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LE VICOMTE DE LAUNAY.

par économie. Quant aux gens d’esprit indépendants qui ont trop de bonne foi pour se faire remorquer par aucun parti, qui ne vont point à la cour parce que les révérences les ennuient, qui s’entourent de toutes les opinions parce que l’esprit de tous les amuse, sans être en deuil, ils se mettent en noir pour ne choquer personne. Quelle différence voyez-vous là-dedans ? dira-t-on. La nuance est très-grande, nous pouvons le prouver. C’est la différence du crêpe au satin, d’une profonde douleur à une douce mélancolie, d’une affection malveillante à une convenance délicatement observée. Une femme en grand deuil de Charles X (quand nul devoir de position ne l’y oblige) nous fait aujourd’hui le même effet que nous faisait en 1830 une femme couverte de rubans tricolores ; en général, nous n’aimons pas la politique des chiffons.


LETTRE SIXIÈME.

Commérage. — Les jeunes filles ambitieuses. — Junie épouserait Néron.
— Virginie épouserait M. de Labourdonnaie.
30 novembre 1836.

On a comméré cette semaine sur toutes sortes de sujets. Beaucoup de fausses nouvelles nées subitement et plaisamment démenties ; quelqu’un disait-il : Berryer est parti hier pour Goritz ; au même instant la porte du salon s’ouvrait, et l’on voyait entrer M. Berryer. Savez-vous la nouvelle ? lui disait-on, Berryer est parti pour Goritz. Et M. Berryer affectait un air d’incrédulité. — Puis on parlait de la session prochaine, de la majorité, de la minorité. Les badauds politiques se frottent les mains et se réjouissent : La session sera fort intéressante, disent-ils ; les gens sages haussent les épaules. Tant pis, répondent-ils, nous n’aimons pas les sessions amusantes ; nous préférons de bonnes lois ennuyeuses à d’éloquentes querelles inutiles. Les députés ne sont pas faits pour divertir le pays, volontairement du moins. — Nous pensons comme ces gens-là, et nous avons vu avec peine qu’en Angleterre on voulait accorder aux femmes la permission d’assister aux séances du Parlement. Nous croyons que tout ce qui donne l’air théâtre à la représentation nationale lui ôte de sa dignité. Les personnes