Aller au contenu

Page:Œuvres complètes de Condillac, tome 5 - Traité des animaux, 1803.djvu/127

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

il n’est que pratique. Le nôtre juge non-seulement de ce qui est bon pour nous, il juge encore de ce qui est vrai et de ce qui [492] est beau : nous le devons tout à-la-fois à la pratique et à la théorie.

En effet, à force de répéter les jugemens de ceux qui veillent à notre éducation, ou de réfléchir de nous-mêmes sur les connoissances que nous avons aquises, nous contractons une si grande habitude de saisir les raports des choses, que nous pressentons quelquefois la vérité avant d’en avoir saisi la démonstration. Nous la discernons par instinct.

Cet instinct caractérise sur-tout les esprits vifs, pénétrans et étendus : il leur ouvre souvent la route qu’ils doivent prendre ; mais c’est un guide peu sûr, si la raison n’en éclaire tous les pas.

Cependant il est si naturel de fléchir sous le poids de ses habitudes, qu’on se méfie rarement des jugemens qu’il fait porter. Aussi les faux pressentimens régnent-ils sur tous les peuples, l’imitation les consacre d’une génération à l’autre, et l’histoire même de la philosophie n’est bien