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LE VICOMTE DE LAUNAY.

savourez l’air des montagnes. Si vous rencontrez dans la rue un de vos parents, vous détournez la tête avec horreur. En vain il vous reconnaît et veut vous parler ; vous ne lui répondez pas, et vous continuez à être absent. S’il insiste, vous lui annoncez votre retour pour le mois prochain ; et le mois suivant, en effet, vous reparaissez dans la capitale, un peu fatigué du voyage, mais enchanté, riche de souvenirs et pas du tout bruni. Peut-être ne vous êtes-vous pas extrêmement amusé ; mais, du moins, vous êtes resté irréprochable comme élégance, et vous pouvez crier très-haut à ceux que des affaires ou des affections enchaînent misérablement ici : « Comment peut-on passer un été à Paris ? » La fausse absence n’est pas une plaisanterie ; c’est bien mieux, c’est une vérité plaisante.


LETTRE DIX-NEUVIÈME.

L’anniversaire du 29 juillet aux Champs-Élysées. — Fête populaire. — Feu d’artifice. — Musique. — Jeux. — Supplices d’été. — L’arrosage à la pelle.
2 août 1839.

La semaine a commencé par un bombardement des plus horribles ! Jamais pareil tapage n’avait étourdi nos oreilles : les maisons tremblaient, les vitres frémissaient, les chevaux bondissaient, les chiens gémissaient, les enfants pleuraient. On avait bien de la peine à leur faire comprendre que ce bruit épouvantable était un plaisir. Le feu d’artifice tiré lundi 29 juillet a duré quarante-trois minutes. En l’écoutant, — car nous n’avons pas vu le feu d’artifice, nous n’avons fait que l’entendre, mais nous l’avons parfaitement bien entendu, — nous pensions à ces pauvres malades que le moindre bruit fait tressaillir, dont la moindre commotion redouble les souffrances, et nous nous demandions si la paille qu’on avait étendue devant leur porte les protégeait suffisamment contre ce vacarme. Nous nous hâtons de dire à nos lecteurs parisiens que nous nous sommes répondu négativement.

Un feu d’artifice qui dure si longtemps perd tout son charme ; son rôle, c’est de briller un moment, d’éblouir et de s’éteindre. Son destin est d’être admiré par des heureux plus