Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 4.djvu/95

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de vos papiers. Vous faites de la théorie comme nous, mais il y a entre la vôtre et la nôtre cette différence :

Notre théorie ne consiste qu’à observer les faits universels, les sentiments universels, les calculs, les procédés universels, et tout au plus à les classer, à les coordonner pour les mieux comprendre.

Elle est si peu opposée à la pratique qu’elle n’est autre chose que la pratique expliquée. Nous regardons agir les hommes mus par l’instinct de la conservation et du progrès, et ce qu’ils font librement, volontairement, c’est cela même que nous appelons économie politique ou économie de la société. Nous allons sans cesse répétant : Chaque homme est pratiquement un excellent économiste, produisant ou échangeant selon qu’il y a plus d’avantage à échanger ou à produire. Chacun, par l’expérience, s’élève à la science, ou plutôt la science n’est que cette même expérience scrupuleusement observée et méthodiquement exposée.

Mais vous, vous faites de la théorie dans le sens défavorable du mot. Vous imaginez, vous inventez des procédés qui ne sont sanctionnés par la pratique d’aucun homme vivant sous la voûte des cieux, et puis vous appelez à votre aide la contrainte et la prohibition. Il faut bien que vous ayez recours à la force, puisque, voulant que les hommes produisent ce qu’il leur est plus avantageux d’acheter, vous voulez qu’ils renoncent à un avantage, vous exigez d’eux qu’ils se conduisent d’après une doctrine qui implique contradiction, même dans ses termes.

Aussi, cette doctrine qui, vous en convenez, serait absurde dans les relations individuelles, je vous défie de l’étendre, même en spéculation, aux transactions entre familles, communes, départements ou provinces. De votre propre aveu, elle n’est applicable qu’aux relations internationales.