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LE VICOMTE DE LAUNAY.

prennent quand nous disons qu’il est impossible d’avoir plus de grâce, plus de distinction et plus de dignité dans les manières.

Il y avait beaucoup d’hommes costumés, mais ils ne l’étaient pas à leur avantage, heureusement ; car, selon nous, rien n’est plus ridicule qu’un monsieur en fichu à col qui est beau, prétentieusement beau, dans un bal. Il y avait plusieurs hommes en uniforme ; ces messieurs ne s’étonneront pas s’il y a des gens déguisés comme eux au carnaval prochain.


LETTRE HUITIÈME.

La femme véritable n’existe plus. — La femme-ange, la femme-démon.
Les prestiges. — La femme n’est point la compagne de l’homme.
12 mars 1840.

Nous venons de lire enfin le dernier numéro des Guêpes de M. Alphonse Karr, et ce n’est pas sans peine, vraiment ! Rien n’est plus amusant, mais aussi rien n’est plus difficile à lire que ce petit livre. Chacun le veut, on vous l’enlève sans scrupule, celui-ci pour une heure, celui-là pour vous le rapporter le lendemain ; monsieur le met dans sa poche, madame le cache dans son manchon ; bref, tout le monde le lit, excepté ceux qui viennent de l’acheter ; et l’on a possédé souvent jusqu’à trois exemplaires des Guêpes sans avoir pu même les parcourir un moment.

M. Alphonse Karr, dans son dernier numéro, se plaint avec beaucoup d’esprit de la grande vénération des hommes de nos jours pour les femmes de théâtre, pour ces voyageuses beautés qui déclament, qui chantent, qui dansent, qui miment et qui minaudent surtout avec plus ou moins de succès à Londres, à Vienne, à Naples, à Saint-Pétersbourg et à Paris. Il s’indigne de ce que les femmes du monde sont affreusement délaissées pour les femmes de théâtre, et il va jusqu’à prétendre que les femmes du monde, afin de ramener les fuyards, font tout ce qu’elles peuvent pour devenir un peu femmes de théâtre. Les femmes sont en général fort abandonnées, il est vrai ; mais ce n’est pas leur faute, et nous allons tâcher d’expliquer la cause de cet abandon.