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LETTRES PARISIENNES (1837).

aurait le propos assez léger. L’autre jour elle a dessiné, et nous venons de voir un dessin d’elle qui n’est vraiment pas trop laid ; sérieusement nous ne ferions pas mieux, mais cela tient peut-être à nous. Ce dessin représente des ronds, des zigzags. Ce n’est ni un profil, ni un paysage ; ce sont des plans d’architecture, des études d’ornements. Il n’est pas un enfant de six ans qui ne dessine plus mal. Jacqueline ayant vu l’artiste qui travaille près d’elle porter son crayon à ses lèvres, a voulu l’imiter ; mais, au lieu de mouiller légèrement le bout du crayon, elle l’a mangé, alors le crayon n’a plus marqué : Jacqueline paraissait fort surprise ; elle regardait le jeune homme, elle regardait le papier, elle regardait le bout du crayon. Son impatience était risible ; enfin on lui a donné un autre crayon, et elle s’est remise à l’ouvrage. Son grand plaisir est de jouer avec un gant ; elle ne distingue pas encore très-bien le gant de la main droite de celui de la main gauche : c’est bien difficile aussi.

Jacqueline est au secret ; peu de personnes sont admises à l’honneur de lui faire leur cour. Les méchants prétendent que nos savants sont dupes d’une mystification ; que Jacqueline est tout bonnement une vieille de province qui, ennuyée de sa vie retirée, et séduite par toutes les merveilles que l’on raconte du palais des singes, a voulu venir passer quelque temps à Paris et obtenir un logement gratis au jardin des Plantes. Cette version commence à s’accréditer.

À propos de palais, on parle avec enthousiasme du palais de Constantine ; on croirait entendre une description des Mille et une Nuits.

Les boulevards sont maintenant éclairés au gaz dans toute leur étendue, depuis la Madeleine jusqu’à la Bastille. C’est admirable ! Cet hiver on y verra mieux la nuit que le jour.

On travaille toujours avec activité aux enlaidissements de la place de la Concorde. Les confiseurs français se hâtent, et le magnifique surtout sera bientôt terminé ; les quatre assiettes montées qui le décorent sont confiées à nos premiers artistes, Berthellemot, Achard, Bonney et La Folie.

Liszt est à Milan, où il obtient, dit-on, et peut-être dit-il, les plus grands succès en tous genres.