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LE VICOMTE DE LAUNAY.

La Mort conduit le poëte vers Faust ; il interroge l’homme de la science ; peut-être la science a-t-elle le secret de la vie ?… Faust répond, comme le Cassandre de Schiller : La science est la mort. Puis il s’écrie, en maudissant ses inutiles veilles, ses vains travaux :

Un seul baiser, ô douce et blanche Marguerite !
Pris sur ta bouche en fleur, si fraîche et si petite,
Vaut mieux que tout cela.
Ne cherchez pas un mot qui n’est pas dans le livre ;
Pour savoir comme on vit, n’oubliez pas de vivre,
Aimez, car tout est là.

Et le poëte, alors, voyant que le secret qu’il poursuit n’est pas dans la science, court interroger don Juan, l’homme qui a donné sa vie à l’amour ! Mais don Juan répond :

J’ai brûlé plus d’un cœur dont j’ai foulé la cendre,
Mais je restai toujours, comme la salamandre,
Froid au milieu du feu.
J’avais un idéal frais comme la rosée,
Une vision d’or, une opale irisée
Par le regard de Dieu !

Au carrefour douteux, Y grec de Pythagore,
J’ai pris la branche gauche, et je chemine encore,
Sans arriver jamais.
Trompeuse volupté, c’est toi que j’ai suivie,
Et peut-être, ô vertu, énigme de la vie,
C’est toi qui la savais.

Don Juan envie le sort de Faust ; lui seul a compris le destin de l’homme, dit-il : la science c’est la vie.

N’écoutez pas l’amour, car c’est un mauvais maître ;
Aimer c’est ignorer, et vivre c’est connaître.

Et le poëte découragé, voyant que le secret du monde n’est ni dans la science ni dans l’amour, va le demander à la gloire, et Bonaparte lui répond des vers admirables, que nous ne pouvons citer aujourd’hui et qu’il vous faudra bien lire, même malgré vous, car M. Théophile Gautier s’est classé déjà, par la publication de ce recueil, dans le petit nombre des grands talents poétiques que tout homme de goût doit connaître.