vage ! Quelle imprudence ! Ah ! les étourdis !… Encore s’ils étaient jeunes !
Le malheureux sort des habitants de Barcelone et la noble conduite de notre consul excitent une grande sympathie dans le monde parisien. Nous partageons ces sentiments de pitié et d’admiration, mais nous ne comprenons pas cette grande fureur déployée contre l’Angleterre. « Bouleverser le monde pour des intérêts d’opium et de coton ! s’écrient les philanthropes de journaux ; quel égoïsme ! quelle indignité ! Anathème sur l’Angleterre ! » Eh ! messieurs, soyez donc de bonne foi. Cet opium et ce coton, mais c’est son sang, c’est sa fortune, c’est son honneur, c’est sa vie. L’humanité ! dites-vous. Est-ce que les puissances factices peuvent pratiquer la charité ? Est-ce qu’il leur est possible de s’oublier un jour sans périr ? L’Angleterre en politique ne peut pas faire du sentiment. Elle n’a pas le droit d’être libérale ; on ne peut sans folie l’accuser de cruauté ou de perfidie, puisqu’elle ne peut jamais ni sacrifier ni promettre. L’Angleterre n’est pas une chose, c’est une idée ; ce n’est pas un pays, c’est une combinaison, une combinaison admirable, mais qu’un chiffre déplacé peut détruire. Elle ne s’appuie pas sur un sol, mais elle vit sur un crédit ; elle est dans la situation d’un banquier qui, malgré toute la bonté de son âme, ne pourrait se montrer ni complaisant ni généreux sans risquer sa fortune et son honneur. Que penseriez-vous d’un banquier qui, pour faire l’aimable, renoncerait à prendre sa commission et dirait à ses clients : « Trop heureux d’escompter vos billets pour rien ? » Vous diriez qu’il est fou, et vous auriez raison ; car les banquiers sont comme les coquettes : du jour où ils deviennent sensibles, ils sont perdus. Eh bien, l’Angleterre est comme les banquiers et les coquettes : le jour où elle serait sensible, elle serait perdue.
Il faut donc lui pardonner sa cruauté obligatoire, et ne pas demander à ses hommes d’État une abnégation qui serait un crime de haute trahison. Eh ! mon Dieu, croyez-vous qu’ils n’aimeraient pas aussi à être généreux ! La générosité est chose si douce : c’est une parure toujours, une vengeance quelquefois. Non, il ne faut pas reprocher à l’Angleterre ses rigueurs ; il faut la plaindre d’être contrainte pour vivre à les exercer. Et