— Votre fondé de pouvoir l’ayant jugé ainsi, il ne vous reste plus qu’à me livrer les six tonneaux de vin et à vendre le mieux possible les quatorze tonneaux que je vous laisse.
— C’est mon affaire.
— C’est, voyez-vous, qu’il serait bien fâcheux que vous n’en tirassiez pas un grand prix.
— J’y aviserai.
— Car il y a bien des choses à quoi ce prix doit faire face.
— Je le sais, Monsieur, je le sais.
— D’abord, si vous achetez du fer pour renouveler vos bêches et vos charrues, une loi décide que vous le paierez au maître de forges deux fois ce qu’il vaut.
— Ah çà, mais c’est donc la forêt Noire ?
— Ensuite, si vous avez besoin d’huile, de viande, de toile, de houille, de laine, de sucre, chacun, de par la loi, vous les cotera au double de leur valeur.
— Mais c’est horrible, affreux, abominable !
— À quoi bon ces plaintes ? Vous-même, par votre chargé de procuration…
— Laissez-moi en paix avec ma procuration. Je l’ai étrangement placée, c’est vrai. Mais on ne m’y prendra plus et je me ferai représenter par bonne et franche paysannerie.
— Bah ! vous renommerez le brave général.
— Moi, je renommerai le général, pour distribuer mon vin aux Africains et aux fabricants ?
— Vous le renommerez, vous dis-je.
— C’est un peu fort. Je ne le renommerai pas, si je ne veux pas.
— Mais vous voudrez et vous le renommerez.
— Qu’il vienne s’y frotter. Il trouvera à qui parler.
— Nous verrons bien. Adieu. J’emmène vos six tonneaux et vais en faire la répartition, comme le général l’a décidé[1].
- ↑ V. au tome Ier la lettre à M. Larnac, et au tome V, les Incompatibilités parlementaires. (Note de l’éditeur.)