Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 4.djvu/460

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
454
LE VICOMTE DE LAUNAY.

parler de la nouvelle du moment. C’est très-incommode d’être feuilletoniste, quand on n’est pas journaliste. Nous ne pouvons cependant résister au désir de vous raconter l’anecdote suivante :

M. de L… a acheté l’hôtel de madame la duchesse de Ch…

Ces jours-ci des ouvriers, faisant des fouilles dans le jardin, ont trouvé un coffre mystérieux : c’est un trésor, point de doute. La duchesse de Ch… avait une fortune considérable, elle a laissé des millions. Ce sont des diamants, de l’or, des bijoux précieux que renferme cette cassette… On s’assemble, on se consulte, on remplit scrupuleusement les formalités d’usage en pareil cas ; l’heure solennelle est venue, on va connaître enfin la valeur du trésor. Le coffre est ouvert ! la curiosité redouble : ce n’est qu’une première enveloppe ; ce coffre renferme un second coffre plus petit, on l’ouvre : que renferme-t-il ?… le squelette d’un chien ! À cette découverte, on rit d’abord de tant d’espérances déçues ; et puis bientôt on s’attriste, car un des assistants se rappelle l’histoire de ce pauvre chien : c’était celui de Marie-Antoinette, son compagnon de prison, le témoin de toutes ses larmes, le seul trésor que la reine de France pût léguer à sa digne amie, madame de Tourzel, en montant à l’échafaud.

Le coffre ouvert avec une curiosité profane fut religieusement fermé et remis à sa place.


LETTRE CINQUIÈME.

Les trois bals.
8 février 1840.

La semaine a commencé par trois grands bals :

Lundi, bal chez madame la duchesse d’Orléans ;

Mardi, bal au profit des pensionnaires de l’ancienne liste civile ;

Mercredi, bal aux Tuileries.

Le premier était un vrai bal de prince : tout y était du meilleur goût ; beaucoup de monde et point de foule ; un peu d’étiquette, mais point de froideur. De grands personnages causant dans de charmants salons artistement ornés, des hommes distingués osant avoir de bonnes manières, au risque de passer pour des courtisans imitant le maître ; beaucoup de