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LE VICOMTE DE LAUNAY.

parti, à la triste condition d’homme à bonnes fortunes ! — C’était là un malheur pris à même le faubourg Saint-Germain, — un malheur que la Chaussée d’Antin ignore, — un malheur que le faubourg Saint-Jacques ne connaîtra jamais, — un malheur que le faubourg Saint-Denis ne saurait imaginer, — un malheur que le faubourg Saint-Marceau et le faubourg Saint-Antoine peuvent seuls comprendre, car les bons ouvriers savent que, dans tous les rangs, il est triste de manquer d’ouvrage ; et puis le peuple, à qui l’on fait faire les révolutions, est le seul qui puisse plaindre ceux qui en souffrent, parce qu’il est le seul qui n’en profite pas.

Au lieu de cela, M. de Viel-Castel a pris pour héros un Allemand, un Westphalien ; nous ne voyons pas ce que cet homme a de commun avec le faubourg Saint-Germain. Il arrive à Paris et va au bal chez madame de Blacourt, une des notabilités du faubourg Saint-Germain. Là on pouvait faire une satire bien amère, une bien charmante épigramme : il fallait faire apparaître tout le faubourg Saint-Germain, non pas à l’hôtel de Blacourt, non pas chez la comtesse de Blacourt, mais chez un M. Fluch, ou Black, ou Blick, chez un intrus, un inconnu adopté, cajolé, prôné par le faubourg Saint-Germain, pour les quelques bals qu’il lui donne, pour les quelques bougies que ses fêtes nous offrent de plus que les nôtres ; le faubourg Saint-Germain méritait cette injure. Au reste, M. de Viel-Castel ne la lui épargne pas ; plus loin nous la retrouvons dans toute sa cruauté. La duchesse de Chalux demande au jeune Allemand s’il ira au bal chez M. Stilher. M. Stilher est un de ces étrangers qui, n’osant dépenser dans leur pays l’argent qu’ils y ont volé, viennent se faire adopter par l’aristocratie parisienne. « Non, madame la duchesse, répond Gérard, je ne vais pas chez lui, moi… je le connais ; en Prusse, tout le monde le connaît et personne ne le reçoit. » La leçon est sévère, mais elle est bonne ; elle nous rappelle ces vers d’une satire dont nous ne voulons point nommer l’auteur : Chanterai-je, dit-il,

Ces femmes, autrefois modèles de fierté,
Que l’on voit tout à coup manquer de dignité,
Dont le blason superbe au déluge remonte,