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LETTRES PARISIENNES (1836).

gers ; en venant l’étudier parmi nous, ils nous forcent à le retrouver.

Le Théâtre-Italien a l’air d’un congrès. Il n’est pas un des spectateurs qui ne soit un peu ambassadeur ou homme d’Etat ; chacun d’eux a été ministre quelque temps et quelque part. C’est un coup d’œil curieux que l’aspect de ce théâtre : samedi dernier surtout, jour des Puritains, la salle était resplendissante d’illustrations et de beautés.

Il y a dans ce moment à Paris une quantité de jolies femmes, effrayante pour le repos de la capitale : jolies Anglaises, belles Italiennes chassées vers nous par le choléra, brunes Espagnoles que nous envoie la guerre civile. Oh ! les charmants fléaux qui nous valent ce beau coup d’œil ! Dans le nombre, il y a aussi de jolies Françaises : car les Françaises se remettent depuis quelques années à être jolies comme les Français se remettent à être rieurs et aimables. Sous l’Empire, les femmes étaient toutes belles, puis il y a eu interruption. Sous la Restauration, les minois, les traits douteux, ont pris le haut du pavé. Excepté une ou deux étoiles lumineuses, les femmes de cette époque étaient plutôt agréables que belles ; et par instinct, par esprit (et elles n’en manquaient pas), elles avançaient leurs jolis pieds quand on regardait trop longtemps leur visage. Alors ce n’était pas la mode d’être belle ; aujourd’hui cette mode est revenue, et l’on peut citer beaucoup de femmes qui la suivent exactement.

Les manches tombantes, arrêtées en haut par un bracelet qu’on a le grand tort d’appeler poignet, sont les plus généralement adoptées ; les manches bouffantes en haut et justes à partir du coude sont abandonnées ; on les laisse aux geôliers de mélodrame et au tuteur des Folies amoureuses, dont elles ont fait jusqu’à ce jour le plus bel ornement.

Les nouveaux mouchoirs sont irrésistibles ; cette large rivière de jours qui les bordait l’année dernière est, cette année, séparée par un entre-deux de broderie, et quelle broderie ! délicate, imperceptible, fine, légère, gracieuse à en radoter. On fait bien aussi de riches bordures en relief semées d’oiseaux, de paons, de perroquets brodés d’un travail merveilleux, mais ce sont des mouchoirs de caprice qui ne peuvent servir tous les