Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/407

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

orgueils patriotiques, et invente d’ingénieuses théories, qui lui donnent pour auxiliaires ses propres dupes ; elle rend toujours imminentes les crises industrielles et les banqueroutes ; elle ébranle dans les citoyens toute confiance en l’avenir, toute foi dans la liberté, et jusqu’à la conscience de ce qui est juste. Et quand enfin la science dévoile ses méfaits, elle ameute contre la science jusqu’à ses victimes, et s’écriant : À l’Utopie ! Bien plus, elle nie non-seulement la science qui lui fait obstacle, mais l’idée même d’une science possible, par cette dernière sentence du scepticisme : Il n’y a pas de principes !

Cependant, sous l’aiguillon de la souffrance, la masse des travailleurs s’insurge, elle renverse tout ce qui est au-dessus d’elle. Gouvernement, impôts, législation, tout est à sa merci, et vous croyez peut-être que c’en est fait du règne de la Spoliation ; vous croyez que la mutualité des services va être constituée sur sa seule base possible, et même imaginable, la Liberté. — Détrompez-vous ; hélas ! cette funeste idée s’est infiltrée dans la masse : Que la Propriété n’a d’autre origine, d’autre sanction, d’autre légitimité, d’autre raison d’être que la Loi ; et voici que la masse se prend à se spolier législativement elle-même. Souffrante des blessures qui lui ont été faites, elle entreprend de guérir chacun de ses membres en lui concédant un droit d’oppression sur le membre voisin ; cela s’appelle Solidarité, Fraternité. — « Tu as produit ; je n’ai pas produit ; nous sommes solidaires ; partageons. » — « Tu as quelque chose ; je n’ai rien ; nous sommes frères ; partageons. » — Nous aurons donc à examiner l’abus qui a été fait dans ces derniers temps des mots association, organisation du travail, gratuité du crédit, etc. Nous aurons à les soumettre à cette épreuve : Renferment-ils la Liberté ou l’Oppression ? En d’autres termes : Sont-ils conformes aux grandes lois économiques, ou sont-ils la perturbation de ces lois ?