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LETTRES PARISIENNES (1837).

vous disant : Faites excuse, parce que l’on se rappelle que la veille un dandy vous a marché sur le pied sans vous dire seulement : Pardon.

Nous sommes partisan des fêtes populaires ; l’aspect du plaisir général nous réjouit. Nous aimons les mâts de cocagne, les feux d’artifice, et les éluminations. Nous aimons mieux voir cent mille personnes qui s’amusent dans Paris que de voir quatre cents personnes qui bâillent dans un salon ; mais nous voudrions que cette joie ne coûtât rien à ceux qu’elle enivre. Nous ne voudrions pas qu’une fête donnée aux ouvriers fût une ruine pour eux ; nous ne voudrions pas qu’il y eût deux dimanches par semaine. Pourquoi s’amuser le mercredi ? C’est très-cher de s’amuser un mercredi. Pourquoi n’avoir pas remis la fête de ce soir à dimanche prochain ? Ce n’était pas un anniversaire impérieux. Pourquoi, dans une ville de travail et de commerce, interrompre le travail et le commerce inutilement ? Une journée perdue, c’est un tort véritable pour l’ouvrier. Ce jour-là il dépense beaucoup et ne gagne rien. Remettez donc toutes vos fêtes au dimanche, et le peuple se divertira sans regret et sans remords. Un gouvernement ne doit jamais jouer le rôle de tentateur ; vous avez supprimé les fêtes du calendrier, ne les remplacez pas par les vôtres ; ne donnez pas à M. le préfet de la Seine, en heures oisives, les jours de recueillement que vous avez repris à Dieu.

Depuis ce matin tous les petits enfants se réjouissent : ils sautent gaiement devant les fenêtres, en criant : « Il fait beau, maman, il fait beau ; nous irons aux Champs-Élysées voir les boutiques ! » Et tout un avenir de croquettes et de pain d’épice s’ouvre devant eux. En allant savoir des nouvelles de votre cheval favori, qui est un peu triste depuis quelque temps, qui ne mange plus, car le noble animal subit comme vous l’influence printanière, en traversant la cour, vous rencontrez l’enfant de votre portière, paré d’une auréole de papillotes blanches. Cet éclat inaccoutumé vous dévoile des projets extraordinaires. L’enfant, que vous interrogez, vous répond avec une joie concentrée : « J’irai ce soir à la fête avec papa, ma tante et le domestique à madame Girard. » Les papillotes sont expliquées : « Tiens, dites-vous alors, voilà de quoi acheter des