Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/660

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être ne se rend mieux compte que l’économiste, — c’est que le progrès humain, surtout à son aurore, est excessivement lent, d’une lenteur bien faite pour désespérer le cœur du philanthrope…

Les hommes qui tiennent de leur génie le sacerdoce de la publicité devraient, ce me semble, y regarder de près avant de jeter, au sein de la fermentation sociale, une de ces décourageantes sentences qui impliquent pour l’humanité l’alternative entre deux modes de dégradation.

Nous en avons vu quelques exemples à propos de la population, de la rente, des machines, de la division des héritages, etc.

En voici un autre tiré de M. de Chateaubriand, que ne fait, du reste, que formuler un conventionnalisme fort accrédité :

« La corruption des mœurs marche de front avec la civilisation des peuples. Si la dernière présente des moyens de liberté, la première est une source inépuisable d’esclavage. »

Il n’est pas douteux que la civilisation ne présente des moyens de liberté. Il ne l’est pas non plus que la corruption ne soit une source d’esclavage. Mais ce qui est douteux, plus que douteux, — et quant à moi, je le nie formellement, — c’est que la civilisation et la corruption marchent de front. Si cela était, un équilibre fatal s’établirait entre les moyens de liberté et les sources d’esclavage ; l’immobilité serait le sort du genre humain.

En outre, je ne crois pas qu’il puisse entrer dans le cœur une pensée plus triste, plus décourageante, plus désolante, qui pousse plus au désespoir, à l’irréligion, à l’impiété, à la malédiction, au blasphème, que celle-ci : Toute créature humaine, qu’elle le veuille ou ne le veuille pas, qu’elle s’en doute ou ne s’en doute pas, agit dans le sens de la civilisation, et… la civilisation c’est la corruption !

Ensuite, si toute civilisation est corruption, en quoi consistent