme et des enfants à nous. Eux le nient et pensent, avec saint Thomas, que la génération est faite pour conserver l’espèce et non l’individu. La reproduction regarde donc la république et non les particuliers, si ce n’est comme partie du tout, qui est la république. Et comme les particuliers engendrent et élèvent très mal leurs enfants, il peut en résulter un grand mal pour la république qui, dans ce cas, a raison de ne s’en remettre qu’à elle-même sur un point de cette importance. La sollicitude de la paternité regarde donc bien plus la communauté que l’homme privé. On cherche à cet effet à réunir les géniteurs et les génitrices, selon les enseignements de la philosophie. Platon pense qu’on doit s’en remettre au sort pour la formation des couples, de crainte que ceux qui se verraient privés de femmes fortes et belles ne s’en prissent aux magistrats et ne se révoltassent contre eux. Il pense aussi que, dans le tirage au sort, les magistrats doivent user de ruse, ne donner les belles femmes qu’à ceux qui en sont dignes, n’accorder aux autres que celles qu’ils méritent et non pas celles qu’ils désirent. Mais cette ruse serait inutile chez les Solariens, pour unir les hommes difformes aux femmes qui le sont, car on ne trouve pas de difformité chez eux. Les femmes, grâce à l’exercice qu’elles se donnent, ont des couleurs vives, des membres robustes, et sont grandes et agiles. La beauté des femmes consiste pour les Solariens dans la force et la vigueur, et l’on punirait de mort celles qui farderaient leur visage pour s’embellir, se serviraient de chaussures élevées pour se grandir, ou porteraient de longues robes pour couvrir des pieds défectueux. D’ailleurs, quand elles le voudraient, elles