nières, et cela vaut mieux. Le roi citoyen convient plus à nos mœurs que le roi gentleman. Le vaisseau de l’État n’est plus un superbe navire aux voiles dépendantes que les vents capricieux font voguer au hasard ; c’est un lourd bateau à vapeur, chargé de charbon et de pommes de terre, partant à heure fixe, arrivant à jour fixe au port qui lui est assigné. Il ne dit pas, comme Agamemnon :
Que lui importe à lui ? tant que le charbon brûle et que les
patates cuisent, il roule, car le vaisseau de l’État ne vogue
plus. Cela vaut mieux sans doute pour le passager et pour tout
le monde, pour vous surtout qui vivez de petits amendements
et de longs rapports, vous qu’une loi de tabac et de betteraves
intéresse des mois entiers ; mais pour nous, qui n’aimons que
les arts et les plaisirs, nous regrettons le beau navire et le
vieux monarque des temps passés, parce qu’il emporte avec
lui nos souvenirs, parce que nul ne savait mieux dire une gracieuse
parole et faire plus à propos un noble présent, parce
qu’il était éminemment royal, ce qui était quelque chose dans
sa position, parce qu’enfin il avait la tradition, comme on
dit au théâtre, et que la tradition se perd avec lui.
Maintenant que Charles X est mort, on lui rend justice ; on comprend que ses fautes si sévèrement punies n’étaient que nobles qualités ; par malheur, ces qualités n’étaient plus de notre époque, et ce fut là son crime ; car c’est une vérité misérable qu’il faut bien avouer : comme les habits, les vertus subissent la mode, cela ferait croire qu’elles ne sont que des parures. Il est telle vertu surannée qui peut nuire à un galant homme ; jadis la fermeté était une vertu de roi, aujourd’hui cela s’appelle une tendance arbitraire ; jadis la clémence était belle toujours, aujourd’hui on en fait une faute politique, et le plus insignifiant ministre ne pardonne pas à un roi de faire grâce malgré ses avis. Le bien et le mal ne se devinent pas par instinct comme autrefois, maintenant c’est une étude qui demande toute la vie, et encore voit-on de nobles âmes s’y tromper. À l’âge de Charles X, il était bien tard pour revenir sur ses idées et pour se refaire des croyances nouvelles. Nous n’étions