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LETTRES PARISIENNES (1838).

peut-être allez-vous échouer dans un autre. Vos feuilletons sont imités par tous les journaux, il y a des vicomtes de Cerisy, d’Allevard, dans toutes les revues, c’est une preuve de succès ; croyez-nous, reprenez le Courrier de Paris. » Et nous avons cédé à leurs prières. Hélas ! il faut bien dire aussi pourquoi, c’est que l’inspiration avait passé ; mais elle reviendra encore, nous l’espérons ; nous achèverons notre poëme et nous vous confierons quelques-uns de nos vers ; nous qui jusqu’alors n’avions eu aucune prétention littéraire, nous livrerons nos œuvres à la critique. On pourra se venger enfin de toutes nos malices ; nous sommes vulnérable, maintenant que nous avons acquis une vanité.

Mais nos vers ne sont point achevés et ceux de M. Théophile Gautier sont imprimés ; c’est de lui qu’il nous faut parler. La Comédie de la mort est un petit poëme d’une centaine de pages, qui donne son nom à tout le recueil de poésies et qui vient attrister une foule de ravissantes élégies pleines de grâce et de fraîcheur ; l’idée de ce poême est grande et belle. Le poëte, comme le Dante, descend, non pas aux enfers, ce mot a vieilli, il descend dans le pays des âmes ; il s’en va chez les morts chercher la vérité, le mot de la vie ; il va demander le secret de ce monde à ceux qui ne l’habitent plus. Une femme l’accompagne dans sa course funèbre, c’est la Mort ; mais la Mort n’est pas, pour le poëte moderne, ce vieux squelette décharné qui se promène depuis tant de siècles tenant une faux à la main, et qui ne se repose que sur un jeu d’oie ; la Mort est pour lui une belle jeune fille qu’il décrit ainsi :

Un souffle fait plier sa taille délicate ;
Ses bras, plus transparents que le jaspe et l’agate,
Pendent languissamment ;
Sa main laisse échapper une fleur qui se fane,
Et, ployée à son dos, son aile diaphane
Reste sans mouvement.

Elle est amère et douce, elle est méchante et bonne,
Sur chaque front illustre elle met la couronne
Sans peur ni passion.
Amère aux gens heureux et douce aux misérables,
C’est la seule qui donne aux grands inconsolables
Leur consolation.