Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/292

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en main serve de véhicule à une proportion croissante d’utilité gratuite et commune.

Le lecteur voit que nous donnons au mot Propriété un sens très-étendu et qui n’en est pas pour cela moins exact. La propriété, c’est le droit de s’appliquer à soi-même ses propres efforts, ou de ne les céder que moyennant la cession en retour d’efforts équivalents. La distinction entre Propriétaire et Prolétaire est donc radicalement fausse ; — à moins qu’on ne prétende qu’il y a une classe d’hommes qui n’exécute aucun travail, ou n’a pas droit sur ses propres efforts, sur les services qu’elle rend ou sur ceux qu’elle reçoit en échange.

C’est à tort que l’on réserve le nom de Propriété à une de ses formes spéciales, au capital, à la terre, à ce qui procure un intérêt ou une rente ; et c’est sur cette fausse définition qu’on sépare ensuite les hommes en deux classes antagoniques. L’analyse démontre que l’intérêt et la rente sont le fruit de services rendus, et ont même origine, même nature, mêmes droits que la main-d’œuvre.

Le monde est un vaste atelier où la Providence a prodigué des matériaux et des forces ; c’est à ces matériaux et à ces forces que s’applique le travail humain. Efforts antérieurs, efforts actuels, même efforts ou promesses d’efforts futurs s’échangent les uns contre les autres. Leur mérite relatif, constaté par l’échange et indépendamment des matériaux et forces gratuites, révèle la valeur ; et c’est de la valeur par lui produite, que chacun est Propriétaire.

On fera cette objection : Qu’importe qu’un homme ne soit propriétaire, comme vous dites, que de la valeur ou du mérite reconnu de son service ? La propriété de la valeur emporte celle de l’utilité qui y est attachée. Jean a deux sacs de blé, Pierre n’en a qu’un. Jean, dites-vous, est le double plus riche en valeur. Eh ! morbleu ! il l’est bien aussi en