Page:Œuvres complètes de Delphine de Girardin, tome 6.djvu/494

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Julie le frappant vivement.

Non, laissez-moi… je n’ai plus de patience ! laissez-moi ! (Ils se regardent tous les deux et se mettent à rire d’inspiration.) J’ai trouvé ! les mauvais traitements !… C’est cela, tu me battais !…

De Langeais riant.

Et voilà le grief qu’elle trouve contre moi… les coups… qu’elle m’a donnés !… Oh ! c’est charmant !… Que de procès, de demandes en séparation ont été plaidés dans ce sens-là !… Va pour les mauvais traitements… j’ai des phrases toutes faites pour les sévices, etc., etc. (Il écrit. Elle le regarde tendrement et se met à genoux.) Tiens ! à genoux !…

Julie à genoux.

À mon tour, je te demande pardon de m’être fâchée ; mais j’ai si affreusement mal aux nerfs !…

De Langeais.

Je te pardonne, tu n’as pas trouvé de griefs… Oh ! oui, tu dois avoir mal aux nerfs !…

Julie.

Ces émotions si violentes me brisent !… Quelle affreuse vie nous menons depuis dix-huit mois !…

De Langeais.

Elle a de bons moments, cette vie-là… elle a même de très-bons moments… Nous nous aimons bien, avec cela on supporte tout

Julie.

Nous nous aimons trop, cela me fait peur.

De Langeais.

C’est vrai ; mais c’est parce que nous avons peur que nous nous aimons trop… le danger me pare et ton dévouement te rend plus belle encore… (À part.) Pauvre petite femme, elle a raison, je l’aime trop ; mais aussi, chaque fois que je l’embrasse, je me dis toujours : C’est peut-être la dernière fois… et cela exalte.

Julie à part.

Il a raison, le danger double l’amour… Oh ! chaque fois que je tiens cette pauvre tête menacée, je me dis… oh, c’est affreux !… mais je la défendrai.

(Elle prend la tête de son mari et l’embrasse avec passion.)