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LE VICOMTE DE LAUNAY.

fourrures… — Ah ! ne me parlez pas de fourrures, vous êtes trop grasse, ma chère, trop petite ; avec un mantelet fourré et un manchon, vous aurez l’air d’un gros chat !… » Nous croyons, en vérité, que le besoin d’une loi somptuaire se fait sentir. Il y en avait bien du temps du grand roi. Oui, mesdames, il y a un édit de Louis XIV qui défend les paillettes, les broderies et les guipures ! ces mêmes guipures qui sont aujourd’hui la folie nouvelle, ces dentelles d’église qui ressemblent au papier à jour qu’on met sur les dragées, elles étaient bannies de cette cour élégante. Si vous doutez de nous, croyez-en Molière ; il fait parler ainsi Sganarelle :

Oh ! que je sais au roi bon gré de ces décris ;
Et que pour le repos de ces mêmes maris
Je voudrais bien qu’on fît de la coquetterie
Comme de la guipure et de la broderie !

Ce beau vœu de Sganarelle n’a pas encore été exaucé. On a depuis ce temps fait bien des lois contre beaucoup de choses ; on a fait des lois contre les journaux, contre les crieurs publics, contre les associations et contre le faux tabac ; on a supprimé les jeux et la loterie ; mais on n’a jamais songé au décret que Molière demande. On n’a jamais proposé la moindre loi répressive contre la coquetterie. Les gouvernements qui se sont succédé en France jusqu’à ce jour, — cette phrase ne nous appartient pas, nous l’empruntons au Constitutionnel, au Journal des Débats, au Journal de Paris, au National, au Courrier français, etc., etc., et à quatre-vingt-dix-neuf brochures et opinions politiques, — les gouvernements qui se sont succédé en France jusqu’à ce jour ne se sont pas sentis assez forts pour accomplir cette réforme, beaucoup plus électorale qu’on ne pense ; ils ont reculé devant la difficulté ; le ministère actuel aura-t-il plus de hardiesse ? Nous n’oserions pas le lui conseiller ; et pourtant ce que l’on raconte des séductions féminines de la coalition nous ferait croire qu’il gagnerait plus qu’un autre à risquer ce coup d’État.