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LETTRES PARISIENNES (1836).

qui assistent aux séances des Chambres sont de simples témoins, nous ne voulons pas que l’on en fasse un public de galeries, en y joignant des femmes plus ou moins parées. Les Anglais ont tort de nous imiter. À quoi servent les brillantes assemblées ? à faire de la tribune un tréteau parlementaire ; au lieu de députés qui discutent, vous avez des acteurs qui posent ; au lieu d’hommes d’affaires qui expriment consciencieusement et sans prétention les idées qu’ils doivent à leur expérience, vous avez des orateurs brillants qui choisissent dans leurs convictions, et quelquefois au delà, la phrase brillante qui doit produire le plus d’effet sur une brillante assemblée. Nous ne croyons pas que ces brillants succès rendent la situation du pays plus brillante.

On parle aussi de la guerre que l’ancien président du conseil va déclarer au ministère d’aujourd’hui. Les grands exploiteurs de petites haines font déjà leurs préparatifs ; déjà les hostilités commencent, grâce à leurs soins ; ils courent chez M. Guizot : Thiers, disent-ils, va vous attaquer vigoureusement : il se propose de dire ceci ; ceci ; de dévoiler ça, ça. Puis ils reviennent chez M. Thiers : Ah ! disent-ils, le ministère fait le brave ; il s’attend à tout, il se prépare à vous répondre fièrement ; il répliquera ceci, ceci ; il expliquera ça, ça… Et c’est pitié de voir la supériorité de deux hommes de talent que des circonstances passagères ont pu séparer un moment, mais qui pourraient encore s’entendre si l’intérêt général l’exigeait, misérablement exploitée par les médiocrités les plus obscures. — Et cela s’appelle faire de la politique ? Soit… Nous connaissons de vieilles commères qui n’emploient pas d’autres moyens pour révolutionner tout le quartier.

On parle encore, mais sévèrement, de la plaisante raison que les gens du gouvernement vous donnent quand on leur demande pourquoi la famille royale ne porte point le deuil de Charles X. C’est une raison politique. Vous ne savez point cela ? C’est dans la crainte de déplaire à la classe bourgeoise. La classe bourgeoise, dit-on, verrait d’un mauvais œil cette concession aux idées monarchiques. La classe bourgeoise, messieurs, porte le deuil de ses parents, et c’est une flatterie singulière qui la touchera peu, que de faire une chose inconvenante pour lui