Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 4.djvu/93

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quez, a paru imposante à M. Say ; et je conviens qu’il ne vous a pas réfutés avec sa sagacité habituelle. — Pour moi, je ne vous cède pas le domaine des faits, car vous n’avez pour vous que des faits exceptionnels et contraints, et nous avons à leur opposer les faits universels, les actes libres et volontaires de tous les hommes.

Que disons-nous et que dites-vous ?

— Nous disons :

« Il vaut mieux acheter à autrui ce qu’il en coûte plus cher de faire soi-même. »

Et vous, vous dites :

« Il vaut mieux faire les choses soi-même, encore qu’il en coûte moins cher de les acheter à autrui. »

Or, Messieurs, laissant de côté la théorie, la démonstration, le raisonnement, toutes choses qui paraissent vous donner des nausées, quelle est celle de ces deux assertions qui a pour elle la sanction de l’universelle pratique ?

Visitez donc les champs, les ateliers, les usines, les magasins ; regardez au-dessus, au-dessous et autour de vous ; scrutez ce qui s’accomplit dans votre propre ménage ; observez vos propres actes de tous les instants, et dites quel est le principe qui dirige ces laboureurs, ces ouvriers, ces entrepreneurs, ces marchands ; dites quelle est votre pratique personnelle.

Est-ce que l’agriculteur fait ses habits ? est-ce que le tailleur produit le grain qu’il consomme ? est-ce que votre ménagère ne cesse pas de faire le pain à la maison aussitôt qu’elle trouve économie à l’acheter au boulanger ? est-ce que vous quittez la plume pour la brosse, afin de ne pas payer tribut au décrotteur ? est-ce que l’économie tout entière de la société ne repose pas sur la séparation des occupations, sur la division du travail, sur l’échange en un mot ? et l’échange est-il autre chose que ce calcul qui nous fait, à tous tant que nous sommes, discontinuer la production