Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/181

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5o Les fermiers sont de toutes les classes laborieuses celle qui se plaint le moins.

Maintenant, des deux premiers faits, il nous semble impossible de ne pas tirer cette conclusion, que le peuple d’Angleterre est mieux nourri qu’il ne l’était autrefois.

Si la récolte a été abondante, s’il arrive du dehors des avalanches de blé, et si cependant tout se vend comme l’indique la fermeté des prix, la Presse peut en être contrariée, mais enfin elle ne peut se refuser à reconnaître qu’on mange en Angleterre plus de pain que jamais. (V. le n° 20.)

Et ceci nous montre que le peuple anglais a dû bien souffrir avant la réforme des tarifs, et qu’il n’avait pas si tort de se plaindre, puisque, quand les récoltes étaient moins abondantes, et que néanmoins l’importation était défendue, il devait y avoir nécessairement en Angleterre moins de pain qu’aujourd’hui dans une énorme proportion.

Qu’on raisonne tant qu’on voudra sur les autres effets de la réforme, celui-ci est du moins certain : le peuple est mieux nourri ; et c’est quelque chose.

Protectionnistes, démocrates, socialistes, généreux patrons des classes souffrantes, vous qui vous remplissez sans cesse la bouche des mots philanthropie, générosité, abnégation, dévouement ; vous qui gémissez sur le malheureux sort de nos voisins d’outre-Manche qui voient les métaux précieux abandonner leurs rivages, avouez du moins que ce malheur, s’il existe, n’est pas sans compensation.

Vous disiez qu’en Angleterre les riches étaient trop riches, et les pauvres trop pauvres ; mais voici, ce nous semble, une mesure qui commence à rapprocher les rangs ; car si l’or s’en va, ce n’est pas de la poche des pauvres qu’il sort, et si la consommation du blé dépasse tout ce qu’on aurait pu prévoir, ce n’est pas dans l’estomac du riche qu’il s’engloutit.