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LE VICOMTE DE LAUNAY.

Baudrant. La mère, la tante et les deux aînées sont seules admises à visiter ce sanctuaire. Le reste de la famille nous attend à la porte dans les voitures. D’abord, on admire les salons de ce temple du goût, ces hautes portières en tapisserie, ces beaux vases du Japon remplis de plumes blanches, de bouquets de toutes couleurs ; avenir des belles parures, fleurs toujours fraîches, à chaque instant renouvelées, car elles ne restent dans leur vase que juste le temps d’être choisies. On demande à essayer une forme de chapeau, alors les armoires de Boulle sont ouvertes, et les plus charmantes capotes s’offrent aux regards. Quatre chapeaux sont commandés. Un chapeau maternel en velours des Indes orné de branches de feuillage en velours vert. Pour la tante, qui est encore fort belle, une adorable capote en satin et crêpe lisse bouillonné, fleurs en velours et marabout. Pour chacune des deux jeunes filles, une charmante capote de velours noir ornée d’une petite plume noire posée avec une coquetterie impossible à décrire. Nous partons et nous allons rejoindre la famille, que nous trouvons livrée à mille plaisirs. Toute la musique ambulante et aérienne de Paris est rassemblée autour des voitures, tous les Savoyards, singes et marmottes sont là. Jean Bonhomme, le singe le plus aimable de la capitale, épuise tous ses talents pour amuser nos petites filles, dont les rires joyeux ont attiré la foule et dont la beauté toute britannique fait l’admiration des assistants. Jean Bonhomme joue des cymbales, il balaye la rue, il prend dans sa poche un passe-port qu’il montre au commissaire de police ; il fait tous ses tours enfin. La vue de ce singe célèbre nous fait rire à notre tour ; nous nous rappelons avoir vu coudre son petit habit rouge par une aimable et spirituelle femme de nos amies. Oui, nous l’avons surprise un jour, au coin du feu, cette bonne dame de charité, occupée à tailler la veste de Jean Bonhomme ; la misère du pauvre quadrumane, que son maître, Savoyard de sept ans et demi, n’avait pas le moyen de parer dignement, lui avait fait pitié ; elle avait voulu venir au secours d’un singe si comme il faut, d’un singe de génie ; et pour l’aider, ainsi que son maître, à faire fortune, elle avait sacrifié noblement un vieux châle pour lui confectionner un habit. C’était très-généreux… N’importe, une