Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 4.djvu/246

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
240
LE VICOMTE DE LAUNAY.

de souscription en province, là ferait un fâcheux effet. Aussi nous devons dire que nous n’en avons pas vu une seule. Les jolies femmes étaient en majorité. Nous voudrions pouvoir nommer toutes ces nouvelles mariées si gracieuses, au naïf maintien, au sourire d’enfant, au regard à la fois étonné et spirituel, que leurs mères présentaient à leurs vieux amis, revenus la veille de leur château ; mais nous respectons l’incognito de leurs noms illustres : nous ne citons jamais que les noms livrés depuis longtemps aux journaux par la politique, par la fortune ou par la gloire.

Dans le récit de toutes ces fêtes, il ne faut pas oublier un bal fort joli et très-original qui a été donné, il y a quelques jours, à tous les modèles de Paris, dans l’atelier d’un peintre célèbre. Les femmes étaient fort belles, comme on le pense bien ; mais leur parure n’était pas celle que l’on aurait pu rêver : elles portaient toutes, ou du moins presque toutes (car il y en avait peu de généreuses), des robes montantes et des manches longues ; était-ce calcul, ou modestie ? avaient-elles peur de donner pour rien une séance inutile, et craignaient-elles le sort de ce géant bénévole qui nous a tant amusé il y a quelques années ? Nous allions un jour visiter un cabinet d’antiques : à droite, au premier, demeurait le savant que nous allions voir ; mais nous nous trompons et nous allons sonner à gauche. Un homme d’une taille formidable vient nous ouvrir la porte. « Monsieur un tel ? disons-nous. — Il reste en face. Ici c’est le géant du Nord. — Pardon, monsieur, dit un plaisant qui nous accompagnait, n’est-ce pas vous-même qui êtes le géant du Nord ? — Oui, monsieur, c’est moi, et si vous voulez entrer pour deux francs, vous verrez… — Je verrai le géant que je vois pour rien, monsieur, cela est maintenant inutile ; je vous remercie ; mais écoutez un conseil d’ami : si vous voulez que les curieux payent deux francs pour vous voir, il ne faut pas venir leur ouvrir la porte vous-même. — Vous avez raison, monsieur, répondit le géant du Nord ; cela peut me faire du tort ; je n’y avais pas songé. »

La réception des femmes aux Tuileries a été cette année la plus belle qu’on ait jamais vue. La reine a passé en revue trois rangs de femmes magnifiquement parées. Les émeraudes et