jouait du violon ; plus loin, un vieillard infirme terminait sa carrière en jouant du violon, tandis que deux petits enfants de trois à quatre ans préludaient aux fêtes de la vie en jouant du violon. Or tous ces violons, d’âges et de sexes différents, étaient accompagnés par autant de basses et de soi-disant clarinettes, dont l’ardeur n’était jamais en retard : chaque instrument tenait à paraître le digne soutien de la vieillesse et de l’enfance. Quelle harmonie ! quelle symphonie ! c’était un concert monstre, s’il en fut jamais. La bière coulait à longs flots : bière anglaise, bière lyonnaise ; l’esprit de concurrence avait passé des fabricants aux consommateurs ; des boudins énormes s’enroulaient autour de grands plats comme des serpents fabuleux. On entendait sauter les bouchons, pétiller les lampions et gazouiller les fritures.
Des jeux de bague faisaient tournoyer des familles entières : les petits garçons se tenaient fiers et superbes à cheval sur un cygne de bois ; le papa, comprimé dans un fauteuil trop étroit, serrait sur ses genoux la petite, et la maman fermait les yeux pour ne pas être étourdie par cette course de ménage ; et le dialogue s’engageait de cygne à fauteuil : « Tu te tiens bien, petit ? — Oui, papa… c’est bien amusant ! — Et toi, petite, tu n’as pas peur ? — Tu n’as pas mal au cœur, mon ami ? — Non, et toi ? — Moi, je ne me sens pas bien du tout. »
Des sociétés complètes s’amusaient à naviguer sur des vaisseaux aériens. Ce jeu-là est plus aventureux que le jeu de bague. Les navires, assez grands, contiennent deux passagers. Mademoiselle Agathine s’embarque avec M. Frédéric, mademoiselle Céleste avec M. Victor, mademoiselle Amanda avec M. Achille. On s’amuse, on rit, on a peur, on crie. Mais peu à peu on s’accoutume aux agitations du navire ; et lorsqu’on met pied à terre, si quelqu’un dit : « J’aime mieux ce jeu-là que le jeu de bague, » tout le monde est du même avis.
Il y a aussi toutes sortes d’amateurs qui se font peser ; on les voit assis très-gravement dans un fauteuil, occupés à être lourds ou légers. Quand on a vérifié leur poids et qu’on leur apprend ce qu’ils valent, ils s’étonnent tout haut avec la plus charmante naïveté, et ils se perdent dans la foule en disant : « Cent neuf ! je croyais peser plus que cela ! c’est peu… » Ou