Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 4.djvu/53

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
47
LETTRES PARISIENNES (1837).

n’attaque que ceux qui le craignent ; il ne poursuit que les gens qu’il fait fuir. Abordez-le franchement, et il devient si timide qu’il vous tend la main, et que loin de vous nuire, il peut vous servir au besoin. M. Romieu est représenté en hanneton, pour rappeler la célèbre aventure que les petits journaux lui ont attribuée : « Les malheurs d’un sous-préfet complètement dévoré, pendant un voyage en Bretagne, par un essaim de hannetons. » Quelle calomnie ! Ô hanneton ami de l’enfance, tu voles, il est vrai, mais tu es incapable de dévorer le moindre sous-préfet ! Ce n’est pas tout, le hanneton est posé sur un lampion, autre méchanceté ; le lampion fait allusion à une aventure non moins célèbre qui, n’ayant jamais été fondée sur rien, s’est promptement accréditée, et cela se comprend. Une histoire véritable se raconte de cent manières, parce que le vrai lui-même a des aspects très-variés ; alors viennent les discussions, les doutes, les récits, les contradictions ; mais pour une histoire inventée il n’existe qu’une version. Personne n’a le droit ni la prétention de la rectifier ; elle arrive pure comme elle est partie, elle marche plus vite que la vérité. Aussi l’histoire du lampion, qui est fausse, est-elle à jamais consacrée. M. Romieu lui-même la nie comme fait, mais il l’accepte comme tradition ; et le lampion adoptif sert de piédestal à ce buste spirituel qui semble dire à ceux qui le regardent : — Moquez-vous de moi, je vous le rends.


LETTRE DEUXIÈME.

L’ascension de M. Green. — Bal de l’ambassade d’Autriche. — Bal sournois du faubourg Saint-Germain. — Bal Musard.
11 janvier 1837.

La dernière ascension de M. Green et le grand bal de l’ambassade d’Autriche sont les événements de la semaine qui ont le plus occupé le monde parisien ; plus d’une merveilleuse a joui de ces deux plaisirs. Le matin assister au départ d’un ballon pour les cieux, et le soir briller dans l’une des plus belles fêtes de l’année ! C’est là de l’élégance s’il en fut jamais. On raconte même qu’un des voyageurs aériens, jeune valseur