Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 5.djvu/126

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range ?

Vous me prêtez une maison de 20,000 francs ; par là vous me rendez un service. Entendez-vous dire que, malgré mon consentement et le vôtre, je ne puis m’acquitter, au nom de la science, qu’en vous prêtant aussi une maison de même valeur ? Mais cela est absurde, car si nous avions tous des maisons, nous resterions chacun dans la nôtre, et quelle serait la raison d’être du prêt ? Si vous allez jusqu’à prétendre que mutualité des services implique que les deux services échangés doivent être non-seulement égaux en valeur, mais identiques en nature, vous supprimez l’échange aussi bien que le prêt. Un chapelier devra dire à son client : Ce que je vous cède, ce n’est pas de l’argent, mais un chapeau ; ce que vous me devez, c’est un chapeau, et non de l’argent.

Que si vous reconnaissez que les services s’évaluent et s’échangent, précisément parce qu’ils diffèrent de nature, vous devez convenir que la cession d’un usage qui est un service, peut très-légitimement s’évaluer en blé, en argent, en main-d’œuvre. Prenez-y garde, votre théorie, tout en laissant parfaitement subsister le principe de l’intérêt, ne tend à rien moins qu’à frapper d’inertie toutes les transactions.

Vous ne réformez pas, vous paralysez.

Je suis cordonnier. Mon métier doit me faire vivre ; mais pour l’exercer, il faut que je sois logé, et je n’ai pas de maison. D’un autre côté, vous avez consacré votre travail à en bâtir une ; mais vous ne savez pas faire vos souliers ni ne voulez aller pieds nus. Nous pouvons nous arranger : vous me logerez, je vous chausserai. Je profiterai de votre travail comme vous du mien ; nous nous rendrons réciproquement service. Le tout est d’arriver à une juste évaluation, à une parfaite équivalence, et je n’y vois d’autre moyen que le libre débat.

Et, sous prétexte qu’il y a cession d’un objet matériel, d’un côté, et que, de l’autre, il n’y a cession que d’un usage,