Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/562

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À côté de ces inconvénients, qui sont immenses tant au point de vue moral et politique qu’au point de vue économique, inconvénients que je n’ai fait qu’esquisser, comptant sur la sagacité du lecteur, il y a quelquefois avantage à substituer l’action collective à l’action individuelle. Il y a telle nature de services dont le principal mérite est la régularité et l’uniformité. Il se peut même, qu’en quelques circonstances, cette substitution réalise une économie de ressorts et épargne, pour une satisfaction donnée, une certaine somme d’efforts à la communauté. La question à résoudre est donc celle-ci : Quels services doivent rester dans le domaine de l’activité privée ? quels services doivent appartenir à l’activité collective ou publique ? L’étude que nous venons de faire des différences essentielles qui caractérisent les deux natures de services nous facilitera la solution de ce grave problème.

Et d’abord, y a-t-il quelque principe au moyen duquel on puisse distinguer ce qui peut légitimement entrer dans le cercle de l’activité collective, et ce qui doit rester dans le cercle de l’activité privée ?

Je commence par déclarer que j’appelle ici activité collective cette grande organisation qui a pour règle la loi et pour moyen d’exécution la force, en d’autres termes, le gouvernement. Qu’on ne me dise pas que les associations libres et volontaires manifestent aussi une activité collective. Qu’on ne suppose pas que je donne aux mots activité privée le sens d’action isolée. Non. Mais je dis que l’association libre et volontaire appartient encore à l’activité privée, car c’est un des modes, et le plus puissant, de l’échange. Il n’altère pas l’équivalence des services, il n’affecte pas la libre appréciation des valeurs, il ne déplace pas les responsabilités, il n’anéantit pas le libre arbitre, il ne détruit ni la concurrence ni ses effets, en un mot, il n’a pas pour principe la contrainte.