Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 1.djvu/35

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elle dit ce qui est, elle n’a pas à chercher ce qui devrait être.

Un savant a parfaitement le droit de se renfermer dans les limites qui conviennent le mieux à ses forces ; mais il ne faut pas qu’il rende la science elle-même solidaire de sa modestie, et qu’il l’entraîne à une abdication. La science doit être ambitieuse ; si elle craint d’empiéter sur ses voisins, elle risque de laisser inoccupée une partie de ses domaines. Il ne nous est nullement démontré qu’il soit possible ou utile de séparer les études sociales en deux branches distinctes, — l’une qui serait la simple analyse des résultats de la pratique établie, — l’autre qui en discuterait les causes théoriques, le but final, la légitimité ; mais quand même on admettrait ainsi une science du fait et une science du droit, il n’en est pas moins vrai que, puisqu’à côté de l’enseignement économique aucune science classée, aucun groupe d’hommes spéciaux ne s’occupait de rechercher la raison et le droit des faits sociaux, c’était à l’économie politique à prendre — ne fût-ce que provisoirement — cette position importante. Du moment qu’elle la laissait vide, il était évident qu’une rivale viendrait s’y établir, et qu’une protestation dangereuse battrait le fait avec l’idée du droit. Conformément au génie comme aux traditions nationales, cette protestation devait éclater surtout en France. Ce fut le socialisme. La fin de non-recevoir qu’il opposait à l’économie politique était spécieuse. « Le mal, disait-il, est dans les faits humains à côté du bien ; votre science se borne à catégoriser ces faits, sans les soumettre au contrôle préalable du droit ; par conséquent vos formules contiennent le mal comme le bien ; elles ne sont, à nos yeux, que le mal mis en théories, érigé en axiomes absolus et immuables. » Si le socialisme eût ajouté : « Nous allons vérifier vos for-